: Reportage Sur le chantier de la Grande muraille de Chine, les ouvriers travaillent à dos d'âne
Dans une Chine championne des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle, dans le district de Huairou au nord de Pékin, en pleine montagne, au pied de la Grande muraille de Chine, des ouvriers travaillent à dos d’âne. Un long travail de restauration est engagé sur ce monument qui est l'un des plus connus au monde et qui s'étend sur des milliers de kilomètres. Soumise à l’érosion et au tourisme de masse, cette ancienne ligne de défense est très endommagée, voire à certains endroits totalement détruite.
C'est un travail titanesque, et l'un des chantiers vient de démarrer. "Les ânes comprennent mes instructions : aller vite, ne pas s'arrêter et se diriger tout droit vers le haut de la montagne. Je fais cela depuis plus de dix ans. Les ânes permettent ainsi de porter les matériaux de restauration de la Grande muraille sur des chemins qui sont très difficiles d’accès pour les humains", décrit l'un des ouvriers.
Ici, la tour de garde n°56 de la Grande muraille construite sous la dynastie des Ming est restaurée. Au bout du chemin, il y a un site en ruine, envahi par la végétation. Installé sur un échafaudage, l’un des ouvriers Ma Yiwu explique son travail : "Vous voyez ces anciennes briques qui sont très abîmées, je les récupère, et puis je remets de nouvelles briques à l’intérieur du mur. Là, de la chaux blanche est prête pour fixer les briques et reconstruire le mur".
Il y a quelques années, dans la province voisine du Liaoning, une portion de la Grande muraille avait été recouverte d’une épaisse chape de ciment. À l'époque, ce bétonnage avait provoqué un gros mouvement de colère sur les réseaux sociaux. Les autorités ont tiré les leçons de cet épisode malheureux.
Sur le chantier de la tour n°56, le chef d’équipe Cheng Yongmao veille donc au respect des méthodes de construction traditionnelles. "Les anciennes briques ont près de 600 ans, elles ont été usées par les intempéries, indique-t-il. Si elles sont trop endommagées, on les remplace par ces nouvelles briques qui ont été fabriquées avec les mêmes matières premières et les mêmes méthodes qui datent de l’Antiquité. Elles sont faites entièrement à la main".
"L'un des principes de notre travail est l'intervention minimale. Et évidemment, ne jamais utiliser de ciment."
Cheng Yongmao, chef d’équipeà franceinfo
Ce fonctionnaire d’une soixantaine d’années a consacré une large partie de sa vie à la restauration de la Grande muraille : "Participer à la restauration de notre trésor national, c’est une fierté pour moi, une manière de transmettre l'esprit de la nation chinoise. La Grande muraille est inscrite dans l'hymne national chinois, elle est au dos de la carte d'identité nationale !"
La Grande muraille est victime de l’érosion mais aussi du tourisme de masse. Quelque 16 millions de visiteurs cette année sont venus piétiner les vieilles pierres, avec des dégradations sanctionnées sévèrement par les autorités. "La police du district de Yanqing annonce que Monsieur Shan a gravé des caractères chinois avec un coupe-ongles sur la Grande muraille de Badaling. Il a été placé en détention administrative. C’est le huitième cas depuis le début de l’année dans ce secteur de la Grande muraille", a-t-il été annoncé dans un récent journal de la télévision chinoise.
Dans le secteur sauvage de la tour n°56, le tourisme est interdit. Ce sont surtout les intempéries qui ont fait des dégâts et les habitants se félicitent de ces travaux de restauration, comme ce père de famille Mao Jinlai. "Je vis au pied de la Grande muraille, précise cet homme. Ma famille est ici depuis de nombreuses générations et notre village a au moins 300 ans. Je suis content de voir cette restauration. Nous devons prendre soin des trésors laissés par nos ancêtres".
Les ouvriers et leur chef Cheng Yongmao avancent à tout petits pas. En 19 ans de travail, ils ont restauré 20 kilomètres de Grande muraille, un ouvrage qui dépasse au total les 21 000 kilomètres.
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