Cet article date de plus de neuf ans.

Barrage de Sivens : "Nous avons besoin de cette retenue d'eau"

Francetv info a interrogé les partisans du projet très contesté. Ils défendent un chantier utile aux agriculteurs locaux.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un engin de chantier déployé sur la zone humide du Testet (Tarn), le 20 octobre 2014, où doit être construit le barrage de Sivens. (  MAXPPP)

Si les opposants parlent de "barrage", eux préfèrent évoquer la "retenue" de Sivens (Tarn). Les partisans du projet peinent aujourd'hui à se faire entendre. La mort de Rémi Fraisse a marqué les esprits et alerté l'opinion publique sur le climat de violence qui règne dans la vallée du Tescou. Sans compter la publication d'un rapport d'experts qui égratigne sérieusement la construction du barrage. Les besoins ont été surestimés, explique le document, qui regrette également la fragilité des financements.

Pourtant, sur place, de nombreux riverains semblent favorables au chantier ou se disent, du moins, opposés aux opposants. Comment réagissent les exploitants et les élus locaux ? Et pourquoi réclament-ils la poursuite des travaux ? Voici quelques-uns de leurs arguments.

Une question de survie pour les agriculteurs 

"On vit très mal cette situation", a expliqué un éleveur à Gaillac, un village voisin de Sivens, à l'occasion d'une cérémonie organisée lundi soir, au lendemain de violents incidents. "Nous avons besoin de cette digue car elle va permettre à nos vaches de boire, tout simplement." Fâché contre les médias, accusés de relayer de "fausses vérités", il rappelle par exemple que "la digue sera construite en argile, pas en béton". Et il ne goûte plus vraiment à la présence des "zadistes", les opposants au projet, coupables selon lui d'intimidations. "Il y a vingt jours, j'ai encore reçu une lettre de menaces. C'est déjà la troisième." A ses côtés, une riveraine ne supporte plus la présence des occupants de la ZAD (pour "zone à défendre") : "Sur la route D32, il y a même eu des barrages et des contrôles d'identité", soupire-t-elle.

Comme eux, de nombreux habitants restent convaincus de l'utilité du projet. "Quand j'ai appris la mort de Rémi Fraisse aux infos, je me suis dit que le projet était foutu", résume Arnaud Arlandes, producteur de céréales et de melons basé à 15 km du futur barrage de Sivens. Malgré le drame, l'exploitant milite pour la poursuite du chantier. Car il a souvent manqué d'eau par le passé. "Toute leur vie, mon père et mon grand-père ont vu le Tescou à sec pendant l'été. Et là, des gens viennent de toute la France sans être au courant de rien", déplore l'agriculteur. "Pourtant, les années sans pluie peuvent vite menacer le rendement de mon exploitation et donc mes revenus."

Bagarre entre locaux et occupants de la ZAD

Une telle passion autour du projet est d'autant plus étonnante, selon lui, qu'une autre retenue a été mise en service en 2008 sur le Thérondel, dans le Tarn-et-Garonne. Le premier projet n'avait pas fait de vague. Mais cette fois, les différents acteurs sont engagés dans une guerre d'usure. "Avant le drame, déjà, nous n'avions qu'une peur : qu'un agriculteur se fasse justice lui-même en prenant un fusil et tirant dans le tas", résume Arnaud Arlandes. "Un ou deux y ont déjà pensé." Fin septembre, des agriculteurs du Tarn et Tarn-et-Garonne ont organisé des rondes pour surveiller une ferme voisine du site. "Un jour, ils sont tombés sur des opposants armés de battes de base-ball et il y a eu une baston générale."

"Vu la violence qu'on a eue en face, je trouve que les locaux ont été patients", corrige Pascale Puibasset, secrétaire de l'association Vie eau Tescou, créée en 2011 pour défendre le projet de barrage. Selon elle, 82 exploitants vont bénéficier des avantages offerts par la retenue d'eau, tandis que les experts tablent plutôt sur une quarantaine. "La zone humide [du Testet] ne remplit plus son rôle de zone éponge. Le projet permet de sécuriser la production, puisque le Tescou est l'une des rivières très tôt concernées par les interdictions de pompage, dès le mois de mai." Elle rappelle aussi que le projet joue un rôle dans la prévention des incendies, en permettant aux pompiers de trouver une réserve d'eau, dans ce secteur d'habitat dispersé.

"Si rien n'est fait, la vallée va mourir dans 10 ans"

Avec la mort de Rémi Fraisse, la pression n'a jamais été aussi forte sur les promoteurs du projet. "Il y aura un avant et un après, c'est certain. Ce genre de drame est toujours malheureux. Mais il faut être clair : cela aurait aussi pu arriver de l'autre côté, chez les policiers." Pas question, donc, d'interrompre le chantier. "Ce serait laisser la main à quelques extrémistes qui n'en ont rien à faire du sujet et c'est très grave dans un Etat de droit." Mais son optimisme est désormais tout relatif. "Il se fera, oui, je ne peux pas concevoir que ça se fasse autrement."

La balle est désormais dans le camp du conseil général du Tarn. Le président socialiste Thierry Carcenac a choisi de temporiser. L'assemblée départementale doit se prononcer vendredi sur la suspension du chantier, et surtout, en définir la durée. "Je reçois quantité d'appels", assure le député PS Jacques Valax, membre du conseil général. "Les locaux – les 'autochtones' comme je les appelle – sont excédés. Ils ont l'impression d'être pris en otages." Surtout, il estime que la pression des opposants est un déni de démocratie. "Ce projet a traversé trois élections cantonales et a été adopté en mai 2013 par 43 conseillers généraux sur 46, de droite comme de gauche !"

Autour de la retenue d'eau, l'élu imagine déjà une zone touristique et pourquoi pas, une réserve ornithologique. "Ce projet doit conforter l'identité verte de la zone. Si rien n'est fait, la vallée va mourir dans moins de dix ans", alerte le politique. "Les maires risquent alors de modifier les POS [plans d'occupation des sols] pour répondre à l'appétit des promoteurs immobiliers, qui cherchent des terres près de Toulouse."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.