Fortes chaleurs : "On a beaucoup construit les villes pour la voiture et pas assez pour l'homme", pointe la présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes
Une partie de la France souffre mardi 11 juillet des fortes chaleurs : 25 départements sont placés en vigilance orange canicule et/ou orages. Christine Leconte, présidente du Conseil national de l'Ordre de l'architecte, invitée de franceinfo, assure qu'"on a beaucoup construit les villes pour la voiture et pas assez pour l'homme".
Celle qui co-animait un groupe de travail sur la transition écologique dans le cadre du Conseil national de la Refondation plaide pour trouver un meilleur équilibre entre "ville et nature" afin de "garantir la qualité de vie", notamment en période de fortes chaleurs. Il y a vraiment un sujet qui est l'équilibre entre ville et nature pour garantir la qualité de vie.
franceinfo : Nos villes sont faites de béton et d'asphalte, est-ce que ce ne sont pas les pires matériaux pour faire face à la chaleur ?
Christine Leconte : Ce n'est effectivement pas terrible comme matériaux, car on a des phénomènes qui sont liés à la réflexion de la lumière et de la chaleur. On estime qu'en ville, la température est supérieure a minima de quatre degrés, par rapport à une zone rurale, voire jusqu'à douze degrés la nuit. C'est un différentiel énorme qui pourrait être atténué si on travaillait avec d'autres matériaux. On a vraiment un équilibre à trouver dans la fabrication des villes. Pour nous aussi, une ville qui a du bruit, qui a de la pollution est moins agréable. En fait, on a beaucoup construit les villes pour la voiture et pas assez pour l'homme.
Face à une crise du logement, il faut construire des nouveaux logements. Où va-t-on les chercher ?
On peut les trouver, on a des friches, des quartiers moins denses. On peut fabriquer une densification plus douce. Cela ne veut pas dire qu'on va monter en hauteur, mais on va travailler sur d'autres typologies architecturales tout en préservant la nature. Ensuite, il y a vraiment un sujet qui est l'équilibre entre ville et nature pour garantir la qualité de vie. Enfin, il faut penser à la qualité de nos logements, notamment en temps de canicule par exemple, construire obligatoirement des appartements traversants pour permettre de pouvoir ouvrir ses fenêtres afin de fabriquer ce fameux courant d'air qui nous permet de trouver ça supportable sans avoir besoin de recourir à l'un des outils qui est très néfaste pour la canicule, la climatisation. Aujourd'hui, il faut climatiser certains lieux et éviter d'en climatiser d'autres en trouvant des solutions beaucoup plus naturelles, et qui existent.
Est-ce la fin du béton en architecture ?
Je ne serai pas aussi catégorique. Mais oui, il faut beaucoup plus diversifier nos approches de matériaux. Il faut savoir regarder les matériaux existants à proximité de chez nous, afin de limiter les gaz à effet de serre liés à l'approvisionnement des matières premières. C'est tout un circuit court qui doit se mettre en place à travers une nouvelle manière de penser l'architecture et la fabrication de la ville, en regardant ce qu'on a. Si on a une forêt, travaillons avec, si on a la chance d'avoir un paysage, intégrons ce paysage dans la fabrique de la ville. Les villes génériques, c'est du passé, c'est le XXe siècle.
Mais l'utilisation des matériaux locaux coûte beaucoup plus cher. Que faut-il faire pour maîtriser les coûts de fabrication ou de rénovation ?
Il faut développer des filières. La différence, c'est qu'au lieu d'aller chercher du granit chinois, on va travailler avec du granit breton. Alors évidemment, ça paraît un peu étonnant. Mais on va aussi beaucoup recycler, beaucoup réemployer, réutiliser, arrêter de jeter. On a plus d'un million et demi de matériaux chaque année qui est jeté dans le bâtiment, donc on a des déchets à foison. On peut travailler autrement pour permettre justement au secteur du bâtiment de réduire son impact, qui représente aujourd'hui en France plus de 29 % des émissions de gaz à effet de serre avec le béton. On a besoin de travailler sur l'architecture des solutions, on sait le faire. Maintenant, il faut le mettre en œuvre à grande échelle.
Il faut rénover aussi massivement nos bâtiments. Est-ce que le dispositif Ma Prime Rénov', qui accompagne les ménages les plus modestes dans leurs rénovations énergétiques, est adapté ?
Vous avez raison, la réhabilitation, c'est la ville de demain. On a un enjeu massif à réhabiliter, à rénover. Toutefois, il ne faut absolument pas se limiter à la rénovation thermique liée au confort l'hiver, c'est-à-dire baisser son chauffage, avoir une consommation d'électricité moins forte, etc. Aujourd'hui, on voit que l'on doit être également sur le confort l'été. C'est même cela qu'il faut privilégier. Par conséquent, il faut que le dispositif Ma Prime Rénov', soit plus global, que le dispositif s'intéresse davantage à l'aspect "stratégique" du bâti. Il faut connaître par exemple l'état du bâti avant de poser n'importe quoi. Il y a vraiment des approches au cas par cas et en fonction de l'âge du bâti.
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