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"Chaque fois que l'identité de Hong Kong est menacée, les Hongkongais protestent"

Le sinologue Jean-Philippe Beja est revenu, lundi pour franceinfo, sur les manifestations qui ont eu lieu à Hong Kong où la population s'oppose à un projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine.

Article rédigé par franceinfo
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Des manifestants bloquent des routes avec des barricades lors d'affrontements avec la police après un rassemblement contre une proposition de loi controversée sur l'extradition à Hong Kong le 10 juin 2019. (ISAAC LAWRENCE / AFP)

Un million de personnes ont manifesté, dimanche 9 juin à Hong Kong, pour protester contre le projet du gouvernement local d'autoriser les extraditions vers la Chine continentale. Malgré cette opposition, le gouvernement pro-Pékin de l'ex-colonie britannique a annoncé, lundi, maintenir son projet de loi. Le sinologue Jean-Philippe Beja, directeur de recherche émérite au CNRS-CERI-Sciences-Po, a répondu aux questions de franceinfo lundi matin.

franceinfo : Les autorités locales de Hong Kong ne veulent pas retirer leur projet de loi qui autorise les extraditions vers la Chine continentale. Qu'est-ce que cela change concrètement ?

Jean-Philippe Beja : Il y a actuellement la formule : "Un pays, deux systèmes" [au terme de l'accord de rétrocession entre Londres et Pékin, Hong Kong jouit d'une semi-autonomie depuis 1997 et en théorie jusqu'en 2047]. Le système judiciaire de Hong Kong est complétement différent du système judiciaire chinois. Un certain nombre d'actions sont considérées comme des crimes sur le territoire de la Chine populaire, mais pas du tout à Hong Kong. Cela veut dire que la Chine populaire peut demander l'extradition de quelqu'un qui aurait commis un crime sur son territoire à la région administrative spéciale de Hong Kong. Autrefois, il fallait passer par un vote du parlement de Hong Kong, du conseil législatif. Aujourd'hui, ce serait automatique. Un exemple : la critique de la dictature du Parti communiste est interdite sur le territoire chinois et ça s'apparente à de la subversion. A Hong Kong, c'est totalement autorisé. Donc un citoyen hongkongais ou chinois qui aurait simplement critiqué la dictature du Parti communiste pourrait être extradé vers la Chine et éventuellement condamné pour subversion. Ce projet de loi est extrêmement important et met un terme à la différence entre le système judiciaire de Hong Kong et celui de la Chine.

Est-ce que cela irait contre l'accord de rétrocession de 1997 ?

Absolument. Hong Kong est censé conserver son système pendant 50 ans après 1997. Son système économique, son système politique, son indépendance judicaire. Il n'y a pas que les opposants politiques qui sont vent debout contre cet accord d'extradition, mais aussi les hommes d'affaires. Par exemple, si vous travaillez en Chine, on peut vous accuser très facilement de corruption. Vous partez à Hong Kong et dans ces conditions vous risquez d'être extradés. C'est pourquoi une partie des hommes d'affaires, qui sont en général pro-Pékin, étaient hostiles à cet accord. C'est l'ensemble de la société de Hong Kong qui s'oppose. Un million de manifestants sur sept millions d'habitants c'est absolument énorme.

Un million de personnes dans les rues dimanche à Hong Kong, est-ce que c'est la suite du "Mouvement des parapluies" de 2014 ?

Chaque fois que l'identité et la spécificité de Hong Kong est menacée, les Hongkongais protestent. On l'a vu en 2003 avec la manifestation de 500 000 personnes contre l'article 23 qui condamnait la subversion. On a vu ce "Mouvement des parapluies" qui a duré pendant 79 jours sans qu'aucune vitre ne soit cassée [ce mouvement réclamait l'élection du chef de l'exécutif au suffrage universel]. Et aujourd'hui cette énorme manifestation d'un million de personnes qui, là aussi, se solde sans aucune violence. (…) C'est très difficile pour Pékin, sauf à passer en force, ce qui semble être la volonté de Xi Jinping.

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