En Iran, la liberté sous le voile
Difficile de se marier par amour. En Iran, chaque jeune fille "disponible" est susceptible d’être repérée par une famille cherchant à marier son fils. Selon la tradition, le prétendant et ses parents prennent rendez-vous, on se rencontre à domicile, et la jeune fille est priée de dire assez vite si elle accepte la proposition de mariage.
"Devoir rester assise pendant que toute sa famille vous scrute de la tête aux pieds… c’est l’un des moments les plus détestables de ma vie ! " explique Saphura, qui a vu défiler trois prétendants. Elle les a tous rejetés. Et elle ne garde pas un très bon souvenir : "Même s’il a l’air du garçon idéal, vous ne pouvez pas savoir s’il fera un bon mari ! Vous ne pouvez pas le fréquenter, vous ne pouvez pas avoir de relations sexuelles avec lui, vous ne pouvez pas vivre l’expérience de la vie à deux, le quotidien… Puisque tout ça c’est interdit."
A 34 ans, Saphura cherche toujours le grand amour, mais elle préfère rester célibataire "jusqu’à la fin de ses jours" plutôt que de se soumettre à un mariage arrangé.
Vie publique, vie privée
Le voile est devenu un accessoire de mode, on triche un peu avec les règles, mais il est difficile pour les femmes de trouver de vraies fenêtres de liberté dans l’espace public. Dans les centres commerciaux, la police des mœurs veille au bon respect du code vestimentaire : un manteau trop court ou des mèches de cheveux trop visibles peuvent vous conduire au commissariat. Pour éviter l’obstacle, on se prévient par téléphone ou bien on télécharge une application !
En revanche dans les espaces privés, tout change. Les jeunes multiplient les soirées dans les appartements et même les autocars ! Les voyages longue distance sont devenus des prétextes pour transgresser les interdits.
Les libertés furtives
Laleh, qui vit à Téhéran, est allée l’an dernier en Arménie avec Sasan, un copain. Huit heures de trajet et une ambiance de folie. "Dès que le bus a démarré, on a tiré les rideaux, mis de la musique, sorti l’alcool. Et tout le monde s’est mis à danser, dans l’allée…Ça a duré tout le voyage ! Quand il y avait des coups de frein, on tombait les uns sur les autres, j’ai eu des bleus " dit la jeune femme en riant aux éclats.
"Nos moments de liberté sont toujours très furtifs. Comme quand j’enlève mon voile, comme ça, là, et que j’attends cinq minutes avant de le remettre ! Dans la rue, on fait des photos sans le hijab et on les met sur internet. Comme c’est interdit, on prend encore plus de plaisir " raconte-telle.
Mettre la pression sur la société
Fatemeh Moghimi est l’une des figures féminines les plus célèbres du pays. Première femme à avoir pris la tête d’une entreprise de transport routier international, titulaire du permis poids lourd, elle a dirigé des hommes. Après 30 ans d’un combat incessant, elle est devenue un modèle.
Fatemeh a voulu se présenter aux élections : sa candidature a été rejetée. Peu tendre envers les neuf députées qui siègent à l’Assemblée nationale et n’ont présenté aucune loi en faveur des droits des femmes, Fatemeh pousse à l’action bien plus qu’à la politique.
"Les femmes doivent être convaincues, motivées, il faut qu’elles montrent de quoi elles sont capables : c’est comme ça qu’on va entraîner des changements, en mettant la pression sur la société. Moi, j’ai monté des clubs de femmes entrepreneurs de 500 à 600 membres. Il y en a treize maintenant dans tout l’Iran. C’était impensable il y a 5 ou 10 ans."
— Fatemeh Moghimi
Bien que les femmes soient de plus en plus visibles, et de plus en plus éduquées (60% des étudiants à l’université sont des femmes), il leur est extrêmement difficile d’accéder aux postes les plus élevés, notamment dans l’administration.
Se faire refaire le nez à 17 ans
Avec les mains, le visage est la seule partie du corps que les femmes sont autorisées à montrer. Des visages souvent très soignés, très maquillés... et très refaits. Les opérations de rhinoplastie notamment se sont banalisées. Quelque 200 000 iranien(ne)s passent chaque année par la chirurgie, sept fois plus qu'aux Etats-Unis.
Negar, 19 ans, se promène dans les rues d’Ispahan avec un pansement sur le nez, signe qu’elle vient de subir une opération.
"Au départ, mes parents n’étaient pas très chauds mais ils ont fini par accepter. C’est mon père qui a payé : 1.800 euros" explique Negar.
"Je veux pas ressembler à une poupée ! Je voulais juste arranger une petite bosse et mes narines et que ce soit le plus naturel possible"
— Negar, 19 ans
"Au lycée déjà j’ai des copines qui s’étaient faites opérer. En Iran, on commence à 17 ans et je ne crois pas que ce soit trop tôt !" ajoute la jeune fille. Influencée par les stéréotypes que les chaînes latino-américaines diffusent à longueur de journée, Negar est à la recherche de la perfection plastique. D’un visage qui la rapprocherait d’un monde occidental fantasmé. Chaque jour, le phénomène de la chirurgie esthétique s’étend. Depuis quelques années, ce sont les hommes qui sont de plus en plus nombreux à y avoir recours.
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