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Brésil : pourquoi la mobilisation s'enracine

Jeudi, des manifestations historiques ont rassemblé plus d'un million de personnes. Elles ont dégénéré dans de nombreuses villes, faisant un mort accidentel et des dizaines de blessés.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Dans les rues de Rio de Janeiro (Brésil), le 20 juin 2013. (TASSO MARCELO / AFP)

Un million de manifestants, des dizaines de blessés et un premier mort. Au Brésil, le mouvement de fronde sociale qui secoue le pays depuis une dizaine de jours a pris de l'ampleur, jeudi 20 juin. Francetv info vous détaille les dernières informations de cette mobilisation historique.

Pourquoi les Brésiliens restent-ils mobilisés ?

Impassibles après la décision de plusieurs municipalités d'abroger la hausse des tarifs dans les transports en commun, plus d'un million de protestataires ont déferlé jeudi dans les grandes villes du pays. "20 cents, ce n'était que le début", pouvait-on lire sur de nombreuses pancartes, en référence à la baisse des tarifs des tickets de bus consentie par les autorités de Sao Paulo. "Pourquoi je manifeste ? Vous devriez plutôt me demander pour quoi je ne manifeste pas ! Nous avons besoin d'une réforme politique, fiscale, de mettre fin à la corruption, nous avons besoin de meilleures écoles, de meilleurs transports. Nous ne sommes pas en mesure d'accueillir la Coupe du monde", tempête Savina Santos, 29 ans, fonctionnaire à Sao Paulo interrogée par Reuters.

La colère des manifestants se focalisait au départ sur une augmentation locale du prix des tickets de bus et de métro. Le mouvement a peu à peu pris de l'ampleur et a débordé Sao Paulo, agrégeant les récriminationsd'une partie de la population choquée par le budget consacré à la construction des infrastructures qui accueilleront la Coupe du monde. Les autorités brésiliennes espèrent que le Mondial 2014 puis les Jeux olympiques de 2016 à Rio seront l'occasion d'illustrer la place grandissante du pays, puissance émergente, sur la scène internationale.

Des manifestants en colère à Rio de Janeiro (Brésil), jeudi 20 juin 2013. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Mais pour les manifestants, l'écart entre les milliards de dollars investis pour l'événement et l'état des services publics est criant. Dans un rapport récent, la cour fédérale des comptes estimait que les dépenses engagées pour la Coupe du monde excédaient déjà de 15% au moins le budget initial, fixé à 24 milliards de reais (un peu plus de 8 milliards d'euros). 

Quelle est l'ampleur de la mobilisation ?

Malgré la victoire sur les prix des transports, rien ne laisse présager un essoufflement rapide de ce mouvement diffus, sans étiquette politique ou syndicale, ni leaders clairement identifiés. Les manifestations, qui ont rassemblé plus d'un million de personnes dans le pays, ont dégénéré dans de nombreuses villes, faisant un mort accidentel et des dizaines de blessés, jeudi. A Sao Paulo comme à Rio, les protestataires s'en sont pris, parfois violemment, à des militants de gauche syndicaux ou du Parti des travailleurs au pouvoir, qui se sont fait arracher et brûler leurs drapeaux.

A Ribeirao Preto, dans l'Etat de Sao Paulo, un manifestant de 18 ans est mort renversé par une voiture, a annoncé la police. D'après la presse locale, le véhicule a tenté de contourner un groupe de manifestants qui bloquaient une rue et a renversé trois personnes, dont la victime.

Premier mort lors d'une manifestation au Brésil (Camille Ponthieux / Francetv info)

A Brasilia. 30 000 personnes se sont rassemblées. Des manifestants ont attaqué le ministère des Affaires étrangères d'où ils ont été refoulés de justesse par la police. Un groupe de manifestants a réussi à briser une des portes vitrées d'entrée du bâtiment officiel et a été empêché in extremis d'y pénétrer par la police. 55 fenêtres ont été brisées ainsi qu'un vitrail de la cathédrale projetée par Oscar Niemeyer. 35 manifestants ont été blessés dont trois gravement.

A Rio de Janeiro. Plus de 300 000 manifestants ont défilé, et après un début de marche pacifique des heurts violents ont éclaté devant la mairie. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre un groupe de manifestants radicaux. Au moins 40 personnes ont été blessées dont un journaliste de la TV Globo, touché au front par une balle en caoutchouc. Des manifestants ont brisé des vitrines, pillé au moins un magasin d'électroménagers et une grande confusion a régné tout la soirée.

A Vitoria. Un groupe de manifestants a détruit les cabines de péage d'un pont qui relie la ville à sa voisine. Devant le tribunal de justice, un bataillon d'élite de la police a dû intervenir avec des gaz lacrymogènes pour disperser un groupe radical.

A Salvador de Bahia. Des affrontements violents ont également éclaté dans cette ville. Les manifestants ont incendié un bus et lancé des pierres sur des minibus de la Fifa, organisatrice de la Coupe des Confédérations de football qui se dispute actuellement dans le pays. Au moins un manifestant a été blessé par une balle en caoutchouc. Un policier a également été blessé, lors de ces incidents survenus à deux kilomètres du stade où se jouait le match Nigeria-Uruguay.

Comment réagissent les autorités ?  

Cette importante mobilisation a poussé la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, à annuler un voyage officiel prévu au Japon du 26 au 28 juin et à convoquer une réunion de crise avec ses ministres les plus proches, vendredi matin. La réunion aura lieu à 13h30 (heure de Paris) à Brasilia. 

Le drapeau brésilien est très présent dans les manifestations, comme ici à Belo Horizonte.  (YURI CORTEZ / AFP)

Ce mouvement de colère historique intervient par ailleurs à six mois d'une année politique cruciale pour ce pays de près de 200 millions d'habitants, avec l'élection présidentielle et les législatives prévues en octobre 2014. Les manifestations rassemblent en majorité des électeurs de la classe moyenne éduquée, qui n'appartiennent pas à la base électorale traditionnelle du Parti des travailleurs au pouvoir. Ce dernier est issu de la résistance à la dictature militaire et des manifestations du mouvement ouvrier et syndical de la fin des années 1970. Jusqu'à ces dernières semaines, la popularité de Dilma Rousseff était encore très élevée.

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