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Élections législatives au Cambodge : "Une parodie de démocratie" et "une cruelle supercherie dirigée contre le peuple"

Le Premier ministre Hun Sen devrait sortir renforcé de ce scrutin au Cambodge. Il pourra asseoir son régime de "corruption, d'oppression et de répression", dénonce sur franceinfo Bruno Stagno, directeur exécutif adjoint de Human Rights Watch.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, lors des élections législatives dimanche 29 juillet (MANAN VATSYAYANA / AFP)

Le parti du Premier ministre cambodgien, Hun Sen, revendique une victoire écrasante aux élections législatives qui se tenaient dimanche 29 juillet. Un succès qui était prévu, puisque la principale force d'opposition, le parti du sauvetage national, a été dissoute en novembre 2017. "La communauté internationale a été trop tolérante", dénonce, sur franceinfo, Bruno Stagno, directeur exécutif adjoint de Human Rights Watch et ex-ambassadeur auprès de l'ONU. "On espère qu'après ce scrutin, la communauté internationale considèrera que le temps est venu de prendre des mesures beaucoup plus concrètes", ajoute Bruno Stagno.


franceinfo : L'Union européenne n'a pas envoyé d'observateur au Cambodge ce week-end. Diriez-vous que le scrutin est, malgré tout, une élection ?

Bruno Stagno : Absolument pas. C'est une cruelle supercherie dirigée contre le peuple cambodgien. Il faut savoir que cette élection est devenue une parodie de démocratie. Le régime en place est dirigé par le Premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis 33 ans. Il s'est pratiquement assuré une victoire pour continuer avec la corruption, l'oppression, la répression et s'assurer qu'une vingtaine de militaires - dont 12 généraux, tous issus des Khmers rouges - puissent continuer à décider pour le peuple cambodgien du sort de ce pays.

On se souvient du génocide Khmers rouges dans les années 70. Est-ce que c'est parce que le peuple a peur de revenir à ces années-là que Hun Sen, le Premier ministre, réussit à se maintenir au pouvoir ?

Ce qu'il fait depuis 33 ans, ce sont des violations permanentes des accords de paix et notamment des accords de paix de Paris de 1991. Cette élection est une nouvelle violation de tous les accords de paix, étant donné que les conditions ne sont pas réunies pour qu'on ait un vote libre. Donc il joue contre la communauté internationale qui a été trop tolérante. On espère qu'après ce scrutin, qui évidemment n'est ni valable ni légitime, la communauté internationale - notamment la France - puisse considérer que le temps est finalement venu de prendre des mesures beaucoup plus concrètes. Notamment des sanctions individualisées contre les 12 généraux, qui sont la base fondamentale du pouvoir du Premier ministre Hun Sen.

Le secrétaire général des Nations unies a demandé à nouveau de respecter les droits de l'Homme au Cambodge. "C'est essentiel pour préserver les progrès accomplis dans la consolidation de la paix", a-t-il dit. Il y a donc eu des progrès accomplis selon vous ?

Absolument pas, c'est un constat profondément erroné. Il n'y a pas de médias indépendants, il n'y a pas de véritable opposition. Le principal parti d'opposition, le parti pour le sauvetage national, a été dissout. Tous ses dirigeants sont soit en exil, soit en prison. Hun Sen contrôle toutes les institutions de l'Etat y compris l'armée. On assiste à la création d'un Etat à parti unique et donc il n'y a pas de véritables progrès. Par exemple, après les élections de 2013, il y a eu beaucoup de manifestations populaires et il y avait l'espoir qu'on pouvait assister à une espèce de révolution de couleur contre ce parti unique. C'est une des raisons pour lesquelles le parti d'opposition a été dissout. En fait, il y a une régression.

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