Climat : les petits arrangements comptables du gouvernement pour verdir son budget
Le gouvernement a publié mardi son budget vert, un document comptable qui répertorie les dépenses favorables et défavorables à l'environnement. Bercy se félicite d'une augmentation des dépenses vertes, mais les choix retenus sont contestés.
Emmanuel Macron l'avait promis le 16 avril à Marseille. "La politique sera écologique, donc l'économie sera écologique également ou ne sera pas", avait lancé le président de la République en pleine campagne présidentielle. Une déclaration forte dont une première traduction était attendue par les observateurs dans le projet de loi de finances (PLF) 2023, le premier budget du nouveau quinquennat. En détaillant où l'Etat prélève ses recettes et où il dépense son argent, ce texte constitue la colonne vertébrale de l'action gouvernementale sur tous les sujets.
Il est accompagné, depuis trois ans, par le budget vert, un document qui flèche les dépenses en fonction de leur impact environnemental, entre vertes (favorables), grises (neutres) et brunes (défavorables). Certaines, aux impacts positifs sur certains enjeux et négatifs sur d'autres, sont classées "mixtes". Ce "rapport sur l'impact environnemental de l'Etat" a été publié par le ministère de l'Economie mardi 11 octobre. Selon Bercy, les dépenses vertes ont augmenté de 4,5 milliards d'euros et les dépenses brunes se sont stabilisées, "hors impact exceptionnel des prix de l'énergie". "Cette hausse significative des dépenses vertes reflète l’ambition environnementale du gouvernement", se félicite l'exécutif dans son communiqué, graphique à l'appui.
Cette manière de présenter les choses est contestée. "Les dépenses défavorables n'ont pas été toutes prises en compte. Il y a une comptabilité un peu particulière pour le bouclier tarifaire [les aides pour limiter la hausse des prix du gaz et de l'électricité]", euphémise Emeline Notari, responsable des politiques climat pour l'association Réseau action climat. "On peut assumer de faire le bouclier tarifaire de manière transitoire, mais il ne faut pas le cacher. Il y a de petites astuces très limites dans ce budget vert", abonde Damien Demailly, directeur adjoint du think tank I4CE. Concrètement, en excluant d'emblée les "dispositifs de soutien pour faire face à la hausse des prix de l'énergie", le gouvernement masque l'augmentation des dépenses brunes. Un choix justifié par la nécessité "de regarder les choses de manière constante [d'une année sur l'autre], sans évolution du périmètre", explique-t-on à Bercy.
Les dépenses brunes ont doublé, en intégrant le bouclier tarifaire
Un autre graphique, présent dans le rapport, mais pas dans le communiqué de presse, illustre bien cette situation. Cette fois-ci, le gouvernement a tenu compte de l'impact du bouclier tarifaire, ce qui le conduit à ajouter 8,9 milliards aux dépenses brunes, provoquant leur doublement entre 2022 et 2023.
Mais même cette modification pose question. Le coût brut du bouclier tarifaire pour 2023 est estimé à 44,9 milliards d'euros. Pour arriver à 8,9 milliards, le gouvernement a soustrait les recettes supplémentaires reversées par les producteurs d'énergies renouvelables, qui ont bénéficié de la hausse des prix de l'électricité pour augmenter leurs profits. Bercy précise avoir suivi la méthode utilisée par la Commission de régulation de l'énergie. "C'est encore un moyen de diminuer les dépenses néfastes, relève Emeline Notari. Cela nuit à l'efficacité du budget vert, il perd de son utilité et de sa pertinence".
Le fait de ne pas tenir compte des investissements du plan de relance permet enfin de minorer les dépenses favorables des années précédentes. "Il faudrait l'intégrer pour s'assurer qu'il y a vraiment une hausse des dépenses vertes cette année", souligne Damien Demailly. L'intégration, dans le second graphique, de mesures de soutien aux énergies renouvelables, fait d'ailleurs apparaître une légère baisse, de 200 000 euros, entre 2022 et 2023. L'expert de l'I4CE estime également que certaines dépenses défavorables, comme les niches fiscales sur l'énergie, sont, comme chaque année, sous-évaluées. Il relève qu'il n'y a pas de contrôle pour s'assurer que certaines dépenses d'infrastructures, comptées comme vertes, sont réellement adaptées au réchauffement climatique.
Quelques avancées notables
Quant aux 10 milliards d'euros d'investissements supplémentaires de l'Etat chaque année – comme cela a été promis par Emmanuel Macron lors de sa campagne – le compte n'y est pas. "On va prendre le verre à moitié plein et compter sur une montée en puissance tout au long du quinquennat", commente Damien Demailly. Il se réjouit d'ailleurs de l'adoption mardi d'un amendement créant une programmation pluri-annuelle des investissements pour la transition écologique. "Le budget vert donne une photo. Ce qui manque, c'est la suite du film et, enfin, on progresse là-dessus", se félicite-t-il.
Une nouveauté saluée également par Emeline Notari, qui y ajoute la fin des garanties à l'export pour les projets gazier et pétrolier. "Il y a quelques avancées, mais ce budget n'est pas la hauteur des enjeux", résume cette responsable de Réseau action climat. Lors de la présentation du budget, fin septembre, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avait lui-même reconnu que le texte penchait "encore un peu trop du côté des énergies fossiles" (charbon, gaz, pétrole), moteurs du réchauffement climatique.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.