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Crise climatique : "Le coût de l'action est moins important que celui de l'inaction", constate Céline Guivarch, coautrice du nouveau rapport du Giec

Au lendemain de la publication du troisième volet du rapport du Giec, l'une des autrices répond aux questions de franceinfo sur les principales conclusions de ce document.

Article rédigé par Thomas Baïetto, Camille Adaoust - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La chercheuse Céline Guivarch est invitée de franceinfo pour parler du noiuveau rapport du Giec, à Paris le 4 avril 2022.  (FRANCEINFO)

"Seules des mesures immédiates, ambitieuses et coordonnées peuvent nous permettre d'éviter les dommages graves" de la crise climatique. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) a détaillé, lundi 4 avril dans le troisième volet de son sixième rapport, les solutions à mettre en œuvre pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, moteurs du réchauffement climatique. Leur coût est "moindre par rapport au coût de l'inaction", insiste auprès de franceinfo Céline Guivarch, directrice de recherche au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (Cired) et coautrice de ce nouveau rapport du Giec. 

Franceinfo : Quels sont les principaux messages de ce rapport ?

Ce troisième volet se concentre sur l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Il balaye tous les grands secteurs : villes, énergie, agriculture... Ce qu'il montre, c'est qu'il existe des options d'atténuation disponibles aujourd'hui dans tous les secteurs, à même de réduire nos émissions de gaz à effet de serre significativement et à un coût raisonnable. Ces options sont multiples : certaines reposent sur des technologies disponibles, d'autres sur des transformations de nos modes de production, de nos infrastructures ou de nos organisations sociales. Le rapport est extrêmement clair : c'est un panel de leviers qui, mobilisés ensemble, sont à même de réduire significativement les émissions. La composition exacte, c'est aux politiques, au débat public et aux territoires de l'adopter. 

"Une des conclusions robustes de ce rapport, c'est que le coût de l'action est moins important que le coût de l'inaction. La réduction de nos émissions est un investissement qui, à long terme, vaut le coup."

Céline Guivarch, coautrice du groupe 3 du Giec

à franceinfo

Qu'ajoute-t-il par rapport à la dernière publication, qui date de 2014 ?

Le contexte mondial a évolué. Depuis le dernier rapport, la recherche a pu porter sur des mesures déjà mises en œuvre. Mais malheureusement, les émissions ont continué d'être en hausse. Donc, comme pour le changement climatique, ce qui compte, c'est le cumul des émissions, on est davantage dans l'urgence. On se retrouve à dire aujourd'hui que seules des mesures immédiates, ambitieuses et coordonnées à l'échelle mondiale peuvent nous permettre d'éviter des dommages graves. 

Ce rapport présente un éventail de solutions, mais n'est pas pour autant une liste de recommandations. Pouvez-vous expliquer la démarche du Giec ?

Nous faisons une évaluation de l'état des connaissances. Pour ce rapport, nous avons évalué plus de 18 000 articles pour regarder, très collectivement, chaque option d'atténuation, leur potentiel, leur coût, leur implication sur les inégalités, le développement ou la biodiversité. Nous évaluons également la littérature sur les trajectoires qui mettent toutes ces options ensemble, les instruments de politique publique, mis en place ou qui pourraient être mis en place, ce qui a marché ou pas...

Le processus du 6e rapport a commencé en 2017 par l'adoption de la table des matières. Sur la base de ces chapitres, il y a un appel à auteurs. C'est ensuite l'équipe des auteurs qui prend le mandat de ce qui est traité dans le rapport et évalue la littérature de ces éléments-là.

A la fin du processus, il y a un échange entre les auteurs, des scientifiques, et les représentants de chaque Etat membre du Giec. Et parfois, ces derniers tentent d'atténuer le langage utilisé. Comment cela s'est-il passé cette fois-ci ?

C'est un processus intense de discuter avec plus de 100 délégations, à distance. Ce qui est important, c'est que ce sont les auteurs qui tiennent la plume. Ils sont garants du fait que le résumé reflète de façon équilibrée le rapport sous-jacent, que tout ce qui est dans le résumé correspond à l'état des connaissances. Nous avons toujours le dernier mot. Le rôle des délégations des Etats est que ce résumé soit aussi clair que possible, aussi audible que possible. Certaines délégations viennent, avec leurs enjeux économiques et géopolitiques forts. C'est toujours sur la partie 3, parce qu'on parle de solutions, que les discussions sont les plus longues.

Pouvez-vous donner quelques exemples de solutions évaluées dans ce rapport ?

Prenons les transports. Il y a des options qui vont chercher à jouer sur la demande de services de transports, pour éviter certains déplacements de marchandises ou de personnes : optimiser la chaîne de production, repenser l'urbanisme pour avoir des distances plus courtes, télétravail ou téléréunion... D'autres options visent à favoriser le report modal vers des modes de transport moins émetteurs : transports en commun, vélo, marche. Derrière cela, il y a des transformations de nos infrastructures, de nos organisations et de nos normes sociales. Vous avez enfin des options plus directement technologiques : des véhicules plus efficaces énergétiquement, plus légers et électrifiés, à condition que l'élélectricité soit produite de manière propre.

Pour les bâtiments, il y a la transformation des constructions déjà existantes, pour les isoler, les matériaux utilisés pour le neuf ou le chauffage. En matière d'agriculture, opter pour des régimes alimentaires moins carnés fait partie du panel d'options. Cela dépend bien sûr des pays, c'est parfois une question de sécurité alimentaire, mais il y  a des régions du monde où il y a un potentiel de réduction.

Ce rapport aborde également l'épineuse question de la capture du carbone déjà émis. Qu'en dit-il ?

Le rapport montre très clairement que si on souhaite stabiliser l'augmentation de la température du globe, il faut parvenir à zéro émission nette à l'échelle mondiale. Cela veut dire une réduction des émissions positives, immédiates et rapides, pour avoir les émissions résiduelles les plus faibles possibles. Mais cela veut dire aussi que nous avons besoin d'émissions négatives pour compenser ces émissions résiduelles, dans l'agriculture et l'aviation par exemple. 

Il ne s'agit toutefois pas de dire qu'on peut continuer d'émettre des gaz à effet de serre. Plus les émissions résiduelles sont faibles, moins on a besoin d'émissions négatives pour les compenser.

"On ne peut pas se dire : 'Peu importe ce qu'on émet aujourd'hui, dans 30 ans, on aura des solutions magiques.'"

Céline Guivarch, coautrice du rapport

à franceinfo

Il y a déjà aujourd'hui des options utilisées : la reforestation, les changements de pratique d'usage des sols, l'agroforesterie... Il existe d'autres types de solutions, qui sont à des stades de recherche et de prototype aujourd'hui, de capture et de stockage géologiques. Elles n'ont pas un potentiel nul, mais elles ont aussi, si elles sont déployées à large échelle, des effets négatifs : compétition avec l'usage des terres et de l'eau, sécurité alimentaire, menace sur la biodiversité ou droits des populations indigènes. La capture directe est également une solution chère, qui demande beaucoup d'énergie.

Ce rapport, qui comporte un "résumé pour décideurs", est publié à quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle en France. Avez-vous quelque chose à dire aux candidats ?

De lire ce rapport et prendre en compte l'appel extrêmement clair à des actions immédiates et ambitieuses dans l'ensemble des secteurs.

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