Daech, "un État en devenir, voire pratiquement constitué" (Olivier Weber)
L'armée de Daech est aujourd'hui estimée à 50.000 hommes. Olivier Weber, prix Albert Londres en 1992 et maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, explique qu'elle est composée "d'une armée conventionnelle, classique, avec des centaines de tanks, des milliers de véhicules de type Jeep. C'est l'armée que s'est constituée côté Daech en juin 2014, depuis Mossoul, la deuxième ville d'Irak. Et il y a ces unités terroristes, combatives, se projetant de l'autre côté des frontières, en Europe et en France. Il y a, au sein de cette armée de Daech, des anciens officiers de Saddam Hussein qui ont été 'mis au chômage' par le proconsul américain de l'époque, Paul Bremer. Il y a un troisième élément : la force de frappe financière, un trésor de guerre de deux milliards de dollars ."
Jusqu'à 7.000 dollars par mois pour un sniper tchétchène
Riche, cette armée peut payer une fortune des mercenaires étrangers comme des snipers, des tireurs d'élite, qui sont "payés entre 4.000 et 7.000 dollars par mois". "Ce sont souvent des Tchétchènes," précise le spécialiste de l'Afghanistan et de nombreux lieux de conflits dans le monde. Il ajoute que Daech tire ses revenus du trafic de pétrole ou de différentes extorsions : "le pétrole qui est revendu par les contrebandiers, surtout côté turc; les phosphates et le coton; et le racket. J'ai vu des médecins irakiens se faire protéger par deux gardes parce que l'on sait du côté de Daech qu'untel ou untel vaut des liquidités puisque la famille peut payer la rançon. Il y a aussi l'impôt et c'est pour cela que c'est important pour Daech de prendre des villes comme Mossoul qui compte plus d'1,3 million d'habitants."
Daech : un véritable État en guerre
Selon Olivier Weber, Daech qui veut se faire appeler Etat islamique, se comporte effectivement comme un État. "On a perdu beaucoup de temps du côté des capitales occidentales à tergiverser. Est-ce que l'on a affaire à un Etat islamique ou un proto-Etat ? Je pense que l'on est face à un Etat en devenir, voire pratiquement constitué. Et là, il faut le combattre avec de nouvelles armées." Il pense particulièrement aux résistants kurdes qu'il vient de côtoyer. "Les résistants anti-Daech demandent des armes et disent 'On peut vous nettoyer Daech entre 3 et 6 mois '!"
En plus de ces aides aux résistants kurdes, Olivier Weber, compte sur les frappes de la coalition qui ont d'ores et déjà affaibli Daech. "Depuis un an, les frappes sont de plus en plus efficaces. On compte au moins 10.000 morts, lesquels auraient été déjà remplacés. Mais on sait très bien que Daech ne pourra pas poursuivre éternellement le renouvellement de ses capacités. Et surtout, en raison des frappes de la coalition contre les sites de pétrole. On sait où sont les raffineries mobiles et c'est relativement facile de détruire ce trésor de guerre qui peut rapporter jusqu'à deux milliards de dollars par an."
Auteur de La Confession de Massoud (Flammarion, 2013), Le faucon afghan : un voyage au pays des talibans (Robert Laffont, 2001), Les enfants esclaves (Mille et une nuits, 1999), Olivier Weber vient de publier de L’enchantement du monde (Flammarion).
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