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En Chine, porter secours à quelqu'un peut coûter très cher !

Quand une assurance propose aux Chinois une garantie pour se protéger de l'exploitation malveillante de l'aide qu'ils pourraient prodiguer à une personne âgée en détresse, la Chine se pose des questions. Suite à de multiples tentatives d'extorsion et de chantage, les Chinois sont en effet devenus réticents à aider autrui. Voire pire...
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Vieilles femmes chinoises assises sur un banc de Chongqing, en Chine. (TIM GRAHAM / ROBERT HARDING HERITAGE / ROBERTHARDING)

Porter assistance à une personne âgée en détresse est un aveu de culpabilité. Si l'on n'a rien a se reprocher, on n'aide pas... Un raisonnement spécial, pour ne pas dire spécieux, dont l'illustration la plus emblématique date de 2009, lorsqu'un homme, venu en aide à une vieille dame, a finalement été obligé de lui verser 100.000 yuans (13.900 euros) au motif qu'il ne serait pas intervenu s'il n'était pas coupable. Le geste secourable de cet homme a été exploité par des personnes mal intentionnées bien décidées à lui extorquer de l'argent et qui ont obtenu gain de cause. Le cas n'est pas isolé. Et les Chinois d'être consternés par l'image que ça leur renvoie d'eux-mêmes.

Achever plutôt que sauver
D'autant que cela peut faire écho à des cas tout à fait à l'opposé, qui secouent la Chine : les accidents-meurtres. Et là, pas de bon Samaritain, loin s'en faut ! Ou quand un banal accident de la circulation se transforme en meurtre sauvage de la personne renversée. Le conducteur s'employant à lui rouler plusieurs fois dessus pour être sûr de la tuer et de ne pas avoir à lui verser, des années durant, une pension en cas de handicap. Cette habitude, autrefois pratiquée «discrètement», devient très (trop?) voyante avec la multiplication des caméras de surveillance de la circulation...

«Si un jour je percute quelqu'un, je lui roulerai encore dessus pour être sûr qu'il soit mort», avait assuré un professeur à l'une de ses collègues, occidentale, rapporte Slate. Il avait justifié son assertion en expliquant que si l'on blesse quelqu'un et qu'on le laisse handicapé, on se retrouve à le prendre en charge jusqu'à la fin de sa vie. En revanche, si on le tue «vous n'avez qu'à payer une seule fois, un peu comme pour des frais d'obsèques», relate toujours Slate. Si l'on rajoute à cela la «facilité» à soudoyer certains juges, le calcul semble vite fait...

Très cher handicap
A l'origine de ces deux types de méconduite morale, la législation tordue qui régit le dédommagement des victimes. Quand les uns tentent de l'exploiter, les autres sont prêts à tout pour y échapper. Parce qu'en Chine, les frais que vous devrez payer si vous tuez quelqu'un sur la route sont relativement modérés – en général, cela oscille entre 25.000 et 45.000 euros – et une fois l'argent versé, l'affaire est classée. Par contre, prendre en charge à vie les soins d'un survivant handicapé peut très vite se chiffrer en millions. 

Alipay, la populaire plateforme de paiement du géant chinois Alibaba, l'a bien compris. Forte de la multiplication des extorsions ou du chantage, elle offre une assurance prémunissant de toute tentative, pour la modique somme de 3 yuans (0,42 euro) par an, explique Chine nouvelle. A ceux qui voient en cette assurance «un coup marketing», Alipay répond que ce produit ambitionne de «promouvoir les attitudes prévenantes et la bonté au sein de la société». Alibaba est un «pionnier dans la lutte commerciale contre la crise morale (de la société)», a vanté un commentaire publié dans le Qianjiang Evening News, un journal de la province du Zhejiang (est) – où est basé Alibaba.

Quelque 26.000 personnes sont déjà assurées auprès d'Alipay pour se mettre à l'abri d'une exploitation malveillante d'un geste à l'origine prévenant. Le produit a suscité un début d'interrogation sur internet, beaucoup voyant cette assurance comme un symbole du déclin des valeurs morales chinoises. «Qu'est-ce qui est arrivé à la société ?», se désole un internaute. «On est obligé d'acheter une assurance pour faire une bonne action.»

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