Cet article date de plus de neuf ans.
Cannes 2015 : un «très bon» marché du film
Le Festival de Cannes, c'est aussi un marché du film qui fait écho à la diversité de la sélection officielle. L'édition 2015 a été une réussite, selon Jérôme Paillard, son directeur. Entretien
Publié
Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Films terminés, projets en cours et velléités de coproductions : voilà ce qui a été discuté sur le marché du film, qui se tient en marge du festival de Cannes et qui s’est achevé vendredi 22 mai 2015. En chiffres : 12 000 participants, 1500 projections, une présence plus accrue de la Corée du Sud (+ 15% cette année), 120 pays représentés (un chiffre en hausse) dont des petits nouveaux : Népal, Afghanistan, Kirghizstan et Paraguay.
Pour la première fois, le marché du film a organisé un China Summit. Pourquoi un tel évènement vous est paru nécessaire ?
Tout le monde rêve de ce marché qui devrait être le plus important au monde, en termes d’entrées dans les salles. Mais c’est l’un des plus compliqués à aborder du fait des différences culturelles, de la censure et des quotas.
Nous voulions faire parler des professionnels et non pas des officiels. Nous avons abordé les questions relatives à la distribution, à la VOD (vidéo à la demande) – en Chine, c’est un marché très important et une façon de lutter contre la piraterie – et la coproduction.
L’année dernière, vous expliquiez que le marché évoluerait vers plus d’ouverture. La tendance se confirme-t-elle ?
L’année dernière et récemment encore, il y avait concernant la VOD une ouverture parce que les règles d’importation avaient été assouplies. Malheureusement, depuis quelques mois, les Chinois ont de nouveau verrouillé la VOD et imposent, pour des raisons politiques vraisemblablement, des licences d’importation. La VOD, qui n’était pas soumise aux quotas, permettait de montrer en Chine des films qui ne sortaient pas dans les salles. Tout cela est à l’image de ce qui se passe aujourd'hui dans ce pays, où la pression s’accroît sur les entreprises privées.
Comment se porte le marché du cinéma mondial ?
Ce qui tire les entrées vers le haut, c’est la Chine (à noter que la moitié des films vus sont chinois). Mais elles sont globalement en baisse dans le monde. Il y a un recul des recettes cinématographiques, avec celles de la vidéo, de la télévision et en ce moment celles des salles. La plus grande baisse qu’a connu le marché international date de 2009 – 2010 quand le secteur a pris conscience du changement de modèle, avec l’effondrement de la vidéo. Mais à Cannes, le marché ne va pas si mal. Beaucoup de gros projets se sont financés, beaucoup de films se sont très bien vendus. Il y a beaucoup d’entreprises, notamment françaises et américaines, qui affirment qu’elles ont fait un excellent marché, et que c’est peut-être même le meilleur.
Le marché du film 2015 a donc été un franc succès...
Les vendeurs sont plutôt satisfaits par rapport à leurs prévisions. Il y a deux pays importants où les prix de vente remontent, à savoir le Brésil et la Corée du Sud. A noter qu’on ne sait pas si c’est lié aux variations de change : baisse de l’euro, remontée du dollar… C’était un très bon marché et le beau temps n’a rien gâché.
Le marché de la coproduction est de plus en plus important. Pourquoi ?
Comme il est de plus en plus difficile de financer un film et de le distribuer, c’est très dangereux de le faire sur un seul territoire. Plus on a de partenaires dans des pays différents, plus il est facile de trouver des investisseurs à travers la coproduction. Ce qui permet de maximiser les chances de distribution, à la fois pour des questions de règlementation - le film a la nationalité de chaque pays coproducteur et peut donc bénéficier d’avantages réservés aux nationaux - ou parce des stars locales participent au projet. Il n’y a que des éléments vertueux dans la coproduction.
Les oeuvres indiennes présentés à Un Certain regard sont des coproductions, notamment avec la France, et surtout films indépendants. Elles représentent une facette nouvelle du cinéma en Inde...
Il y a effectivement un cinéma indien indépendant, qui malheureusement, n’est pas du tout soutenu par une politique publique. L’Inde est un pays avec lequel on adorerait collaboré sur des projets. D’autant qu’il n’y a pas de barrière linguistique comme en Chine. On y parle anglais. Je ne peux que souhaiter que les coproductions avec l’Inde se développent.
