Migrants africains en Chine, une aventure sans issue
Jean Baptiste Onana connait bien la Chine. Il se rend régulièrement dans ce pays pour enseigner à l’université. C’est au cours de ses visites qu’il a rencontré sa femme chinoise avec laquelle il vit en France, raconte-t-il à Géopolis.
«Moi j’ai été contacté par hasard parce que j’avais écrit des articles sur le modèle chinois. Et c’est tombé sur des universitaires ou des hommes politiques chinois qui ont aimé ça. J’ai été régulièrement invité en Chine pour enseigner. J’avais déjà un statut quand je suis arrivé en Chine et quand j’ai connu ma femme. J’ai un permis de séjour d’expert».
L’expert finira par s’intéresser aux immigrants africains de plus en plus nombreux dans la métropole de Canton, dans le sud-est de la Chine. Les premiers sont arrivés à la fin des années 90, bien avant le premier sommet sino-africain de 2006. La fermeture des frontières européennes et le miracle économique chinois ont fait le reste, explique Jean- Baptiste Onana.
«La Chine est devenue une destination comme une autre. Il ne s’agit plus d’une destination par défaut. Elle est devenue une destination privilégiée par certains migrants africains qu’ils aient tenté une première entrée en Europe, en Amérique ou dans les pays du Golfe ou pas. Cela est du à l’accroissement des échanges économiques entre l’Afrique et la Chine».
Pas de filière d’immigration
Jean Baptiste Onana est formel. Il n’y a pas de filière d’immigration vers la Chine. Il est quasiment impossible de traverser la frontière chinoise sans papiers. Les illégaux sont en général des immigrants qui sont rentrés légalement et qui ne sont pas retournés dans leurs pays respectifs, explique-t-il.
«Le candidat à l’immigration en Chine, c’est souvent quelqu’un qui est doté d’un visa de court séjour. D’ailleurs, la Chine est en train de revoir les conditions d’attribution de ces visas qu’elle attribuait un peu trop facilement aux Africains. Certains pays en étaient même dispensés et recevaient leurs visas à la frontière. Le candidat à l’immigration entre donc avec un visa touristique. Puis il s’installe et décide de ne pas rentrer pour une raison ou une autre».
A l’exception des étudiants Africains bénéficiaires de bourses chinoises, les visas à courte durée accordés aux africains ne dépassent plus 30 jours. Chaque candidat doit justifier de moyens de subsistance conséquents et s’engager à regagner son pays avant l’expiration de son visa.
Mais nombreux sont ceux qui décident de s’installer et d’évoluer dans la clandestinité. Ils vivent dans de véritables ghettos, a constaté Jean Baptiste Onana.
«Ces populations africaines sont regroupées en communautés. Par exemple à Canton qui est le noyau dur de l’immigration africaine, leur quartier a été baptisé Chocolate City. Au sein même de ce quartier, les migrants se sont eux mêmes regroupés spontanément par nationalité dans des espèces de ghettos».
«Il y a eu des bavures et des morts»
Jean-Baptiste Onana fait la différence entre «la Chine accueillante», celle des affaires et celle des ghettos de «Chocolate City».
«J’ai vu fréquemment des manifestations d’hommes d’affaires chinois demandant la régularisation des Africains qui veulent s’investir dans les affaires», raconte-t-il.
Pour les autres, il faut jouer à cache-cache avec une police chinoise qui n’hésite pas à utiliser la manière forte.
«Il y a des bavures. Il y a eu des cas de morts. Des Africains ont été pointés du doigt dans des fraudes à la carte bancaire, dans quelques arnaques et des escroqueries diverses dans le monde des affaires. Les enquêtes n’ont pas toujours fait la part des choses. Il y a des amalgames. D’où dans certains endroits de véritables chasses-à-l’homme».
Qu’ils soient dans la légalité ou dans la clandestinité, les migrants en Chine dénoncent le racisme anti-africain dont ils sont victimes. Certains n’hésitent pas à trafiquer leurs identités pour brouiller les pistes.
«Dans la vie de tous les jours, quand on est Noir en Chine, si on vient de Chicago ou de New York, il n’y a pas de problème. Mais pour peu que vous disiez que vous venez du Cameroun ou du Ghana, l’accueil n’est plus le même. Ça explique les usurpations d’identité», témoigne Jean-Baptiste Onana.
Ces migrants sont essentiellement des commerçants. L’immigrant africain travaille souvent à son compte. Et quand il est salarié, il est souvent dans le domaine de l’enseignement. Et souvent anglophone. Parce que la Chine est encore demandeuse d’enseignants surtout en anglais. Et c’est pour cette raison qu’il y a beaucoup de ressortissants anglophones venant du Nigéria, du Ghana et de la Zambie notamment.
«Une aventure sans issue»
Anglophones comme francophones, ils sont tous embarqués dans une aventure sans issue, à l’exception de ceux qui ont des attaches familiales dans le pays, observe Jean- Baptiste Onana.
«Il y a de plus en plus de mariages mixtes. Ceux-là se voient octroyer un permis de séjour durable en tant que membres d’une famille chinoise. Mais pas d’acquisition de la nationalité chinoise. Encore une fois, la Chine n’a jamais favorisé une immigration durable sur son sol, d’où qu’elle vienne. C’est culturel. C’est aussi dû au fait que la Chine quand même, c’est un milliard trois cent millions d’habitants. Ils n’ont vraiment jamais eu besoin de main d’œuvre».
En fait l’essentiel de l’immigration africaine en Chine est illégale, pas parce que les Africains se complaisent dans cette situation, mais parce que les autorités chinoises n’encouragent pas leur installation à long terme dans le pays. «C’est pour cela que je parle de cauchemar», conclut Jean-Baptiste Onana.
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