Convention citoyenne pour le climat : le réalisateur Cyril Dion appelle Emmanuel Macron à "respecter sa parole"
Selon le réalisateur, qui est l’un des garants de la Convention citoyenne pour le climat, l'exécutif ne doit pas "se servir de la crise du coronavirus pour reporter les engagements sur la crise climatique."
"On a eu des signaux assez mauvais ces derniers temps" de la part d’Emmanuel Macron et du gouvernement, a estimé le réalisateur Cyril Dion, l’un des garants de la Convention citoyenne pour le climat, mardi 13octobre sur franceinfo, qui appelle le président de la République à "respecter sa parole". Les 150 citoyens qui ont pris part à cette Convention ont d’ailleurs adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron. "Ils sont en train d'exercer [leur] droit d'alerte en disant : on a l'impression qu'un certain nombre de ministres jouent au ball-trap avec nos propositions, on vous demande de recadrer tout ça et de réaffirmer votre engagement", a souligné Cyril Dion.
franceinfo : Avez-vous le sentiment qu'en ce moment à l'Élysée, "l'écologie, ça commence à bien faire" ?
Cyril Dion : On a eu des signaux assez mauvais ces derniers temps. D'ailleurs, vous reprenez cette petite phrase de Nicolas Sarkozy, on a eu droit à une petite phrase d'Emmanuel Macron qui a dit : "Je ne crois pas au modèle Amish, on ne va pas revenir à la lampe à huile". Je pense que c’est la petite phrase qui a mis le feu aux poudres parmi les 150 citoyens.
Ils l'ont pris pour eux, cette petite phrase ?
Effectivement, le président de la République l'a prononcée devant les responsables de la "tech", dans un contexte où il parlait du déploiement de la 5G, alors que les membres de la convention citoyenne demandent eux-mêmes un moratoire. Pour des bonnes raisons : c'est-à-dire aujourd'hui, on a toutes les raisons de penser que ça va augmenter de façon très significative la quantité de consommation d'énergie, ne serait-ce que parce que le volume de données qui transitent est beaucoup plus important. On n'a pas non plus tous les résultats de l'évaluation sanitaire, donc c'est ça que demandent les citoyens. Et même ça, ça leur est refusé. Donc c'était difficile de ne pas le prendre pour eux.
Dans une lettre qu’il a adressée aux citoyens de la Convention pour le climat, Emmanuel Macron leur demande d'être patients...
Oui, le problème, c'est que c'est toujours la même chose par rapport à ce sujet-là, c’est-à-dire que là, il considère que la crise du coronavirus étant ce qu'elle est, ça demande de reporter un certain nombre d'engagements. Je ne sais pas si vous avez vu dans la presse, mais il y a un certain nombre de personnalités du monde entier, que ça soit le secrétaire général de l'ONU, que ce soit les princes anglais, qui ont justement appelé à faire le contraire, à ne pas se servir de la crise du coronavirus pour reporter les engagements sur la crise climatique qui sont plus que jamais indispensables. On a vu ce qui s'est passé dans le sud de la France avec les inondations. On voit ce qui se passe avec les incendies en Californie. Il ne sera plus temps de réagir quand il sera déjà trop tard. Il faut justement se servir de ce moment-là qui est un moment particulier, par exemple autour de l'aviation, où on voit que le secteur de l'aviation est déjà en très grande difficulté, pour penser à des réorientations très profondes.
Là-dessus, Emmanuel Macron vous a déjà répondu : ce n'est pas le moment, selon lui, de taxer un secteur qui est au bord du gouffre...
Moi, j'ai envie de dire le contraire. Après, c'est simplement mon point de vue à moi. C'est justement au moment où ce secteur est en très grande difficulté qu'il faut repenser en profondeur son organisation. Ce n’est pas au moment où tout va bien que les compagnies aériennes vont accepter de se faire taxer, de toute façon, elles sont toujours hostiles à ces processus-là.
Maintenant, est-ce que ce gouvernement est prêt à repenser les fondamentaux de notre société en considérant que le changement climatique est une urgence vitale ? Ce n'est pas encore évident.
Cyril Dion, réalisateur et l’un des garants de la Convention citoyenne pour le climatà franceinfo
Pensez-vous que le divorce est consommé entre la Convention citoyenne sur le climat et l'Élysée ?
Non, je pense qu'on en est simplement au moment de l'alerte. Le président de la République a donné un droit d'alerte aux citoyens quand il les a reçus le 29 juin dernier, donc ils sont en train d'exercer ce droit d'alerte en disant : on a l'impression qu'un certain nombre de ministres jouent au ball-trap avec nos propositions, on vous demande de recadrer tout ça et de réaffirmer votre engagement. Emmanuel Macron le réaffirme aujourd'hui en demi-teinte : à la fois, il redit sa détermination à faire avancer tous ces sujets-là, et je suis sûr qu’effectivement il va le faire. Et en même temps, je trouve qu'il est assez flottant sur le "sans filtre" qui était sa proposition. Quand il avait lancé les travaux de la convention, il avait dit : "Vos propositions seront reprises sans filtre à l'Assemblée nationale ou soumise à référendum ou appliquée par la voie réglementaire". Encore une fois, personne ne l'a obligé à le dire. Personne ne l'a non plus obligé, le 29 juin dernier, à dire : "Je prends 146 de vos 149 propositions". Maintenant, il faut qu'il respecte sa parole.
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