Cannes met en avant, à travers sa sélection des nouvelles régions. La carte du cinéma mondial, en termes de production, a-t-elle bougé ces dernières années ou les leaders maintiennent leur hégémonie ?
Ce n'est pas la Chine, on a pas beaucoup de films chinois ni de films indiens, ce sont principalement des films nationaux. Ce n'est pas la Russie, ce n'est pas non plus l'Asie. Il y a eu un boom de l’Amérique latine, il y a quelques années. Les pays de l’Est ont apporté beaucoup de films, la Roumanie, la Hongrie, cette année… Il y a eu des périodes : celles du cinéma japonais, qui est en retrait, du cinéma coréen… Non, la carte ne s'est pas enrichie récemment.
La domination d’Hollywood est définitivement une tendance lourde ?
C’est comme ça depuis toujours et ce n’est pas le Plan Marshall en Europe qui a favorisé le contraire. L’après-guerre a été une période clé pour le cinéma américain. Avant les années 40, les cinémas français et italiens tenaient le haut du pavé.
Et l’Europe n’y échappe pas : les films américains sont les plus vus sur le Vieux continent...
Le cinéma européen n’arrive pas vraiment à exister. Les films européens marchent bien sur leurs territoires, pas chez leurs voisins. Comme pour tout le monde se pose cette question terrible de la distribution
L’un des principaux enjeux de l’industrie aujourd’hui, c’est la distribution?
Oui ! C’est vraiment d’imaginer de nouvelles façons de trouver des audiences, avec notamment les jeunes dont les modes de consommation changent. Il faut les convaincre d’aller au cinéma ou de voir des films, de ne pas se limiter à la consommation de contenus courts sur Internet. Par ailleurs, la distribution va continuer à se radicaliser entre des grosses productions qui passent par les circuits traditionnels et des films, plus petits, qui ont besoin d’autres modes de distribution plus directs, rapides et moins coûteux. C’est-à-dire des sorties quasi simultanées à un moment donné : projection en festival, quelques sorties en salles et VOD.
Les œuvres diffusées dans les festivals, beaucoup plus exigeantes, sortent quelquefois en salles mais ce n’est pas le cas pour la majorité d’entre elles. Il faut absolument que ces films puissent capitaliser sur leur exposition médiatique quand ils sont présentés lors des festivals. Ces derniers sont parfois leur unique source de revenus.
Pour la première fois, le marché du film a organisé un China Summit. Pourquoi un tel évènement vous est paru nécessaire ?
Tout le monde rêve de ce marché qui devrait être le plus important au monde, en termes d’entrées dans les salles. Mais c’est l’un des plus compliqués à aborder du fait des différences culturelles, de la censure et des quotas.
Nous voulions faire parler des professionnels et non pas des officiels. Nous avons abordé les questions relatives à la distribution, à la VOD (vidéo à la demande) – en Chine, c’est un marché très important et une façon de lutter contre la piraterie – et la coproduction.
L’année dernière, vous expliquiez que le marché évoluerait vers plus d’ouverture. La tendance se confirme-t-elle ?
L’année dernière et récemment encore, il y avait concernant la VOD une ouverture parce que les règles d’importation avaient été assouplies. Malheureusement, depuis quelques mois, les Chinois ont de nouveau verrouillé la VOD et imposent, pour des raisons politiques vraisemblablement, des licences d’importation. La VOD, qui n’était pas soumise aux quotas, permettait de montrer en Chine des films qui ne sortaient pas dans les salles. Tout cela est à l’image de ce qui se passe aujourd'hui dans ce pays, où la pression s’accroît sur les entreprises privées.
Comment se porte le marché du cinéma mondial ?
Ce qui tire les entrées vers le haut, c’est la Chine (à noter que la moitié des films vus sont chinois). Mais elles sont globalement en baisse dans le monde. Il y a un recul des recettes cinématographiques, avec celles de la vidéo, de la télévision et en ce moment celles des salles. La plus grande baisse qu’a connu le marché international date de 2009 – 2010 quand le secteur a pris conscience du changement de modèle, avec l’effondrement de la vidéo. Mais à Cannes, le marché ne va pas si mal. Beaucoup de gros projets se sont financés, beaucoup de films se sont très bien vendus. Il y a beaucoup d’entreprises, notamment françaises et américaines, qui affirment qu’elles ont fait un excellent marché, et que c’est peut-être même le meilleur.
