Place Tiananmen, Pékin soupçonne les Ouïghours
Article initialement publié le 20 juillet 2012
Les Ouïghours, musulmans sunnites turcophones de Chine, sont persécutés par Pékin en raison de leur particularisme culturel. Les autorités chinoises contrôlent jusqu’à la pratique de leur culte, notamment pendant le ramadan, un des piliers de l’islam.
Les Ouïghours du Xinjiang subissent une politique d’assimilation menée par les autorités de Pékin qui ont privilégié l’installation de millions de Hans, l'ethnie dominante chinoise non-musulmane, dans la province.
Sur 23 millions de musulmans en Chine, la province autonome (depuis 1955) du nord-ouest en compte 11 dont 8,5 millions appartiennent à la minorité ouïghoure. Ces derniers, qui privilégient leur culture au détriment du modèle chinois, ne s’intègrent pas à l’idée de l’Etat-Nation prônée par Pékin.
Le Xinjiang est une zone stratégique
Ce territoire proche du Tibet, qui représente 1/6e de la totalité du territoire chinois, regorge de ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, l’uranium et le charbon. Il administre l’Aksai-Chin, zone revendiquée conjointement par la Chine et l’Inde. Et sa position géographique lui permet de se faire une place privilégiée sur le marché des échanges commerciaux avec l’Asie centrale.
Si le gouvernement tente de développer cette province en favorisant notamment la création d'emplois pour les Ouïghours, dans une énième tentative d’assimilation, il contrôle plus que jamais cette population jugée à risques: Urumqi, la capitale, possède quelque 40.000 caméras de vidéosurveillance.
Interview de Rebiya Kadeer, dissidente ouïghoure en exil
Le 19 janvier 2012
Pékin brandit les menaces islamiste et nationaliste
Les autorités chinoises mènent une féroce répression contre cette minoritée pour juguler toute velléité de séparatisme. Elles évoquent une «mise en danger de la sécurité de l’Etat» pour la justifier. Les victimes des émeutes sanglantes de Gulja en 1997 ou d’Urumqi en 2009 peuvent en témoigner.
La crainte du terrorisme islamiste depuis le 11-Septembre 2001 justifie la répression, selon Pékin, qui craint la contamination de l’intégrisme musulman venu d’Afghanistan ou du Pakistan, ses voisins. Il existe un courant islamiste né des revendications nationalistes.
Une politique de censure religieuse
Le 15 décembre 2011, une directive visant à «édulcorer la conscience religieuse et préconiser un mode de vie civilisé et sain» a créé de nouvelles tensions à Yining. Cette municipalité du Xinjiang a lancé une campagne visant à dissuader les femmes de porter le foulard et les hommes de garder une barbe trop longue. En gros, l'objectif affiché est d'en finir avec «le phénomène anormal» de pratiques religieuses jugées «non-conformes» par le pouvoir en place.
Il ne s’agit pas d’une mesure isolée. En effet, les membres musulmans du Parti Communiste chinois ou du gouvernement autonome doivent s’engager par lettre à ne pas jeûner durant le mois de ramadan, à ne pas participer aux prières.
Même restrictions dans le secteur privé
Si un musulman refuse de manger sur son lieu de travail pendant la période de jeûne, il risque des discriminations en termes d’avancement voire un renvoi. Plus généralement, les Ouïghours doivent s’enregistrer auprès des autorités pour signaler leur participation à la prière et ne sont pas autorisés à se réunir après.
Douze blessés et deux sons de cloche
Début mai 2012, les autorités chinoises ont lancé une nouvelle campagne pour encadrer les pratiques de l’islam, alors que de nouvelles violences ont secoué le 6 juin une école coranique illégale dans la ville de Hotan. Très peu de personnes sont autorisées à ouvrir ce genre d’écoles.
La police y a blessé douze enfants. Explication des autorités : il fallait les sauver après qu’un engin explosif a mis le feu aux locaux. Faux, selon le Congrès ouïghour mondial, organisation d’exilés ouïghours en Allemagne : selon elle, la police avait attaqué l’école avec des gaz lacrymogènes pour empêcher les musulmans d’exercer leur culte.
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