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"C'est maintenant ou jamais" : ces défis qui attendent Jim Skea, le nouveau président du Giec

Spécialiste des énergies renouvelables et investi auprès du Giec depuis les années 90, Jim Skea entend peser pour que le groupe d'experts ait une véritable influence sur les décisions politiques mondiales.
Article rédigé par franceinfo, Boris Hallier
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Jim Skea, nouveau directeur du Giec. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Le Giec se choisit une nouvelle direction. Réuni à Nairobi au Kenya, le groupe d'experts de l'ONU sur le climat a élu à sa tête Jim Skea, un Écossais de presque 70 ans. Il l'a emporté au second tour face à la Brésilienne Thelma Krug après avoir éliminé les deux autres candidats, un Belge et une Sud-africaine. franceinfo vous brosse le portrait de celui qui se présente comme décidé et "génétiquement optimiste".

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Expert dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre

90 votes contre 69 : c'est le résultat du vote en faveur de Jim Skea, 69 ans, qui faisait face à la Brésilienne Thelma Krug, ancienne chercheuse à l'Institut national de recherche spatiale au Brésil. Le professeur britannique a été donc élu par ses pairs à la tête du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec) de l'ONU. Et d'emblée, l'homme qui arbore barbe et cheveux blancs a mis les choses au clair : "Le changement climatique est une menace existentielle pour notre planète"

Jim Skea a commencé à collaborer avec le GIEC dans les années 1990, peu après la création du groupe d'expert du climat en 1988. Enseignant en énergies durables à l'Imperial College London, il succède donc au Sud-Coréen Hoesung Lee, économiste spécialisé sur les questions d'énergie élu en octobre 2015, et dont la présidence a été jugée très discrète. 

Jusqu'à présent, Jim Skea était coprésident du 3e groupe de travail du Giec, consacré à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ca tombe bien : il aura en effet, parmi ses différents combats à mener, la délicate mission de diriger les travaux de centaines d'experts pendant une décennie où l'humanité doit inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre pour espérer pouvoir limiter le réchauffement de la planète. Dernièrement, il a été l'un des auteurs principaux du dernier rapport sur les moyens à notre disposition pour atténuer le réchauffement climatique.

Trois priorités

Le Giec, créé en 1988, s'est historiquement focalisé sur la mesure du réchauffement de la planète et ses causes, mais ses derniers rapports se sont penchés sur les solutions et l'adaptation au dérèglement climatique, un domaine que le groupe devrait approfondir dans le cycle qui s'ouvre. 

Lors de sa première déclaration en tant que président du Giec, il s'est montré volontaire. "En tant que président, j'ai trois priorités : améliorer l'inclusivité et la diversité, protéger l'intégrité scientifique et la pertinence politique des rapports d'évaluation du Giec" et "maximiser la portée et l'impact" de son travail "au travers d'engagements avec les décideurs politiques et les autres parties prenantes". 

Un plus tôt cette année, il avait averti : c'est "maintenant ou jamais", si l'humanité veut se conformer aux objectifs de l'accord de Paris de limiter le réchauffement bien en-dessous de 2°C et si possible sous 1,5°C. C'est d'ailleurs ce que demandent certains chercheurs qui trouvaient l'ancien président "fade et inexistant", comme l'avait qualifié le Belge François Gemenne : le Giec a besoin d'un président actif, visible, capable d'être le porte-parole des experts du climat aux yeux du grand public. Le président du Giec a effectivement une double casquette, de scientifique et de diplomate.

"Déni de vulnérabilité"

Dans une interview juste avant l'élection, Jim Skea s'était d'ailleurs déclaré "génétiquement optimiste", soulignant que l'humanité avait encore le pouvoir d'influer sur la trajectoire future du réchauffement. "Les défis sont énormes, mais l'essentiel est de ne pas être paralysé dans l'inaction par un sentiment de désespoir", a-t-il souligné. 

Cette élection marque le début d'un septième cycle de rapports pour le Giec, pour mettre en avant plusieurs années de recherche et alerter sur le changement climatique. L'urgence est toujours là, rappelle l'un des Français membres du groupe d'experts, le climatologue Christophe Cassou. "Ce changement climatique, cette influence humaine, s'intensifie. On est sur une trajectoire que j'appelle 'nominale', c’est-à-dire celle qu'on avait projetée, qui était présente dans les différents rapports. Par contre, je pense qu'on est passé du déni, du climatoscepticisme, à un déni de notre vulnérabilité", regrette-t-il, dans un entretien à franceinfo.

Le réchauffement planétaire est déjà quasiment à 1,2°C par rapport à la seconde moitié du XIXe siècle, et le dépassement du 1,5°C est désormais très probable dans les années 2030-2035, même temporairement, selon le dernier rapport de synthèse du Giec, publié en mars au terme de son 6e cycle d'évaluation entamé en 2015. Le Giec poursuit son processus d'élection jusqu'à vendredi, les États membres doivent désormais choisir les 33 autres membres du Bureau.

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