"Une claque", "un geste de confiance", "une vraie aventure" : la Convention citoyenne pour le climat racontée de l'intérieur
Ils ont planché pendant neuf mois sur des solutions et la façon de les formuler de façon législative. De néophytes pour certains, ils sont devenus experts. Quatre regards croisés sur une "aventure extraordinaire".
Après neuf mois de travail, les 150 citoyens de la Convention citoyenne pour le climat se réunissent vendredi 19 juin pour un dernier week-end consacré au vote des propositions élaborées par chaque groupe de travail thématique ("Se nourrir", "Produire-travailler", "Consommer", "Se loger", "Se déplacer"). Comment ont-ils vécu l'expérience et qu'est-ce que cela leur a apporté ? Les réponses de quatre participants.
L’objectif était de "trouver un équilibre"
Mathieu Sanchez. "L'objectif était de trouver un équilibre, de pouvoir, à un moment donné, accompagner toutes les catégories sociales, explique sur franceinfo Mathieu Sanchez, un agent territorial qui travaille pour une petite ville de 10 000 habitants "pas mal engagée autour de la transition écologique", dit-il. Il y a certaines mesures qui sont progressives, c'est à dire qu'il y a d'abord un soutien à la population, et après une période qui devient un peu plus 'sanction'. On a réfléchi aussi à des délais acceptables pour que tout le monde puisse être embarqué dans la transition".
Mélanie a planché par exemple sur le thème "Se nourrir" : "Il y avait plusieurs ambitions, mais trois m’ont tenu à cœur, raconte-t-elle sur franceinfo, la mutation de l’agriculture en France, la politique commerciale et ses traités internationaux comme le CETA [le traité de libre-échange avec le Canada] et la protection des écosystèmes". Ainsi les membres de cette convention proposent de revoir la Constitution pour y inscrire la notion de préservation de l’environnement, de réduire le transport routier ou encore de limiter le suremballage.
Il va falloir trouver un équilibre entre cette espèce de frénésie économique et notre capacité à ne pas dérégler le climat.
Cyril Dion, écrivain et réalisateur
L'écrivain et réalisateur Cyril Dion, garant de la Convention citoyenne sur le climat, évoque la question du temps de travail qui a été remise sur le tapis. Les membres de la Convention proposent 28 heures par semaine payées 35. Pourquoi ? "C’est une piste envisagée pour que l'activité économique, qui malheureusement a un impact considérable sur le réchauffement climatique, soit contenue et que le travail et les richesses soient plus partagés, explique Cyril Dion. Voyez ce qu'il s'est passé pendant le confinement, où le fait d'avoir tout arrêter pendant deux mois a eu un impact considérable en France, avec une chute de 30% des émissions de gaz à effet de serre."
Thierry Pech. "On ne perd jamais de temps à se demander si les gens sont d'accord, juge pour sa part Thierry Pech, co-président du comité de gouvernance et directeur général du think tank Terra Nova, sur France Inter. "Si ces 150 qui représentent la société dans sa diversité, après avoir délibéré, après s'être informés, sont capables de trouver un chemin, alors très probablement, ce chemin est capable de trouver l'approbation de leurs concitoyens", espère-t-il. Selon lui, "c'est un travail démocratique et donc ce n'est pas du temps perdu, au contraire !"
Principale difficulté : "que ce soit acceptable pour tout le monde"
Mathieu Sanchez. "Derrière les entreprises et les industries, ce sont des centaines et des milliers de personnes et de citoyens qui travaillent, rappelle Mathieu Sanchez. Pour embarquer tout le monde dans la transition, on a essayé de trouver des compromis pour que ça soit acceptable pour tout le monde, y compris pour les industries". Toutefois, il souligne qu’ils n’avaient pas forcément "la main" sur tous les sujets. Il donne l’exemple du transport aérien, contraint notamment par des accords internationaux.
