En pleine visite de Xi Jinping en France, Reporters sans frontières dénonce le "nouvel ordre mondial de l'information selon la Chine"
RSF publie un long rapport qui pointe la stratégie des autorités chinoises en matière de contrôle des médias, sur son territoire et à l'international. Un rapport qui paraît alors que la Chine a acheté, ce lundi, plusieurs pages de publicité dans des quotidiens français.
La publication a été "avancée de quelques jours", pour correspondre avec la visite du président chinois Xi Jinping en France. Dans un rapport mis en ligne lundi 25 mars, Reporters sans frontières (RSF) dénonce les stratégies déployées par la Chine pour imposer "un nouvel ordre mondial des médias". L'organisation de défense de la liberté de la presse s'inquiète des moyens de pression utilisés par Pékin pour contrôler et censurer les journalistes.
Le régime communiste, qui détient actuellement plus de 60 journalistes, contrôle étroitement les médias et bloque les sites internet et les contenus qu'il juge nocifs. Mais cette politique ne se limite pas à son territoire national. Pour parvenir à ses fins, "Pékin dépense sans compter : modernisation de l'audiovisuel extérieur, entrée dans le capital de médias étrangers, achat massif de publicités, invitations en Chine, tous frais payés, de journalistes du monde entier", détaille RSF.
Des pages de publicité dans la presse française
Lundi, "l'achat massif de publicités" était visible dans plusieurs grands quotidiens français. Ces publireportages et publicités ciblées sont "le cheval de Troie" de Pékin, "pour développer sa propagande dans les médias étrangers", analyse RSF. Le Figaro publie ainsi trois pleines pages, signées par l'agence nationale chinoise Xinhua (Chine nouvelle), faisant la promotion des relations sino-françaises et du projet de "nouvelles routes de la soie" de Xi Jinping, un vaste plan de développement des liens terrestres et maritimes entre l'Asie, l'Afrique et l'Europe, destiné à accroître l'influence chinoise dans le monde. Le Parisien et L'Equipe publient aussi chacun une page de "communiqué" de l'agence d'Etat chinoise.
Je me doutais qu'il y aurait de la promotion pour la visite de Xi Jinping, mais là on atteint un niveau industriel.
Cédric Alviani (RSF)à franceinfo
Dans son édition datée du mardi 25 mars, Le Monde affiche également, sur une page entière, un article de Xinhua qui présente Paris et Pékin comme des "partenaires majeurs dans la lutte contre le changement climatique", et un autre présenté comme une "interview exclusive" de l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Quelques pages plus loin, un article signé d'un journaliste du Monde mentionne toutefois le rapport de RSF.
"On ne peut pas reprocher aux médias d'aller chercher des revenus publicitaires, dans une période économique difficile", admet Cédric Alviani, responsable de RSF pour l'Asie de l'Est, contacté par franceinfo. "Mais cela peut créer un conflit avec le travail des rédactions" et "un problème de confiance des lecteurs", ajoute l'auteur du rapport.
Une "menace directe pour les démocraties"
Cette campagne de communication officielle s'inscrit dans une stratégie offensive, qui constitue "une menace directe non seulement pour les médias, mais aussi pour les démocraties", ajoute Cédric Alviani. "Le nouvel ordre mondial des médias que les autorités chinoises défendent dans le monde entier va à l'encontre du journalisme", observe encore le responsable de RSF. "Dans cette vision, le journaliste travaille pour l'Etat, pas pour les citoyens", dénonce-t-il.
Dans son rapport, il cite l'exemple d'un "présentateur virtuel modelé à partir de l'apparence physique d'une vedette du petit écran chinois". L'avatar, présenté en novembre 2018, lors de la 5e Conférence mondiale de l’internet organisée par la Chine, "pourrait presque faire illusion si ce n’était son élocution légèrement mécanique".
Un robot. Tel est donc, pour le régime de Pékin, le présentateur de télévision idéal. Non pas un journaliste professionnel (...) mais une courroie de transmission d'un texte de propagande.
Cédric Alvianidans un rapport de RSF
RSF estime que Pékin "exporte" aussi ses méthodes de censure et de surveillance dans le monde entier, "par le biais de ses ambassades et de son réseau d'instituts culturels et linguistiques Confucius". Pour l'ONG, "la Chine n'hésite plus à recourir à l'intimidation et au harcèlement pour imposer son vocabulaire idéologiquement correct et tenter d'occulter les chapitres noirs de son histoire", dénonce RSF.
Interrogé lors d'un point de presse, le porte-parole de la diplomatie chinoise, Geng Shuang, a estimé que le rapport de RSF n'était "pas conforme à la réalité" et ne méritait "même pas d'être réfuté". De son côté, Cédric Alviani espère que son rapport "incitera les journalistes du monde entier à enquêter sur les pratiques chinoises dans leurs pays respectifs".
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