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Quatre questions sur les missiles hypersoniques à capacité nucléaire que la Chine est accusée d'avoir testés

Pékin a démenti les informations du "Financial Times" selon lesquelles son armée aurait testé cet été un nouveau type de missile hypersonique. Mais les Etats-Unis se disent inquiets. Et cette technologie tend à se développer.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des véhicules militaires transportant des missiles de croisière anti-navires et d'attaque terrestre YJ-18 place Tiananmen, à Pékin (Chine), le 1er octobre 2019. (ANNA RATKOGLO / SPUTNIK / AFP)

Il a fait le tour de la Terre en orbite basse avant de descendre vers sa cible, qu'il a ratée à une trentaine de kilomètres près. Selon un article du Financial Times (article en anglais, pour abonnés) publié samedi 16 octobre, la Chine a lancé en août un missile hypersonique à capacité nucléaire. Pékin a démenti, lundi, parlant de "test de routine d'un véhicule spatial, destiné à tester la technologie de véhicule spatial réutilisable". Mais les Etats-Unis se disent "très inquiets de ce que la Chine fait sur le front hypersonique". Franceinfo fait le point sur ce dispositif militaire qui tend à se développer.

1Qu'est-ce qu'un missile hypersonique à capacité nucléaire ?

Un missile est dit "hypersonique" s'il peut se déplacer à très haute vitesse, généralement au moins cinq fois la vitesse du son (Mach 5). La Chine a déjà présenté en 2019 un missile hypersonique, le DF-17. Cette arme à moyenne portée (autour de 2 000 km), sous forme de "planeur", peut contenir des têtes nucléaires.

Mais le missile mentionné par le Financial Times, qui cite plusieurs sources ayant eu connaissance du test, pourrait atteindre l'espace, être placé en orbite puis retraverser l'atmosphère avant de frapper sa cible. Sa portée serait ainsi bien plus grande.

Selon les sources du quotidien britannique, le planeur hypersonique a été transporté par une fusée Longue Marche (une famille de lanceurs développée par la Chine), dont les lancements sont généralement annoncés, alors que le test d'août a été gardé secret.

2Quel est l'intérêt militaire d'un tel dispositif ? 

Ce genre de technologie représente un défi pour les systèmes antimissiles adverses. Contrairement à un missile balistique, dont la trajectoire de descente est prévisible, un missile hypersonique est manœuvrable, ce qui rend sa trajectoire difficilement prévisible et son interception difficile.

Ces technologies, de plus en plus développées par les entreprises spatiales du monde entier, permettraient aussi de réduire significativement les coûts des lancements spatiaux.

Même si Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a démenti les informations du Financial Times, le journaliste Hu Xijin, du quotidien nationaliste Global Times, a validé l'hypothèse d'un prototype militaire. "Cela améliorera certainement la qualité de sa dissuasion nucléaire pour assurer que les Etats-Unis abandonnent leur idée d'un chantage nucléaire contre la Chine", a-t-il commenté, comme le rapporte Le Monde

Le test signalé intervient alors que les tensions américano-chinoises se sont accrues et que Pékin a intensifié ses activités militaires près de Taïwan. Cette démocratie autonome est alignée sur Washington et la Chine la considère comme une province en attente de réunification.

3Où en est le développement de cette technologie dans le reste du monde ?

Toujours selon le Financial Times, les progrès de la Chine dans les armes hypersoniques "ont pris le renseignement américain par surprise". Pékin a développé la technologie de manière offensive, la considérant comme cruciale pour se défendre contre les avancées américaines dans les technologies hypersoniques et autres, selon un récent rapport du Service de recherche du Congrès américain (CRS).

Outre la Chine, les Etats-Unis, la Russie et au moins cinq autres pays travaillent sur la technologie hypersonique. Les forces armées américaines n'ont pas encore de missiles hypersoniques dans leur arsenal, mais elles y travaillent. Le Darpa, bras scientifique de l'armée américaine, a annoncé récemment avoir testé avec succès son missile hypersonique HAWC (Hypersonic Air-breathing Weapon Concept) à propulsion aérobie, c'est-à-dire qu'il utilise l'oxygène présent dans l'atmosphère pour la combustion.

Le Pentagone développe également un planeur hypersonique appelé ARRW (prononcer "arrow", "flèche" en anglais), mais son premier test grandeur nature a échoué en avril dernier.

De son côté, la Russie a lancé récemment un missile hypersonique Zircon depuis un sous-marin et a mis en service, dès fin 2019, les missiles hypersoniques Avangard, à capacité nucléaire et lancés par un missile balistique. Selon Moscou, Avangard est capable d'atteindre une vitesse de Mach 27 et de changer de cap et d'altitude.

4Quels sont les risques ? 

Robert Wood, le représentant permanent américain à la Conférence du désarmement de l'ONU à Genève (Suisse), qui quitte ses fonctions la semaine prochaine, s'est inquiété du risque de course à l'armement inhérent à l'apparition de ce nouveau type d'armes.

Selon ce diplomate, les Etats-Unis "s'étaient retenus de poursuivre" jusque-là le déploiement militaire de cette technologie. Mais, face au développement de ce type d'armes, "nous n'avons eu d'autre choix que de réagir dans la même veine", a-t-il assuré. 

"Nous ne savons pas comment nous défendre contre cette technologie et la Chine et la Russie ne le savent pas non plus, a poursuivi Robert Wood. Si vous êtes un pays qui est la cible de ce type [de missiles], vous allez vouloir vous défendre, donc chercher d'autres applications, et des applications défensives pour la technologie hypersonique, et cela contribue à accélérer la course aux armements."

Selon l'Institut international de recherche sur la paix (Sipri) de Stockholm (Suède), les Etats-Unis disposaient en janvier 2021 de 5 550 armes nucléaires, contre 350 pour la Chine. Dans les colonnes du MondeXavier Pasco, expert du secteur spatial et directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, relativise toutefois ce nouvel épisode : "On reste dans la logique où chacun tient l'autre en respect avec ses missiles balistiques intercontinentaux."

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