Climat : "Ce que nous vivons aujourd'hui, c’est ce que nous avions anticipé il y a une quarantaine d'années", souligne Jean Jouzel
Pour lutter contre le changement climatique, l'ancien vice-président du Giec conseille de s'inspirer "des recommandations des 150 citoyens" qui sont "cohérentes, ambitieuses et pertinentes".
"On voit bien que là où nous en sommes" aujourd'hui "c’est vraiment ce qui était envisagé" par les scientifiques, souligne le climatologue Jean Jouzel sur franceinfo samedi 3 juillet, alors qu'une centaine d'incendies continuent de faire rage dans l'ouest du Canada et en Californie. Ils viennent s'ajouter à une vague de chaleur inédite qui a fait des centaines de morts.
La commune canadienne de Lytton en Colombie-Britannique a notamment flirté avec les 50°C avant d'être dévorée par les flammes. L'ancien vice-président du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) conseille de s'inspirer "des recommandations des 150 citoyens" qui sont "cohérentes, ambitieuses et pertinentes".
franceinfo : On se souvient des 45,9°C en France, il y a deux ans dans le Gard. Les Canadiens ont frôlé les 50°C cette semaine avec des centaines de morts attribués à cette canicule. Ce sont des records de chaleur qui arrivent encore plus vite que prévu par les experts ?
Jean Jouzel : Je ne crois pas que ça arrive plus vite que prévu. Ce que nous vivons aujourd'hui, c’est ce que nous avions anticipé dans les premiers rapports du Giec il y a une quarantaine d'années. Les événements les plus intenses que nous vivons actuellement étaient dans le troisième rapport du Giec, au début des années 2000. Cela nous invite à prendre au sérieux ces mêmes modèles climatiques, envisagés à l'horizon 2050 et au-delà.
J'invite tout le monde à accorder de la crédibilité à notre communauté scientifique. Elle en a manqué cruellement dans les années 1990 et 2000 et on voit bien que là où nous en sommes, c’est vraiment ce qui était envisagé. Les gouvernants l'ont cru d'une certaine façon, quand on regarde la première convention climat qui s'appuyait sur le premier rapport du Giec. Les objectifs affichés, par exemple, dans l'accord de Paris sont à la hauteur du message des scientifiques. Mais la réalité est qu'il y un fossé entre ces deux objectifs affichés par l'ensemble des pays et la réalité de tous les jours.
Cette semaine, le Conseil d'Etat a ordonné au gouvernement d'en faire plus pour le climat parce que, justement, ces engagements ne sont pas respectés. Quelles solutions concrètes a-t-on au niveau national en France, dans les mois qui viennent pour tenter de redresser la barre ?
J'aurais aimé, comme solution concrète, qu'on mette en œuvre l'essentiel de celles proposées par les 150 citoyens. Ils ont réfléchi à des propositions concrètes et celles-ci n'ont été que très marginalement prises en compte par la loi climat énergie. Il suffirait d'aller lire ou relire les propositions des citoyens sur la publicité, sur l'obligation de rénovation des bâtiments qui n'est pas là, les transports en avion, quand on peut faire en moins de quatre heures [un trajet] sont cohérentes, ambitieuses, pertinentes. Inspirons-nous des recommandations des 150 citoyens. Nous sommes loin du compte en termes de lutte contre le réchauffement climatique.
L'élection présidentielle est dans moins d'un an maintenant. Est-ce que vous sentez la classe politique prête à se saisir réellement de l'écologie et de la défense de l'environnement ?
Avec cette mise en demeure du Conseil d'Etat, cela mettra forcément le problème climatique au cœur des préoccupations. Mais ce qu'il faut voir, c'est que cette transition est aussi porteuse d'emplois, de dynamisme économique. Et là, nous repartons sur le monde d'avant, mais en faisant cela nous ne nous mettons pas sur une trajectoire qui permette aux jeunes d'aujourd'hui d'avoir un climat auquel ils puissent faire face dans une cinquantaine d'années. C'est ça le problème. C'est ce décalage entre les causes du réchauffement climatique et les conséquences.
Les glaciers sont-ils voués à disparaître ?
On voit bien que les glaciers continentaux perdent de la masse chaque année. Et puis, le Groenland et l’Antarctique contribuent également à l'élévation de la mer. Le rythme de l'élévation du niveau de la mer a pratiquement doublé entre le 20e siècle et la décennie actuelle. Mais, il n'y a pas que les glaciers qui souffrent. On va encore voir cet été les parois rocheuses de nos montagnes, de nos massifs montagneux des Alpes qui se désagrègent parce qu’ils sont largement tenues par de la glace, par le gel et l'augmentation des températures qui est deux fois plus rapide dans certaines régions montagneuses, donc il y a des problèmes locaux, mais avec des conséquences en termes d'élévation du niveau de la mer qui sont à l'échelle planétaire.
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