Bruxelles a annoncé mardi avoir autorisé la culture d'une pomme de terre génétiquement modifiée du groupe allemand BASF
Il s'agit de la pomme de terre Amflora destinée à l'usage industriel pour son amidon et à l'alimentation animale. C'est le premier feu vert de ce type depuis 12 ans dans l'UE où les OGM suscitent la controverse.
La Commission européenne n'avait plus donné son feu vert à une culture OGM en Europe depuis 1998 et le maïs OGM de Monsanto, le MON 810.
La Commission européenne a aussi accepté la commercialisation en Europe de trois variétés de maïs transgéniques Monsanto, dérivés du MON 863. Une décision moins spectaculaire car ces produits OGM importés font régulièrement l'objet d'autorisations pour le commerce.
La Commission européenne, à qui revenait la décision finale après que les Etats européens n'ont pas réussi à se mettre d'accord, s'est appuyée sur le fait que l'Agence européenne de sécurité des aliments a jugé que le tubercule en question ne posait pas de problème pour la santé.
Le féculent est renforcé en amylopectine, un composant de l'amidon utilisé par l'industrie pour fabriquer des textiles, du béton et du papier. Mais il contient aussi un gène marqueur de résistance aux antibiotiques.
Cela lui vaut les critiques des défenseurs de l'environnement qui s'inquiètent des risques de dissémination du gène sur les autres plantes dans la nature, et estiment que les avis de l'Agence européenne de sécurité des aliments doivent être pris avec précaution. Selon eux, l'institution est au coeur d'une polémique après l'embauche de son ancienne directrice du département OGM, Suzy Renkens, par le groupe suisse Syngenta, présent dans le secteur des organismes génétiquement modifiés.
Vers une reprise du débat
La décision prise mardi est de nature à relancer le débat autour de l'innocuité des produits OGM en Europe. L'autorisation de culture du maïs génétiquement modifié MON 810 de Monsanto, est arrivée à échéance il y a deux ans et n'a pas encore à ce jour obtenu d'autorisation de renouvellement.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a profité du début de son deuxième mandat à Bruxelles pour clore le dossier de la pomme de terre de BASF qui avait empoisonné son premier mandat en suscitant la controverse. Son ancien commissaire à l'Environnement, le Grec Stavros Dimas, aujourd'hui parti, était opposé à un feu vert à la culture.
Le dossier a été confié à présent au nouveau commissaire chargé de la Santé et de la protection des consommateurs, John Dalli qui s'est justifié mardi en indiquant que toutes les craintes en matière de santé avaient été "levées" par les études scientifiques.
Les réactions
Le ministre italien de l'Agriculture Luca Zaia a critiqué mardi cette décision de Bruxelles et a appelé les autres pays européens à faire "front commun" avec l'Italie contre les OGM.
"Le fait de rompre la prudence d'usage qui était respectée depuis 1998 est un acte qui risque de modifier profondément le secteur primaire européen. Non seulement, nous ne nous reconnaissons pas dans cette décision mais nous tenons à répéter que nous ne permettrons pas que cela remette en question la souveraineté des Etats membres en la matière", a-t-il ajouté.
Et de conclure: "Nous évaluerons donc la possibilité de promouvoir un front commun de tous les pays qui voudront s'unir à nous pour défendre la santé des citoyens et les agricultures identitaires européennes".
Pour le PS, "le gouvernement français doit imposer un moratoire" et la décision de Bruxelles est "un véritable coup de force" contre les citoyens et les consommateurs européens.
Jean-Luc Bennahmias, du MoDem, a parlé de "provocation" et d'"une faveur destinée à un groupe, BASF, en total contresens de tout ce qui avait été décidé collectivement depuis plus de dix ans".
Les réactions ont été vives chez les écologistes.
"C'est une très mauvaise nouvelle", a affirmé Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, sur RMC. Elle a souligné que des traces d'OGM utilisés dans l'alimentation animale pouvaient se retrouver "dans le viande ou le lait" à l'insu des consommateurs. Elle a souhaité que le gouvernement français "refuse la commercialisation et la culture de cette pomme de terre comme de tous les OGM".
"Je suis choqué de voir que le commissaire à la Santé et à la protection des consommateurs, John Dalli, n'a eu besoin que de quelques semaines dans ses nouvelles fonctions pour exprimer un soutien aussi flagrant aux intérêts industriels", a estimé l'un des chefs de file des écologistes au Parlement européen, Martin Häusling, dans un communiqué. "Il y a de sérieuses inquiétudes au sujet d'un gène" de la pomme de terre Amflora "qui est résistant aux antibiotiques", a-t-il ajouté.
"C'est une mauvaise journée pour les citoyens européens et l'environnement", a estimé dans un communiqué l'association Les Amis de la Terre.
Le député européen José Bové a dénoncé la décision et exhorté Bruxelles à sortir de sa "tour d'ivoire": "Elle doit entendre enfin les citoyens qui ne veulent pas d'OGM" et "accepter la position des 27 Etats membres (de l'UE) qui en décembre 2008 avaient majoritairement souhaité une réforme radicale des procédures d'évaluation" des demandes d'autorisation.
Graphique animé présentant le procédé aboutissant à la création d'une plante OGM, alors que la Commission européenne a autorisé mardi la culture dans l'UE d'une pomme de terre génétiquement modifiée.
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