COP15 : "On ne va pas arriver" à stopper le réchauffement climatique "sans les océans" et leur biodiversité, alerte l'ONG Bloom
Claire Nouvian, la fondatrice de cette ONG, estime que c'est "peut-être une mauvaise idée d'avoir séparé" la Conférence des parties sur le climat de celle sur la biodiversité car "si on s'occupe des océans c'est aussi pour le climat".
"On ne va pas y arriver sans les océans", clame la fondatrice-directrice générale de l'ONG Bloom Claire Nouvian mercredi 6 décembre sur franceinfo à l'occasion de l'ouverture de la COP15 consacrée à la biodiversité à Montréal (Canada). Selon elle, la préservation de la biodiversité dans les océans est la seule façon de lui permettre de "faire son rôle de pompe à carbone" et aider à préserver la planète en luttant contre le réchauffement climatique.
franceinfo : L'océan est-il le grand oublié des COP ?
Claire Nouvian : C'est un énorme problème puisqu'on a tendance à mettre de côté le fait que l'océan occupe 70% de la planète et que si 70% de vos organes vitaux sont atteints par une maladie grave, on a quand même peu de chance de s'en sortir globalement. On a aussi un énorme sujet sur les 30% d'eaux dites protégées en France. On appelle "protégées" des aires marines qui ne le sont absolument pas. La France, qui est le premier territoire maritime européen, porte une très lourde responsabilité dans les engagements de l'Union européenne, car on refuse d'interdire les activités industrielles dans les aires marines protégées. J'aime mieux vous dire que notre vrai taux d'aires marines protégées autour de la France est de 0,005%. On est bien loin des 30% officiels.
Qu'est-ce que serait une protection réelle des océans ?
Le travail a été fait par l'Union internationale pour la conservation de la nature, parce que, COP après COP, il fallait clarifier ce qu'on appelle "protection", parce que ces grands chiffres, ces politiques du chiffre avec une ambition réelle nulle, ça ne marchait pas. L'UICN a dit qu'une aire marine protégée ne peut pas s'appeler comme ça si on y autorise des activités industrielles. Elle a décrit ce qu'est la pêche industrielle : une pêche qui a des engins qui raclent le fond, qui touchent le fond, et une pêche qui fait plus de 12 mètres. On a une définition qui est très claire, il suffit de l'appliquer.
Mais mon ONG, Bloom, a montré dans plusieurs études que les aires marines qu'on appelle protégées en France sont autant pêchées que les zones qui ne sont pas protégées. Ça n'a aucune forme d'incidence. Ce sont des parcs de papier, ce sont des tracés sur des cartes qui n'ont aucune forme d'impact sur le réel de l'eau et aucun bénéfice écologique. Dans une aire marine protégée en France – c'est quand même merveilleux – on autorise tout. Il n'y a aucune différence entre une eau protégée et une eau non-protégée. Les seules zones où vraiment on interdit les engins destructeurs, les pratiques industrielles et extractives, ce sont des zones présentes sur la façade Atlantique et Manche de la France qui représentent 0,005%.
En France, on a aussi fait une arnaque sémantique. On a placé les zones dites "à protection forte", on les a placées entièrement dans les eaux australes. Il y a huit bateaux industriels qui pêchent dans les eaux australes françaises, on a parfaitement préservé leurs zones de pêches et on a fait passer le tracé de l'aire marine protégée tout à fait autour de leurs zones de pêches. On n'a pas contraint ou contredit un seul intérêt industriel. On a un vrai problème de courage politique.
Pourquoi y a-t-il d'un côté des COP pour le climat et de l'autre des COP pour la biodiversité ?
Peut-être que c'est une mauvaise idée d'avoir séparé les COP parce qu'on voit très bien que c'est la même chose. On est en train de mettre en péril la survie de toutes les espèces vivantes, y compris l'humanité, parce qu'on met en péril les équilibres géophysiques mais en même temps le vivant qui permet de capturer ce carbone. Une baleine capture plus de CO2 que 1 500 arbres, donc il faut peut-être qu'on commence à comprendre l'océan, ce grand laissé pour compte de toutes les politiques publiques. On a vraiment lâché la main, la pêche industrielle se gère, fait ses affaires, avec le soutien de l'État, et c'est allé trop loin.
Maintenant on se rend compte que finalement on a besoin de cet océan pour des raisons climatiques, pour des raisons de biodiversité. Réunissons peut-être en effet les enjeux climat et biodiversité une fois pour toute. Si on s'occupe des océans c'est aussi pour le climat puisque c'est le premier puits de carbone, puisque l'océan capture un tiers des émissions de CO2, qu'il a régulé historiquement 93% de nos incidents de chaleur. On ne va pas y arriver sans les océans. Mais l'océan, si vous enlevez les animaux vivants, ne va pas faire son rôle de pompe à carbone.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.