Le Brésil sous le choc après un viol collectif diffusé sur internet
Internautes, militants et personnalités politiques sont en émoi après le viol collectif d'une adolescente à Rio de Janeiro. Certains dénoncent une "culture du viol".
"Barbarie" : des internautes jusqu'à la présidence en passant par la presse, le Brésil s'élève depuis vendredi 27 mai contre le viol collectif d'une adolescente à Rio de Janeiro, qui a été filmé et posté sur internet avec des commentaires vantards.
La vidéo était apparue mercredi 25 mai sur Twitter sur le compte d'un certain @michelbrazil7 (le compte a été supprimé depuis), accompagnée du message : "Ils ont ruiné la fille, vous voyez ce qu'on veut dire ou pas ? Ah ah ah !" Dans ce petit film tourné avec un téléphone portable, on voit une femme allongée sur un lit, manifestement inconsciente, les parties intimes exposées et saignantes. "Elle a été engrossée par plus de trente mecs !" dit une voix masculine. "T'as compris ou pas ? Plus de trente !" ajoute-t-il en riant. La vidéo, devenue virale, a été retweetée au moins 198 fois et a reçu plus de 500 "likes" avant d'être retirée du réseau. Des centaines d'appels au numéro vert du parquet ont dénoncé depuis mercredi la vidéo, les photos et les commentaires vantant le viol collectif présumé.
La police ne sait pas "si les agresseurs étaient 30, 33 ou 36"
Cette adolescente de 16 ans, présentée par la presse brésilienne comme toxicomane et mère d'un enfant de 3 ans, a, selon sa famille, été victime le week-end dernier de l'acte de vengeance d'un ex-petit ami, qui l'aurait attirée dans un traquenard, droguée et violée, puis donnée en pâture à une trentaine d'autres hommes. L'adolescente, hospitalisée jeudi pour recevoir des traitements préventifs contre les MST, a affirmé à la police avoir été violée par "33 hommes" armés dans une favela de l'ouest de Rio.
Selon sa grande-mère citée par le quotidien O Globo, elle était en état de choc quand elle est réapparue au sein de sa famille, n'arrêtait pas de pleurer et disait ne se souvenir de rien. "Il existe de très forts indices montrant que la jeune fille a effectivement été violée", a déclaré vendredi le chef de la police civile de Rio, qui attendait les preuves pour confirmer le viol, et qui ne savait pas "si les agresseurs étaient 30, 33 ou 36". La police dit avoir identifié quatre personnes soupçonnées d'avoir participé "directement ou indirectement" aux faits. Le site internet G1 donnait les noms de ces quatre hommes, âgés de 18 à 41 ans.
"La culture du viol est très forte au Brésil, elle fait partie de notre quotidien, même si on le nie"
Cette sordide affaire a suscité l'indignation générale. "Je dénonce avec la véhémence la plus absolue le viol de l'adolescente à Rio de Janeiro. C'est une folie qu'en plein XXIe siècle on soit confronté à des crimes barbares comme celui-là", a tweeté vendredi le président du Brésil par intérim, Michel Temer. Il a convoqué pour mardi une réunion de tous les responsables de la sécurité des Etats du Brésil et a promis la création d'un département de la police fédérale spécialisé dans la répression des violences faites aux femmes.
La proposition ne convainc pas les féministes. A l'image de Cynara Menezes, comme le relève Le Monde.fr (article payant) : "Je ne crois pas qu’un gouvernement qui a supprimé le ministère de la Femme soit réellement préoccupé par cette question", écrit-elle.
Dès sa mise en ligne, cette vidéo a provoqué une avalanche de réprobations, qui popularisaient notamment le slogan "Je lutte pour la fin de la culture du viol." Le viol collectif "n'est pas hors norme parce que la culture du viol est très forte au Brésil, elle fait partie de notre quotidien, même si on le nie", explique Luise Bello, porte-parole de l'association féministe Think Olga. Preuve de cette "culture du viol", selon Cynara Menezes : "A chaque cas d’agression, quelqu’un vient souligner que la femme portait une jupe courte, qu’elle aime le 'baile funk' [une musique jouée lors de soirées dans les favelas] ou consomme de la drogue. Au Brésil, on entend souvent dire que les femmes, les Indiens, les Noirs 'se victimisent'", regrette-t-elle, citée par Le Monde.
"Cela me fait plus mal à l'âme qu'à l'utérus"
Selon l'ONG Forum de sécurité publique, la police brésilienne a enregistré une agression sexuelle toutes les 11 minutes en 2014. Sachant que seuls 10% des cas sont signalés aux autorités, selon la même association, le nombre des viols au Brésil pourrait dépasser les 500 000 par an, sur une population totale de 204 millions d'habitants. Dans le seul Etat de Rio, 13 viols par jour en moyenne ont été officiellement répertoriés sur les quatre premiers mois de 2016.
Face à l'émoi suscité par cette affaire, la jeune victime a remercié ces soutiens sur sa page Facebook : "Nous pouvons toutes passer par un jour comme celui-là, a-t-elle écrit. Cela me fait plus mal à l'âme qu'à l'utérus qu'il existe des personnes aussi cruelles qui soient impunies !"
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