Doit-on craindre une propagation de la polio à grande échelle ?
L'OMS a décrété l'état d'urgence après la propagation de la poliomyélite dans plusieurs pays. Dominique Pailler, spécialiste en médecine physique et de réadaptation, reste mitigé sur l'éventualité d'une épidémie à grande échelle.
C’est une "situation inédite", selon l’Organisation mondiale de la santé. Le 5 mai, l’OMS a décrété "l’état d’urgence de santé publique de portée globale" après la découverte de plusieurs foyers de poliomyélite en Afghanistan, Ethiopie, Israël, Guinée-Equatoriale, Somalie, Irak et Nigeria.
La polio est une maladie contagieuse qui touche le système nerveux. Elle peut provoquer une paralysie à vie et, dans certains cas, être fatale. Elle touche surtout les enfants de moins de 5 ans.
Le docteur Dominique Pailler est spécialiste en médecine physique et de réadaptation à la Fondation hospitalière Sainte-Marie, à Paris, et correspondant du Réseau polio, qui regroupe des professionnels et a pour but de prendre en charge et de traiter les personnes atteintes de cette maladie. Interrogé par francetv info, Dominique Pailler revient sur la possibilité d'une contamination à grande échelle.
Francetv info : Pourquoi la poliomyélite revient-elle aujourd’hui ?
Dominique Pailler : Cette maladie s’est éteinte petit à petit grâce au vaccin et devait, selon l'OMS, être éradiquée au tournant du siècle [depuis 1988, le nombre de cas de polio a baissé de plus de 99%. En 2013, 406 cas ont été dénombrés dans le monde par l'OMS]. Mais c'est une maladie virale, qui se propage par l’eau contaminée. Ces dernières années, elle s’est maintenue dans certains pays en guerre, où les aspects sanitaires passent au second plan. Dans ces régions, les vaccinations sont abandonnées ou mal faites.
Faut-il craindre une propagation du virus à grande échelle ?
Dans les pays touchés par la polio, la problématique est toujours la même : faire en sorte que la personne contaminée soit mise en relation avec la personne qui pourra la soigner. Ce n'est pas toujours évident à mettre en place, et les campagnes de vaccination peuvent être compliquées à organiser. Mais la propagation de la polio n’est pas instantanée, puisque la contamination passe uniquement par l'eau. Une personne est contaminée lorsqu'elle avale l'eau éliminée par une autre, elle-même porteuse du virus. De plus, la maladie met un certain temps à se développer sur la personne atteinte : la période d'incubation est d'une dizaine de jours, suivie d'une semaine de paralysie puis de plusieurs semaines de récupération partielle.
Peut-on imaginer que la polio se développe en France ?
Il n’y a pas eu de cas de poliomyélite chez nous depuis plusieurs dizaines d’années [le dernier cas a été recensé en 1989, selon Le Figaro]. Les quelques patients de moins de 60 ans touchés par le virus sont des cas d’importation, qui viennent de l’étranger. Le vaccin contre la poliomyélite se fait pendant la petite enfance, puis doit normalement être renouvelé tous les dix ans. En France, les premières vaccinations sont respectées, mais les suivantes peuvent être négligées. Potentiellement, on peut imaginer des cas individuels de transmission chez nous, par des personnes venant des pays touchés par le virus. Mais tout cela est très fictif : en France, nos conditions d’hygiène éliminent ce risque. Et notre couverture vaccinale est largement suffisante pour écarter la menace d’une épidémie.
Quelles solutions peuvent être mises en place pour lutter contre la propagation de la maladie ?
Dans les pays comme le nôtre, les taux de vaccination sont encore importants, et la prévention est déjà très suivie. La maladie disparaît, à tel point qu'elle n'est même plus enseignée dans les facultés de médecine. L’immense majorité des médecins ne saurait pas la détecter. Mais la polio reste une maladie très contagieuse. L’OMS, en tant qu’autorité internationale, peut avoir un poids considérable. Elle est présente dans le monde entier, peut donner des conseils et édicter des réglementations à l'attention des Etats [l'OMS est engagée dans le plan stratégique pour l'éradication de la poliomyélite, qui s'engage notamment dans l'organisation de campagnes de vaccination]. On l’a vu au moment du virus de la grippe aviaire (H5N1) : toutes les décisions ont été conduites par l’OMS.
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