Thierry Pech. "On leur demandait de se mettre d'accord sur des questions qui divisent la société parce que, évidemment, le péril climatique ne divise pas tellement la société française, tout le monde a conscience que c'est un problème. En revanche, lorsqu'on demande aux gens de faire des efforts pour lutter contre le réchauffement, à ce moment-là, il y a des débats et c'est normal, souligne Thierry Pech, du comité de gouvernance. "Qui on fait payer ? Sur qui on fait peser l'effort ? Qu'est-ce qu'on propose pour accompagner vers un monde meilleur ?" Des questions essentielles, insiste-t-il en invoquant les expériences de "l'écotaxe" ou de la "taxe carbone". "Les élus, les experts étaient d'accord et la société a réagi de façon très virulente", rappelle Thierry Pech, selon qui "on aurait gagné du temps à prendre le temps de consulter les citoyens".
On vote ce week-end pour voir ce que la société est prête à accepter.
Mélanie
Certaines propositions, qui seront "débattues et votées ce week-end" sont "clivantes", renchérit Mélanie. Mais pour elle, au-delà de la réflexion citoyenne, il faudra derrière "un courage politique". Elle appelle à "une réforme de l’article 1 de la Constitution […] pour que vraiment la société puisse s’emparer de ce débat".
Cyril Dion. "Il y a des mesures qui ne peuvent pas aller au référendum, d'un point de vue constitutionnel, ce n'est pas possible, développe Cyril Dion. Ces mesures-là iront soit au Parlement soit à application réglementaire. On sait déjà qu'il y aura un paquet pour le Parlement, ça, c'est certain. Les citoyens devront décider quelles mesures pourraient aller au référendum. Et ils pourraient choisir la voie du référendum à choix multiples qui éviterait que ce référendum devienne un vote pour ou contre Emmanuel Macron, ce qui n'est pas le sujet. Le sujet, c'est de savoir ce que nous, société française, décidons de faire par rapport au changement climatique ".
Le sentiment d'une "vraie aventure"
"Ces citoyens ont quand même traversé un cheminement assez extraordinaire, souligne Cyril Dion. Il faut quand même se rendre compte qu'une partie de ces personnes ne connaissaient absolument rien à tous ces sujets quand elles sont arrivées il y a neuf mois. Certaines étaient même carrément climato-sceptiques, elles ont fait un travail de formation et sont arrivées à un degré d'expertise qui est considérable".
"Je fais vraiment partie des citoyens qui ont pris une claque dès le premier week-end", retient pour sa part Mélanie. Pour arriver à tirer des conclusions, les 150 citoyens de la Convention ont "essayé de mobiliser tout un tas de leviers d'action et tout un ensemble de mesures et l'intelligence collective a fait des choses extraordinaires", s’émerveille-t-elle. "On a pu auditionner les personnes que l’on souhaitait, il n’y avait pas de limite ni de contrainte", précise Mélanie.
"Ça a été une vraie aventure, résume un Mathieu Sanchez enthousiaste, parce qu'on est vraiment sur de la discussion, on a une vraie représentation de tous les corps de métier et de tous les pans de la société". Désormais, il attend avec impatience "l'aboutissement" de ce travail "et surtout les retours qu'on aura par la suite".
Ils l'ont fait !
Thierry Pech, directeur général du think tank Terra Nova
"Les ambitions qui leur étaient fixées étaient extrêmement élevées, estime pour sa part Thierry Pech. Si je vous dis 'Vous avez 22 jours pour nous dire comment d'ici 2030, dans les dix ans, on réduit de presque moitié nos émissions de gaz à effet de serre. Et en plus, vous allez devoir donner à vos propositions la forme de mesures législatives', vous mesurez tout à coup le poids de la responsabilité qui leur a été confiée. Eh bien, ils l'ont fait !", s’exclame-t-il un brin admiratif. "Souvent on dit 'les électeurs n'ont pas confiance dans leurs élus', est-ce que les élus ont confiance dans leurs électeurs ?", demande Thierry Pech qui conclut : "La convention, ça a été un geste de confiance et donc je pense qu'il faudra s'en souvenir".
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