Sivens, Bure, Notre-Dame-des-Landes... six foyers de contestation à vif
Ils sont militants écologistes ou simples riverains et se mobilisent, en différents points de la France, contre des projets d'infrastructures, comme un aéroport, une ligne de TGV, un barrage, etc. Passage en revue de six d'entre eux.
Les projecteurs se sont braqués sur la contestation au barrage de Sivens (Tarn) après la mort de Rémi Fraisse. Ce manifestant de 21 ans a été retrouvé mort dans la nuit du 25 au 26 octobre lors d'affrontements entre les opposants au projet et les forces de l'ordre.
Mais le barrage de Sivens n'est pas le seul projet d'infrastructure à être contesté au nom de l'écologie par des militants, mais aussi par des riverains ou des citoyens sans engagement politique. En juillet 2013, Rue 89 avait dressé la carte des 100 (et quelque) "grands projets inutiles et imposés". Voici les six foyers de contestation les plus à vif actuellement.
(GOOGLE MAPS)
Le barrage de Sivens
Le projet. Le barrage de Sivens, dans le Tarn, a pour but d'irriguer la vallée pour fournir de l'eau à des céréaliers. Coût total estimé : 8,5 millions d'euros.
Pourquoi cela bloque. Cette infrastructure signe la fin de la zone humide du Testet, riche de 94 espèces protégées, selon les associations de défense de l'environnement. Les chefs de file de la contestation sont deux collectifs locaux : le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet et Tant qu'il y aura des bouilles. Le face-à-face tendu entre les "zadistes" (occupants de la "zone à défendre") et les forces de l'ordre a débouché, dans la nuit du 25 au 26 octobre, sur la mort de Rémi Fraisse, un manifestant de 21 ans, tué par l'explosion d'une grenade dont l'origine fait l'objet d'enquêtes. Deux jours après, un rapport d'experts allant dans le sens des opposants était publié. Le conseil général du Tarn devrait suspendre le projet, mais n'a pas annoncé pour l'instant son intention de l'arrêter.
L'aéroport de Notre-Dame des Landes
Le projet. L'aéroport du Grand Ouest est destiné à remplacer l'aéroport de Nantes-Atlantique. Coût estimé : autour de 560 millions d'euros, selon Le Figaro.
Pourquoi cela bloque. Dénonçant le risque de destruction de 2 000 hectares de zone de bocage préservée et l'inutilité du projet, des militants occupent depuis 2008 la "zone à défendre" de Notre-Dame-des Landes, près de Nantes. Combien sont-ils ? "Quatre cents personnes à l'année, davantage l'été", affirme, à francetv info, Camille (prénom générique de nombre de militants "zadistes" pour préserver leur anonymat), du site Générations Futur. Après la mort de Rémi Fraisse, les "zadistes" de Notre-Dame-des-Landes ont rappelé, comme le souligne Presse-Océan, que si le projet d'aéroport est aujourd'hui "moribond", "c'est bien parce que des milliers de personnes se sont opposées physiquement aux travaux, aux expulsions, à l'occupation policière de leurs lieux de vie". Par ailleurs, des actions en justice se poursuivent.
L'enfouissement de déchets radioactifs à Bure
Le projet. A Bure, dans la Meuse, un centre industriel de stockage géologique (Cigéo) doit enfouir à 500 m de profondeur 80 000 m3 de déchets radioactifs. Coût total estimé : entre 15 et 36 milliards d'euros, selon L'Express.
Pourquoi cela bloque. Ce "cimetière radioactif" effraie associations écologistes et habitants de la région, au sens le plus large. Un collectif Bure zone libre s'est constitué. Avec l'association Sortir du nucléaire, il a créé une SCI qui possède et gère la Maison de la résistance à la poubelle nucléaire de Bure. D'autres s'inquiètent également : des ministres allemands et luxembourgeois, deux pays voisins, se sont récemment déclarés "critiques", et ont demandé davantage d'études de sécurité, note Le Monde. Enfin, la Commission nationale du débat public critique un calendrier trop serré et ne permettant pas de garantir la sûreté de l'installation. L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, maître d'ouvrage, doit déposer en 2015 une demande d'autorisation de création du Cigéo, pour une mise en service en 2025.
Le TGV Lyon-Turin
Le projet. Créer d'ici 2025 une ligne à très grande vitesse Lyon-Turin qui permettrait de gagner une heure sur ce trajet transalpin, et d'ôter 700 000 camions de la route. Coût total estimé : 26 milliards d'euros, selon la Cour des comptes citée par Le Monde.
Pourquoi cela bloque. Le projet est critiqué par les écologistes, des agriculteurs et même la Cour des comptes, souligne Le Parisien. "De 3 milliards d’euros initialement, on est passé aujourd’hui à 30 milliards, observe les Amis de la terre. Le tout pour quoi ? Pour relier Paris à Milan en 4 heures et quart. Alors qu’avec la ligne actuelle, on pourrait déjà assurer cette liaison en un peu plus de 5 heures… " A peine une heure gagnée donc avec ce projet de ligne à grande vitesse, note Bastamag. Les anti-LGV militent au sein de la coordination des opposants au Lyon-Turin et du mouvement No Tav, en liaison avec les mouvements italiens, de l'autre côté de la vallée. "Du côté italien, des gens sont en prison pour terrorisme pour avoir saboté des appareils de chantier", explique Camille. Mediapart s'en est d'ailleurs fait l'écho.
La "ferme des mille vaches"
Le projet. Il est l'initiative privée de Michel Ramery, un riche industriel du BTP issu du monde agricole. Cette ferme-usine, qui vient d'accueillir ses premiers bovins dans la Somme, visait à l'origine à élever un millier de vaches laitières (et leurs 750 veaux et génisses), et à produire de l'électricité à partir du gaz libéré par le lisier et le fumier des animaux. La voilure du projet a été pour l'instant un peu réduite.
Pourquoi cela bloque. Les opposants aux "mille vaches", notamment la Confédération paysanne, y voient un symbole de l'industrialisation de l'agriculture."La 'ferme des mille vaches' met en péril le métier de paysan", a-t-elle estimé lors d'un procès de militants jugés pour dégradations sur le site. Cette infrastructure mettrait en danger les petites exploitations en tirant le prix du lait vers le bas. L'association de défense des animaux L214 dénonce, elle, la façon dont seront traités et entassés les bovins.
EuropaCity
Le projet. Auchan veut construire, à Gonesse (Val-d'Oise), sur 80 hectares, un gigantesque complexe immobilier baptisé EuropaCity. Objectif : attirer 30 millions de visiteurs par an, souligne Le Monde. "Au programme : 230 000 m² de commerces, 20 000 m² de restaurants et une batterie de salles de spectacle, aquarium, piste de ski indoor et autre ferme pédagogique."
Pourquoi cela bloque. Fédérées par le Collectif pour le triangle de Gonesse, une vingtaine d'associations luttent contre le projet. Dans une lettre au député-maire socialiste de Gonesse, Jean-Pierre Blazy, le collectif liste les arguments. Il estime d'abord qu'il n'est pas sûr que ce soit "l’intérêt de la Région de sacrifier en Plaine de France 300 hectares d’excellentes terres agricoles". Il reste ensuite pessimiste sur les questions de consommation, évoquant la "paupérisation" des populations locales : "A qui allez-vous faire croire que faire du ski, des achats dans 500 boutiques de luxe répond aux préoccupations quotidiennes des habitants du bassin de Roissy ?".
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