Le marché du film 2015 a donc été un franc succès...
Les vendeurs sont plutôt satisfaits par rapport à leurs prévisions. Il y a deux pays importants où les prix de vente remontent, à savoir le Brésil et la Corée du Sud. A noter qu’on ne sait pas si c’est lié aux variations de change : baisse de l’euro, remontée du dollar… C’était un très bon marché et le beau temps n’a rien gâché.
Le marché de la coproduction est de plus en plus important. Pourquoi ?
Comme il est de plus en plus difficile de financer un film et de le distribuer, c’est très dangereux de le faire sur un seul territoire. Plus on a de partenaires dans des pays différents, plus il est facile de trouver des investisseurs à travers la coproduction. Ce qui permet de maximiser les chances de distribution, à la fois pour des questions de règlementation - le film a la nationalité de chaque pays coproducteur et peut donc bénéficier d’avantages réservés aux nationaux - ou parce des stars locales participent au projet. Il n’y a que des éléments vertueux dans la coproduction.
Les oeuvres indiennes présentés à Un Certain regard sont des coproductions, notamment avec la France, et surtout films indépendants. Elles représentent une facette nouvelle du cinéma en Inde...
Il y a effectivement un cinéma indien indépendant, qui malheureusement, n’est pas du tout soutenu par une politique publique. L’Inde est un pays avec lequel on adorerait collaboré sur des projets. D’autant qu’il n’y a pas de barrière linguistique comme en Chine. On y parle anglais. Je ne peux que souhaiter que les coproductions avec l’Inde se développent.
Cannes met en avant, à travers sa sélection des nouvelles régions. La carte du cinéma mondial, en termes de production, a-t-elle bougé ces dernières années ou les leaders maintiennent leur hégémonie ?
Ce n'est pas la Chine, on a pas beaucoup de films chinois ni de films indiens, ce sont principalement des films nationaux. Ce n'est pas la Russie, ce n'est pas non plus l'Asie. Il y a eu un boom de l’Amérique latine, il y a quelques années. Les pays de l’Est ont apporté beaucoup de films, la Roumanie, la Hongrie, cette année… Il y a eu des périodes : celles du cinéma japonais, qui est en retrait, du cinéma coréen… Non, la carte ne s'est pas enrichie récemment.
La domination d’Hollywood est définitivement une tendance lourde ?
C’est comme ça depuis toujours et ce n’est pas le Plan Marshall en Europe qui a favorisé le contraire. L’après-guerre a été une période clé pour le cinéma américain. Avant les années 40, les cinémas français et italiens tenaient le haut du pavé.
Et l’Europe n’y échappe pas : les films américains sont les plus vus sur le Vieux continent...
Le cinéma européen n’arrive pas vraiment à exister. Les films européens marchent bien sur leurs territoires, pas chez leurs voisins. Comme pour tout le monde se pose cette question terrible de la distribution
L’un des principaux enjeux de l’industrie aujourd’hui, c’est la distribution?
Oui ! C’est vraiment d’imaginer de nouvelles façons de trouver des audiences, avec notamment les jeunes dont les modes de consommation changent. Il faut les convaincre d’aller au cinéma ou de voir des films, de ne pas se limiter à la consommation de contenus courts sur Internet. Par ailleurs, la distribution va continuer à se radicaliser entre des grosses productions qui passent par les circuits traditionnels et des films, plus petits, qui ont besoin d’autres modes de distribution plus directs, rapides et moins coûteux. C’est-à-dire des sorties quasi simultanées à un moment donné : projection en festival, quelques sorties en salles et VOD.
Les œuvres diffusées dans les festivals, beaucoup plus exigeantes, sortent quelquefois en salles mais ce n’est pas le cas pour la majorité d’entre elles. Il faut absolument que ces films puissent capitaliser sur leur exposition médiatique quand ils sont présentés lors des festivals. Ces derniers sont parfois leur unique source de revenus.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.