L'escalade des tensions entre Taïwan et la Chine résumée en cinq actes
La présidente taïwanaise assure qu'elle ne cédera pas aux pressions de la Chine, après un nombre record d'incursions d'avions militaires chinois près de l'île.
"Personne ne peut forcer Taïwan à emprunter la voie que la Chine a tracée pour nous", a prévenu la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, dimanche 10 octobre. Depuis plusieurs semaines, les 23 millions d'habitants de l'île vivent sous la menace constante d'une invasion par la Chine, qui considère la zone et sa capitale, Taipei, comme l'une de ses provinces et s'est promis d'en reprendre le contrôle.
Pékin a multiplié les incursions militaires et menacé de recourir à la force si Taïwan proclamait formellement son indépendance. Mais l'île jouit d'un système démocratique et est dirigée par un pouvoir qui lui est propre depuis la victoire des communistes sur la Chine continentale en 1949. Retour en cinq actes sur la passe d'armes récente qui oppose Pékin et Taipei.
1Taïwan veut rejoindre le traité transpacifique
Tout commence fin septembre lorsque Taïwan demande à rejoindre un important accord commercial transpacifique, le Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP). Signé par 11 pays d'Asie-Pacifique en 2018, le CPTPP est le plus grand pacte de libre-échange de la région. Il représente environ 13,5% de l'économie mondiale et 500 millions de personnes.
"La plupart des pays membres sont les principaux partenaires commerciaux de Taïwan, représentant plus de 24% du commerce international [de l'île], explique un porte-parole du gouvernement local pour justifier cette demande. Taïwan ne peut pas rester à l'écart du monde et doit s'intégrer dans l'économie régionale."
Cette demande officielle intervient quelques jours après que la Chine a également demandé à intégrer ce partenariat. "Nous nous opposons fermement à des échanges officiels de tout pays avec Taïwan et nous nous opposons fermement à l'accession de Taïwan à tout traité ou toute organisation officiels dans la région", rétorque le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
2Pékin multiplie les incursions militaires
Le 1er octobre, jour de la fête nationale de la République populaire de Chine, Pékin accentue la pression sur Taïwan et envoie 38 avions, dont un bombardier H-6 à capacité nucléaire, dans la zone d'identification de défense aérienne (Adiz) de l'île. Trois jours plus tard, Taipei annonce que 52 avions militaires chinois ont à nouveau pénétré dans sa zone de défense.
"La Chine a été belliqueuse et a porté atteinte à la paix régionale tout en se livrant à de nombreux actes d'intimidation."
Su Tseng-chang, Premier ministre taïwanaisdans une déclaration
"Pour l'armée, la situation actuelle est la plus sombre depuis plus de 40 ans", déclare le ministre taïwanais de la Défense, Chiu Kuo-cheng. Il prévient que même une "légère imprudence" ou une "erreur de calcul" pourrait déclencher "une crise" dans le détroit de Taïwan.
"Les objectifs de ces incursions dans l'Adiz sont nombreux : tester la défense antiaérienne taïwanaise, décourager la population, tester les réactions internationales, mais aussi induire une incertitude stratégique", estime auprès de La Croix (article réservé aux abonnés) Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
L'année dernière, 380 avions militaires chinois avaient déjà été détectés dans la zone d'identification de défense aérienne de l'île et 500 ont été recensés depuis le début de l'année.
3Taipei reçoit le soutien militaire des Etats-Unis
En réponse à ces manœuvres militaires, Washington exhorte Pékin à "cesser [ces] pressions militaires, diplomatiques, économiques et sa coercition contre Taïwan". Le département d'Etat américain redit également son "engagement indéfectible" en faveur de Taipei. Les Etats-Unis ont toujours considéré Taïwan comme un rempart contre l'expansion du communisme en Asie dans les années 1950, puis comme un allié stratégique dans ses rivalités avec la Chine, rappelle Le Monde (article réservé aux abonnés). Une législation de 1979 permet notamment à Washington de fournir une aide militaire à l'île.
Le 7 octobre, le Wall Street Journal (en anglais) révèle que des soldats américains entraînent discrètement l'armée taïwanaise pour renforcer ses défenses face à la Chine. "Notre soutien à Taïwan et nos relations de défense s'alignent sur la menace que représente actuellement la République populaire de Chine", déclare un porte-parole du ministère américain de la Défense.
4La Chine promet une "réunification" pacifique
A l'occasion des commémorations du 110e anniversaire de la Révolution chinoise, le président Xi Jinping promet une "réunification" avec Taïwan par des moyens "pacifiques" et met en garde toute ingérence étrangère. "La question de Taïwan est une affaire purement interne à la Chine (…). Nul ne doit sous-estimer la forte détermination du peuple chinois à défendre la souveraineté nationale et l'intégrité territoriale", martèle-t-il.
"La réunification de notre pays peut être réalisée et le sera."
Xi Jinpinglors d'un discours
"Les Etats-Unis devraient rectifier leurs erreurs, sincèrement se plier au 'principe d'une seule Chine' (...) gérer prudemment et de manière adéquate la question de Taïwan et arrêter de soutenir les forces séparatistes indépendantistes taïwanaises", déclarait encore lundi une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
5Taïwan refuse de céder aux pressions de la Chine
Le même jour, la présidente Tsai Ing-wen répond que l'île ne cédera pas à la Chine. "Personne ne peut forcer Taïwan à emprunter la voie que la Chine a tracée pour nous", soutient-elle, en affirmant que l'île est "en première ligne pour défendre la démocratie".
"Nous espérons un assouplissement des (...) relations et n'agirons pas de manière irréfléchie, mais il ne faut absolument pas imaginer que le peuple taïwanais cédera aux pressions."
Tsai Ing-wenlors d'un discours
Dans une tribune publiée par le magazine Foreign Affairs (article en anglais), Tsai Ing-wen réitère son appel à un dialogue "d'égal à égal" avec la Chine et avertit qu'un changement de statut de l'île pourrait avoir des "conséquences catastrophiques" pour la paix dans la région.
Depuis son élection en 2016, la présidente taïwanaise est honnie par Pékin qui la considère comme "séparatiste", car elle voit l'île comme un pays "déjà indépendant". Tsai Ing-wen n'a cependant rien fait pour proclamer officiellement l'indépendance de l'île, ce qui, aux yeux de Pékin, constituerait une "ligne rouge" à ne pas franchir.
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