Poisson lion, poisson lapin, crabe bleu... ces espèces invasives qui se développent avec le réchauffement de la Méditerranée et perturbent son équilibre

Les canicules marines, conséquences du dérèglement climatique, pèsent sur les espèces natives mais sont propices à d'autres espèces venues d'ailleurs et plus résistantes.
Article rédigé par Guillaume Farriol
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Un poisson lion photographié dans la Mer rouge au large de l'Égypte. (MEDIA DRUM IMAGES / MAXPPP)

La mer Méditerranée en surchauffe. Elle a battu, jeudi 15 août, un nouveau record de température médiane à 28,9°C, c'est plus qu'en juillet 2023 où elle atteignait 28,71°C, selon les chiffres de l'Institut des sciences de la mer (ICM) de Barcelone et de l'institut catalan Icatmar. Ces canicules marines sont catastrophiques pour de nombreuses espèces qui suffoquent, comme les gorgones, de grands coraux colorés. Mais dans le même temps, cette chaleur profite aux espèces invasives. Plus il fait chaud, mieux elles se développent, ce qui bouleverse tout l'écosystème sous-marin. Il en existe plus d'un millier en Méditerranée, mais seule une poignée cause de gros problèmes.

Le réchauffement, "une aubaine" pour les espèces invasives

Parmi elles, le poisson lion, venimeux avec ses rayures blanches et orange, il se trouve presque au sommet de la chaîne alimentaire. Mais aussi le poisson lapin, vert et blanc, surnommé la "tondeuse" qui grignote les forêts d'algues. Ces deux espèces perturbent l'équilibre de la Méditeranée."Ça bouleverse les communautés animales et végétales parce que certaines des espèces qui entrent en Méditerranée sont extrêmement compétitives, explique Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS au laboratoire d'océanographie de Villefranche-sur-Mer. Et donc les espèces qui sont en concurrence, les natives, peuvent voir leur abondance diminuer."

"Par exemple, dans le cas des herbivores, le poisson lapin aura mangé toutes les algues aux alentours et il ne reste rien pour les espèces natives."

Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS (Villefranche-sur-Mer)

à franceinfo

Ces poissons invasifs sont arrivés de la Mer rouge via le canal de Suez et ils gagnent du terrain à cause du réchauffement. Contrairement aux espèces locales, ils ne sont pas fragilisés par les canicules marines. "C'est une aubaine, confirme l'océanologue Jean-Pierre Gattuso. Il faut mettre en relation ces espèces invasives avec le réchauffement graduel de la température. Ce ne sont pas particulièrement les valeurs extrêmes qui les font entrer, c'est la température de la Méditerranée qui augmente régulièrement."

Le crabe bleu, une espèce invasive comestible

Le crabe bleu est une autre de ces espèces invasives problématique. Il est venu d'Amérique du Nord mais est très à l'aise dans les eaux chaudes. Il pullule sur les côtes et les lagunes méditerranéennes, déchire les filets des pécheurs et dévore les autres poissons. Alors pour s'en débarrasser, pourquoi ne pas le manger ? La Tunisie a par exemple monté une filière pour commercialiser ce crabe.

"Du crabe bleu, on est passé au crabe aux pinces d'or"

Nathalie Hilmi, économiste environnementale au Centre scientifique de Monaco

à franceinfo

"En fait, ils ont créé une industrie autour de ce nouveau crabe bleu, explique Nathalie Hilmi, économiste environnementale au Centre scientifique de Monaco, et ils arrivent maintenant à non seulement le pêcher et à le consommer sur place, mais également à le surgeler et à l'exporter, notamment en Asie." Le crabe bleu représente aujourd'hui un quart des exportations tunisiennes de poissons et crustacés. L'économie se retrouve donc dépendante de cette espèce invasive, des quotas ont même été mis en place pour éviter qu'elle ne disparaisse à cause de la surpêche.

Des espèces invasives en Méditerranée : reportage de Guillaume Farriol

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