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En Algérie, une journée entre inquiétude et incompréhension

Dix heures après le déclenchement de l'assaut de l'armée algérienne pour libérer les otages d'un groupe islamiste, les informations sont encore provisoires. Au moins 41 personnes dont trente otages ont été tués, mais seule une partie de l'usine est sous contrôle.
Article rédigé par franceinfo
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Que s'est-il passé?

Aux environs de 13 heures, l'armée algérienne décide de
passer à l'action pour libérer les otages retenus depuis la veille par une
vingtaine d'islamistes. Les forces spéciales ne font pas dans la demi-mesure :
un hélicoptère bombarde le site gazier. Selon l'agence de presse mauritanienne
ANI, généralement bien informée dans ce genre de situation, l'armée a ouvert le
feu alors que les preneurs d'otages tentaient de s'enfuir dans des véhicules en
compagnie des Occidentaux ; le chef des ravisseurs affirme qu'ils sont au
nombre de 41. Mais alors que, dans un premier temps, la fin de l'assaut avait été annoncée, des sources sécuritaires ont affirmé dans la soirée que seule la "base de vie" du site est sous contrôle de l'armée. Des otages et des islamistes se trouvent encore dans l'usine, sur le gigantesque complexe de Tiguentourine.

Les autorités algériennes légitiment l'opération par le
nombre d'otages détenus et la nécessité d'arrêter les terroristes avant qu'ils
ne s'enfuient.

Combien de victimes ?

Les chiffres ont fluctué toute la journée de jeudi. Selon une
source au sein des services de sécurité algériens, au moins trente otages ont
été tués au cours de l'assaut. Parmi eux, sept ressortissants étrangers dont un
Français.

Plus étonnant, un ressortissant français figurerait
également parmi les onze preneurs d'otages abattus. Dans l'après-midi, le
porte-parole des islamistes, cité par l'agence ANI, affirmait également que le
chef du groupe, un certain Abou Al-Baraa, avait lui aussi été tué.

Très difficile en revanche de savoir combien d'employés du
site de Tiguentourine ont réussi à s'échapper. Ils seraient des centaines à
avoir réussi à échapper aux islamistes, dont certains Occidentaux. Au moins un Irlandais et trois Japonais seraient désormais en lieu sûr. Le Japon dénombre cependant 14 de ses ressortissants encore portés disparus.

En sait-on plus sur le groupe qui a mené la prise d'otages ?

Dès mercredi, la prise d'otages a été revendiquée par un
groupe surarmé, qui signe sa revendication par " Signataires par le Sang ".
Il s'agit en fait de la katiba (unité combattante) fondée par Mokhtar
Belmokhtar
, surnommé " Le Borgne ", l'un des fondateurs d'Al Qaida au
Maghreb Islamique (AQMI), récemment destitué. C'est lui qui a planifié l'attaque,
en réaction à l'opération militaire en cours au Mali. Mais c'est un de ses
lieutenants, Abou Al-Baraa, un ancien du Groupe salafiste pour la prédication
et le combat (GSPC) qui a mené l'attaque, payant de sa vie.

Toute la journée, les ravisseurs lanceront des chiffres
impossibles à vérifier, affirmant que plusieurs otages occidentaux étaient
encore en vie, mais sans forcément donner les bonnes nationalités.

Selon le ministre algérien de l'Intérieur Dahou Ould Kablia,
les islamistes venaient de Libye voisine, et ils connaissaient parfaitement les
lieux selon le témoignage d'un otage algérien qui a réussi à s'enfuir,
recueilli par l'agence de presse Reuters. Selon cet homme, le groupe de
combattants a prévenu d'emblée les salariés de l'usine : les musulmans ne
risquent rien, seuls le " chrétiens et infidèles " sont en danger de
mort.

Quelle a été la réaction de la France ?

La France est directement visée par l'attaque, étant donné
son rôle fondamental dans l'opération militaire contre les islamistes au Mali.
Dès le début de la prise d'otages, le président François Hollande déclare faire
" toute confiance aux autorités algériennes ". La société CIS
Catering, basée à Marseille, gère la base-vie de l'usine gazière, et une
centaine de ses employés, essentiellement des travailleurs algériens, figurent
parmi les otages.

En début de soirée, François Hollande prend la parole en
préambule de ses vœux aux " forces vives " au palais de l'Elysée. Il
évoque un assaut qui " semble se dénouer dans des conditions dramatiques ".

Quelques minutes plus tard, le président de l'Union française des industries
pétrolières, Jean-Louis Schilansky, parle d'un renforcement de la sécurité dans
les entreprises françaises situées dans ces zones à risque en Afrique du Nord.

Comment ont réagi les autres pays occidentaux ?

La violence de l'assaut mené par les forces spéciales
algériennes, le nombre conséquent d'otages, et le manque d'informations sur le
terrain auront fait vivre des heures très angoissantes aux pays disposant de
ressortissants au sein de l'usine.

Mais plus que tout, c'est la décision unilatérale de l'Algérie
de lancer l'assaut qui fait grincer des dents.

Trois pays, et pas des moindres, ont exprimé des réserves,
voire plus, à l'égard des autorités algériennes. Le Japon d'abord, qui a
réclamé " l'arrêt immédiat " de l'opération militaire, formulant en
langage diplomatique une " ferme protestation ".

Les Etats-Unis ont eux aussi fait part de leur inquiétude,
par la voix de Jay Carney, le porte-parole du président Barack Obama. La Maison
Blanche a cherché tout l'après-midi à obtenir des " éclaircissements "
de la part d'Alger, s'inquiétant fortement de la présence d'Américains parmi
les otages. Ils ont confirmé, en fin de soirée, ne pas avoir été mis au courant de l'intervention avant le début de celle-ci.

Enfin, la Grande-Bretagne et son Premier ministre David
Cameron, qui a joint le président américain dans l'après-midi pour évoquer la
situation, a fait part d'une grande perplexité face à l'opération. Très
inquiet, il a même annulé un discours sur l'Europe, jugé comme très important,
qu'il devait prononcer vendredi à Amsterdam.

Le gouvernement algérien, très clair dès le début de la
prise d'otages sur sa volonté de ne rien céder face aux islamistes, va très
certainement devoir s'expliquer après cet assaut. L'Algérie pourrait entrer dans une phase encore plus sécuritaire.

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