Cet article date de plus de dix ans.

Centrafrique : les troupes françaises de Sangaris en opération hors de Bangui

Une opération a été déclenchée à Sibut, à 180 km de la capitale, où des anciens rebelles affluent, commettant des exactions.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des soldats de l'opération Sangaris patrouillent dans un quartier de Bangui, le 26 janvier 2014. (ISSOUF SANOGO / AFP)

Les exactions en Centrafrique ne se concentrent pas qu'à Bangui et se diffusent dangereusement en province. Jeudi 30 janvier, une imposante colonne d'une cinquantaine de véhicules chargés d'ex-rebelles de la Séléka lourdement armés est entrée dans la ville de Sibut, à 180 km de Bangui. Des exactions ont été rapportées dans cette ville. Vendredi, une opération militaire française a été déclenchée.

En quoi consiste cette opération ?

"Une opération militaire est en cours sur Sibut", a déclaré un officier de communication français. "Deux avions et deux hélicoptères français survolent la ville depuis 15 heures", a confirmé à l'AFP un habitant de la ville réfugié en brousse. D'après lui, "des éléments de la force Sangaris [les troupes françaises] et de la Misca [les troupes de l'Union africaine] sont à 5 km de Sibut en provenance de Bangui".

Un responsable du ministère de la Défense à Paris a confirmé que des appareils français, avions et hélicoptères, ont survolé Sibut en début d'après-midi, précisant qu'il s'agissait d'une mission "d'accompagnement" et qu'il n'y avait pas eu d'intervention des appareils français contre des troupes au sol.

Par ailleurs, trois contingents de la Misca (camerounais, burundais et gabonais) ont quitté Bangui vendredi pour Sibut, selon Jeune Afrique. Selon le journal La Nouvelle Centrafrique, des tirs d'armes lourdes ont retenti dans la soirée.

 

Pourquoi un tel déploiement ?

Comme souvent en Centrafrique lors d'une attaque, les habitants ont fui en brousse pour échapper aux violences des anciens rebelles. "99% de la population a quitté Sibut", a expliqué l'habitant à l'AFP. Selon lui, les ex-rebelles sont "une centaine", arrivés de "différents endroits de province pour se regrouper". Maîtres de la ville, "les Séléka se cachent dans des maisons abandonnées par les civils". Jeune Afrique parle pour sa part de 500 à 1 000 hommes. Quant à la cinquantaine de policiers congolais sur place, ils ont dû lever le camp.

En fait, il semble que les combattants musulmans qui ne s'expriment qu'en arabe affluent depuis deux semaines vers Sibut, selon RFI. Ils viennent de Bangui, de Mabari, de Kaga-Bandoro ou de Bouca. Avec eux, vient la mort. Ceux qui sont soupçonnés d'être membres des milices chrétiennes anti-balakas sont tués. "Les exactions sont maintenant orientées vers une catégorie de population. Les musulmans qui sont sur place n'en sont pas victimes, alors que la population non musulmane en fait systématiquement les frais", rapporte un député de la région à la radio.

"C'est la terreur. Chaque jour, ils tuent, ils pillent, ils violent, ils incendient des maisons. Selon des informations recueillies auprès de la population, ils arrivent tous les jours. Les gens sont dans le désarroi. C'est le chaos total", poursuit le député. Mercredi, le bureau d'une ONG a été détruit et pillé.

Pourquoi les ex-rebelles se rassemblent à Sibut ?

Ces mouvements sont la conséquence du départ du président issu de la Séléka, Michel Djotodia. Il a été suivi du départ de certains officiers vers le Tchad et du cantonnement de combattants à Bangui. Mais nombre d'entre eux ont préféré fuir avec armes et bagages. Ils sillonnent désormais les routes de province sans aucun contrôle. Un religieux italien signale des mouvements de troupes à travers le pays.

 

 

 

Des exactions sont signalées dans de nombreuses villes. Bocaranga (au nord-ouest), par exemple, est "une ville fantôme, vide, détruite, pillée. C'est effrayant", a témoigné Delphine Chedorge, coordinatrice d'urgence pour MSF. "Les contacts que nous avons en province nous font part de violences extrêmes et de déplacements de populations. La population est terrorisée." Un responsable de Human Rights Watch signale pillages, exécutions et incendies de villages.

 

Au-delà de ces violences, selon une source diplomatique, "il y a eu une redistribution des cartes au sein de la Séléka". Dans la soirée de vendredi, la nouvelle présidente centrafricaine, Catherine Samba-Panza, a dénoncé "une tentative de déstabilisation" et "l'irruption de groupes armés appartenant à l'ex-Séléka à Sibut avec des velléités de sécession". Ainsi, la colonne entrée jeudi à Sibut est commandée par Mamadou Rakis, ancien directeur général adjoint de la police centrafricaine de l'ex-président Michel Djotodia.

De nombreux rebelles ne veulent pas abandonner le pouvoir dont ils se sont emparés en mars 2013 en portant Michel Djotodia à la tête du pays. Ils pourraient miser sur une partition du territoire, entre le nord (où les musulmans sont plus nombreux) et le sud, très largement chrétien. Selon des témoins, cités par RFI, des rebelles auraient planté un drapeau rouge en périphérie de Sibut pour marquer la partition du pays.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.