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Sebastian Veg : «Un parti communiste chinois de plus en plus paralysé»

A la veille du XVIIIe congrès du Parti communiste chinois, fixé au 8 novembre, nous avons demandé à Sebastian Veg, directeur du Centre d'études français sur la Chine contemporaine, d'analyser la situation politique en Chine, marquée par l'exclusion du parti d'une de ses étoiles montantes, Bo Xilai.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le vice-président Xi Jinping devrait succéder à Hu Jintao à la tête de la Chine. (ED Jones / AFP)

Le Centre d'études français sur la Chine contemporaine (CEFC) est un des centres de recherche à l'étranger soutenu par le Ministère français des Affaires Etrangères et le CNRS. La mission de Sebastian Veg est d’étudier les mutations politiques, économiques, sociales et culturelles de la Chine populaire, de Taïwan, de Hong-Kong et de Macao. Créé en 1991, le CEFC est installé à Hong Kong.

Economie, libertés, droite-gauche... quels sont les débats politiques en Chine aujourd'hui ?
Le monde politique chinois est paralysé par les groupes d'intérêts, si bien qu'il n'y a pas, à proprement parler, de débat politique. Cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des débats plus largement intellectuels en dehors des cercles du pouvoir. Mais ces débats n'influent pas directement sur la formulation politique. Il y a ainsi des divisions très marquées dans le monde intellectuel sur des sujets comme la propriété foncière (faut-il autoriser la privatisation des terres ?) ou sur l'abolition du carnet de résidence (qui empêche les migrants internes de profiter des mêmes avantages que les urbains).

Les intellectuels se répartissent ainsi tout le long d'un spectre allant des «libéraux» (qui peuvent comprendre des sociaux-démocrates comme Qin Hui) à la «nouvelle gauche» (nostalgiques du maoïsme ou simples critiques du capitalisme rouge actuel). Mais la ligne politique reste celle d'un «développementalisme» à tout crin, légèrement infléchi sous Hu Jintao (président de la République, NDLR) et Wen Jiabao (actuel premier ministre, NDLR) pour assurer un meilleur filet de sécurité social. Celui-ci reste toutefois embryonnaire. 

Bo Xilai, avant son éviction du comité central du PCC en mars 2012 (MARK RALSTON / AFP)

Quelles sont les forces en présence à la veille du congrès du PCC et comment s'expriment-elles, après la disparition de Bo Xilai ?
Le PCC est surtout structuré en groupes d'intérêts : il y a les partisans de Jiang et ceux de Hu, l'opposition bien connue entre les cadres issus de la Ligue des Jeunesse communistes (plus méritocratiques) et les «fils de princes» (sort d'aristocratie rouge), les Shanghaïens et les Pékinois, les partisans de la croissance à tout prix contre ceux partisans d'un filet de sécurité social plus marqué, le groupe du «maintien de la stabilité» (appareil de la sécurité d'Etat)...

On dit que les idéologues ont pâti de la chute de Bo Xilai et que les libéraux en auraient profité. Mais, en même temps, Bo était plus proche de Jiang Zemin (prédécesseur de Hu Jintao, NDLR) que de Hu Jintao. En réalité, l'expérience de Chongqing (la ville que dirigeait Bo Xilai, NDLR) était surtout l'expression de l'opportunisme de Bo et il semble aujourd'hui peu probable que sa chute influe sur la ligne politique qui sera adoptée au prochain congrès.

Quel est l'objectif du Congrès et que devrait-il en sortir ?
Le congrès doit surtout désigner une nouvelle direction collective qui devra guider la Chine au cours de la prochaine décennie. Menée par Xi Jinping (actuel vice-président de la République populaire de Chine, NDLR), elle sera la première à ne pas avoir été adoubée par l'un des leaders historiques du PCC (Mao, Deng).

Le projet politique de cette nouvelle direction est tout à fait secondaire, le plus important sera d'assurer un équilibre entre les différents groupes d'intérêts. L'enjeu est de taille : le Parti doit montrer qu'il peut continuer à produire du consensus sur un groupe de dirigeants de façon pérenne. Or, la chute de Bo, plutôt qu'un infléchissement politique, a plutôt provoqué un redoublement des luttes d'influence, si bien qu'on pourrait se diriger vers un comité permanent qui se contente du minimum d'intervention politique en promouvant surtout les membres du comité central actuel à la simple ancienneté  (sept ou neuf personnes).

Ce résultat donnerait un comité permanent âgé, appelé à se renouveler de fond en comble dès 2017 (et non 2022). Ce qui signifierait que le Parti pourrait être de plus en plus paralysé par les luttes d'influence qui ne connaîtraient plus aucun répit entre les congrès. 

Les dirigeants chinois réunis lors de l'anniversaire de la révolution (JU PENG / XINHUA)


Sebastian Veg a notamment publié Fictions du pouvoir chinois. Litterature, modernisme et démocratie au début du XXe siècle, aux éditions EHSS.

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