Corruption: les limites de l'opération «mains propres» en Chine
Les militaires ne sont plus épargnés par les révélations de corruption qui gangrènent la Chine. Gu Junshan, un ex-général qui occupait de hautes responsabilités dans l’approvisionnement logistique des 2,3 millions d'hommes de l'Armée populaire de libération (APL), devra répondre des chefs de corruption, pots-de-vin, détournement d'argent public et abus de pouvoir, a rapporté le 31 mars 2014 l'agence Chine nouvelle.
Les investigations ont montré que cet officier supérieur possédait plusieurs dizaines d'appartements dans le centre de Pékin ainsi qu'une imposante demeure dans la ville de Puyang, dans la province centrale du Henan. Cette résidence, à l'architecture s'inspirant de la Cité interdite, l'ancien palais des empereurs chinois, était décorée de luxueux objets d'art, avait affirmé en janvier 2014 le magazine économique Caixin. De nombreux biens y ont été saisis, dont une statue en or de Mao Tsé-toung, un bateau modèle réduit et une cuvette, également en or, selon le magazine. L'enquête aurait débuté en 2012, sans que la presse en parle.
Ces révélations s'inscrivent dans la campagne «mains propres» lancée par le président Xi Jinping, chef suprême du Parti communiste chinois et de l'armée. «La gloire infinie de l'APL a été ternie à cause de canailles telles que Gu Junshan», peut-on lire dans un commentaire du Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois, dont tous les officiers de l'APL sont membres.
Redorer l'image du Parti
Les affaires de corruption touchant l’armée en Chine étaient jusque là entourées du secret afin de préserver l’image de l’institution, pilier du régime. En 2013, l'APL s'était déjà vu interdire l'achat de luxueuses limousines, premier signal d'une reprise en main. Xi Jinping a en effet promis d'être inflexible face à la corruption endémique au plus haut niveau de l'Etat. Une manière de redorer l'image du Parti et de ses dirigeants, malmenée par les révélations récurrentes sur les écarts ou le train de vie de dirigeants locaux ou de hauts cadres, qui provoquent régulièrement la colère des internautes chinois.
«Xi Jinping est un empereur, et un vrai empereur combat toujours les fonctionnaires corrompus», expliquait récemment la journaliste Gao Yu, citée par Libération. «Il n’épargne personne, pas même ses propres amis car, en les sacrifiant, il sait qu’il en retirera un prestige considérable auprès de la population.»
Pour accroître la transparence, l'autorité de lutte contre la corruption au sein du Parti communiste chinois a mis en place, en septembre 2013, un site internet où la population peut dénoncer les politiques corrompus. Le mécontentement populaire s'est intensifié, notamment en raison de la flambée des prix de l'immobilier (+30% sur un an à Pékin). Ce marché est plébiscité par des responsables politiques verreux venus y camoufler leurs fortunes.
«Frapper les tigres et les mouches»
En voici un exemple très médiatisé: la vice-présidente d'une banque du Shaanxi (nord) et membre d'une assemblée politique locale avait été condamnée, en 2013, à trois ans de prison pour avoir acheté plus de 40 propriétés sous quatre identités différentes. Dans une autre affaire, Zhao Haibin, un responsable de la police et membre du Parti communiste dans la province du Guangdong (sud), avait été limogé l'an dernier après des enquêtes journalistiques faisant état des 192 logements qu'il possédait dans différentes villes du pays.
Alors que plusieurs militants anticorruption en Chine ont été emprisonnés pour «troubles à l'ordre public», des experts estiment que seules des réformes structurelles du système politique permettraient réellement d'enrayer le phénomène. En succédant à Hu Jintao à la tête du PCC, en novembre 2012, Xi Jinping avait promis que sa lutte contre la corruption frapperait «les tigres (les dirigeants du Parti) et les mouches (les petits cadres)». Une métaphore maoïste dont il a fait sa devise.
Mais la lutte anti-corruption cible-t-elle vraiment les élites du Parti? Dans Le Monde daté du 21 janvier 2014, on apprenait que le Consortium international de journalistes d'investigation avait chiffré à plus de 20.000 les clients, originaires de Chine ou de Hong-Kong, liés à des compagnies offshore situées dans des paradis fiscaux. Parmi eux, Deng Jiagui, le beau-frère du président Xi Jinping.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.