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La Lituanie au cœur d'un bras de fer entre la Chine et l'Europe sur Taïwan : "Pékin veut faire de notre pays une zone de non-droit"

L’Union européenne a saisi jeudi l’OMC après le blocage par la Chine de certaines exportations de la Lituanie. Ce pays membre de l'Union européenne a accepté d’installer sur son sol un bureau de représentation de Taïwan, dont la Chine n'a jamais reconnu l'indépendance.

Article rédigé par Thibault Lefèvre - Christophe Papon
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Éric Hwang, représentant de Taïwan en Lituanie. (THIBAULT LEFEVRE / RADIOFRANCE)

Les autorités lituaniennes ne s'y attendait pas vraiment, ou en tout cas pas aussi rapidement : l’Union européenne est montée au créneau contre la Chine en saisissant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), jeudi 27 janvier. Elle accuse Pékin de pratiques commerciales discriminatoires contre la Lituanie, et notamment de bloquer les exportations lituaniennes. Des mesures de rétorsion mises en place discrètement, officieusement, depuis mi-novembre, quand Vilnius a accepté d’installer sur son sol, et c’est une première en Europe, un bureau de représentation de Taïwan que la Chine ne considère pas comme un Etat indépendant mais comme une province séparatiste à réintégrer de gré ou de force.

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Taïwan n'est reconnu que par 15 petits pays dans le monde dont le Vatican, le Belize, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua, le Paraguay. L'ouverture d'un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius n'a donc rien d'anecdotique. Jusque-là, la position de l'UE était ambivalente : elle reconnaît le droit de Vilnius à entretenir des liens avec Taïwan mais ne remet pas en question l'idée d'une Chine unique.

"L'Europe est une puissance, mais c'est aussi une Belle au bois dormant et je suis très content qu'elle se réveille et montre ses muscles", explique Mantas Adoménas, le vice-ministre des Affaires étrangères lituanien. Et évidemment, il se réjouit que son petit pays puisse désormais faire face au géant chinois. "Nous sommes très heureux de cette preuve de solidarité de l'Union européenne et le monde doit se rendre compte que l'Europe est un acteur important et résolu, qui est capable de défendre ses intérêts et ses Etats membres", poursuit Mantas Adoménas.

Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif et commissaire au commerce de la Commission européenne l'assure : "Engager une procédure devant l'OMC n'est pas une mesure que nous prenons à la légère". La Commission européenne explique avoir réuni "des preuves concernant les différents types de restrictions imposées par la Chine". Celle-ci refuse notamment de dédouaner les marchandises lituaniennes, rejette les demandes d'importation en provenance de Lituanie et exerce une pression sur les entreprises de l'UE opérant à partir d'autres États membres de l'UE "pour qu'elles retirent les composants lituaniens de leurs chaînes d'approvisionnement lorsqu'elles exportent vers la Chine", détaille la Commission.

"Ce que la Chine veut faire, c'est montrer que les investissements en Lituanie sont dangereux et imprévisibles, explique Mantas Adoménas. Pékin veut faire de notre pays une zone de non-droit, mais nous avons autant de droits que la Chine. Si les grands pays, et notamment les pays autoritaires, pouvaient dicter leur loi aux petits pays, ce serait un retour aux pratiques du milieu du XXe siècle."

Taïwan investira 200 millions d'euros en Lituanie

Pour la Lituanie, il s'agit d'une question de souveraineté. En mai 2021, le pays a quitté le groupe de coopération sino-européen "17+1" lancé par la Chine en 2012 avec 17 pays d'Europe Centrale et des Balkans. Et en septembre 2021, le ministère de la Défense a exhorté les Lituaniens à jeter leur téléphone portable chinois, alors que Xiaomi et Huawei équipent 200 administrations et entités publiques en Lituanie.

Un choix politique, donc, avec des conséquences économiques, mais qui présente cependant certains avantages, selon les autorités taïwanaises. La petite île, par la voix de son représentant en Lituanie, Eric Hwang, promet notamment un plan d'investissement de près de 200 millions d'euros. "Posez-vous la question, invite-t-il. Pouvez-vous faire confiance aux produits qui viennent de pays autoritaires ? A Taïwan, nous partageons les mêmes principes : la démocratie et le respect des droits de l'homme. Que se passe-t-il si vous êtes défiant par rapport au pays qui produit des composants essentiels pour vous, par exemple vos téléphones ou vos infrastructures ? Avec nous, vous pouvez avoir confiance dans notre système économique."

Trois secteurs sont essentiellement concernés par les mesures de rétorsion chinoises vis-à-vis de la Lituanie : le bois, le lait et la production de lasers pour un impact économique limité à seulement 1% de la richesse nationale.

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