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Logement : pourquoi le gouvernement souhaite rénover le DPE, baromètre de la performance énergétique des habitations

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 10min
Une planche présentant un diagnostic de performance énergétique (DPE) au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), le 26 septembre 2023. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)
Le diagnostic de performance énergétique est devenu un élément central de la transition écologique. Cible de nombreuses critiques ces dernières années, il a été réformé en 2023 mais pas suffisamment, selon des professionnels, des parlementaires et le gouvernement.

DPE. Ces trois lettres, qui désignent le diagnostic de performance énergétique, sont devenues incontournables lorsqu'il s'agit d'immobilier. Ce document permet de classer les logements de A à G en fonction de leur consommation d'énergie et de leur impact sur le climat. Ce diagnostic est obligatoire dans les logements destinés à être habités.

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Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a annoncé une nouvelle fois lundi 9 octobre "souhaiter" que le DPE soit modifié pour s'adapter notamment "aux modalités de chauffage" et à "la taille des surfaces". "Changeons le diagnostic énergétique puisque visiblement, ce n'est pas le bon indicateur", a-t-il estimé sur Sud Radio. Ce DPE est devenu d'autant plus important que la loi Climat et résilience prévoit d'interdire progressivement aux propriétaires de logements énergivores de louer leurs biens, pour les inciter à entreprendre des travaux de rénovation. Concrètement, les propriétaires de logements dans la classe de performance énergétique G, la plus mauvaise, ne pourront plus signer ou renouveler un bail avec un locataire à partir du 1er janvier 2025.

Franceinfo détaille pourquoi l'exécutif souhaite, une nouvelle fois, réviser le DPE.

Parce que sa fiabilité pose question

"Le fait que deux professionnels puissent aboutir à des résultats différents [pour un même logement] pose une difficulté", a remarqué le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, le 25 septembre. Il faut "éviter que ce soit une source de contentieux entre celui qui trouverait quelqu'un qui lui expliquerait que son logement est en F et celui qui lui expliquerait qu'il est en G."

La variabilité des DPE a été démontrée, entre autres, par le magazine 60 Millions de consommateurs. Il a proposé à quatre propriétaires de faire diagnostiquer leur maison par cinq professionnels différents. Résultat : chaque logement a reçu au moins deux notes différentes.

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Le DPE est "un outil faux, fondé sur une mauvaise méthode de calcul", juge Christophe Demerson, directeur de la publication de la revue 25 Millions de propriétaires. Il dit avoir présenté des méthodes de calcul alternatives aux différents ministres en charge du dossier. Mais rien d'assez convaincant, selon le gouvernement. "Depuis la refonte du DPE en 2021, celui-ci est un outil robuste avec une méthode de calcul fiable et éprouvée", a écrit en avril le ministère du Logement, alors dirigé par Olivier Klein. Il mettait en avant une méthode "fondée uniquement sur les caractéristiques physiques du logement et utilisant des données d'entrée devant être justifiées".

Justement, les données sont parfois insuffisantes pour produire un diagnostic fiable, souligne Jean-Christophe Protais, président du Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier (Sidiane). Jugeant que les propriétaires ou les prescripteurs de diagnostic ont tendance à largement minimiser cet aspect, il souhaite les "impliquer" avec la mise en place d'un "indice de complétude".

"Avec un indice de complétude des informations, le propriétaire est responsabilisé. Sur son DPE, s'il voit apparaître un indice de 30%, l'acquéreur peut lui dire que le diagnostic n'est pas fiable et qu'il doit en refaire un autre."

Jean-Christophe Protais, président du Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier

à franceinfo

Ces informations concernent l'année de construction, le type d'isolation, le type d'équipements, de fenêtres, etc. "Ces données sont importantes, sinon, la machine calcule par défaut, et elle a tendance à tirer la note vers le bas, parce qu'elle est prudente", commente Jean-Christophe Protais. Par exemple, si un bien se situe entre l'étiquette D et E, et que des infos manquent, elle mettra plutôt un E.

Parce qu'il n'est pas pertinent pour tous les biens

Le DPE pose problème pour les petites surfaces et certains bâtiments anciens. Selon les chiffres de l'Observatoire national de la rénovation énergétique (lien PDF), "les logements les plus petits sont les plus énergivores". D'après les données, près de 34% des logements de moins de 30 m2 ont une étiquette F ou G, contre seulement 13% des logements de plus de 100 m2.

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Face à ce constat, deux fédérations du diagnostic immobilier – la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers (CDI Fnaim) et la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi) – ont demandé au ministère du Logement la mise en place d'un DPE pondéré pour les petites surfaces. L'outil dans son ensemble n'est pas remis en cause, mais il doit être amendé pour être plus précis. Dans un communiqué, elles écrivent qu' "il existe des possibilités de revoir certains coefficients sans changer toute la méthode". Il s'agit, arguent-elles, d' "un sujet d’équité et de fiabilité du DPE qu'il nous semble important de porter pour que les propriétaires de petites surfaces ne soient pas lésés".

Les parlementaires se sont emparés de la question. Des sénateurs ont proposé, en juillet, de "corriger les biais en défaveur des petites surfaces" et d'intégrer la protection contre la chaleur dans le calcul du DPE. "Nous arrivons à prouver que des dérogations sont nécessaires", remarque auprès de franceinfo le sénateur écologiste Guillaume Gontard. "Nous acceptons que certains appartements n'auront jamais une qualité exceptionnelle. Mais les dérogations actuellement sont complexes", ajoute l'élu, qui a été le rapporteur de la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des logements.

Pour les bâtiments anciens, il peut être difficile, voire impossible de mener les travaux préconisés à l'issue du DPE, en raison de leur dimension historique. "Le bâti réalisé avant 1947 est souvent difficile à isoler", résume Guillaume Gontard. C'est pourquoi les sénateurs ont proposé un DPE spécial pour les bâtiments construits avant cette date, au nom de leur valeur patrimoniale.

Parce que la formation des diagnostiqueurs peut encore être améliorée

Régulièrement pointée du doigt, la formation des diagnostiqueurs a été renforcée. A la suite d'un arrêté paru dans le Journal officiel du 3 août 2023, les professionnels du secteur vont devoir se plier à un cadre plus sévère à partir du 1er juillet 2024. "Tout le monde voit bien qu'il y a des carences. C'est bien pour cela que des mesures ont été prises. Mais c'est insuffisant", estime Yannick Ainouche, président de la CDI Fnaim.

"Il faut sortir du système de certification d'aujourd'hui, avec des petites formations de trois mois."

Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fnaim

à franceinfo

"Il n'y a même pas un diplôme pour devenir diagnostiqueur", s'insurge le professionnel. Il plaide pour la création de deux diplômes d'Etat, l'un à bac+2, l'autre à bac+3, ainsi que la mise en place d'une "vraie filière, avec une véritable convention collective et une véritable branche professionnelle".

L'objectif, selon lui, est d'avoir "une montée en compétence de l'ensemble de la filière" mais aussi d'attirer des jeunes. La promesse d'avoir un diplôme reconnu par l'Etat peut, espère-t-il, les encourager à s'engager dans cette voie, qui demeure "un métier de transition professionnelle, de reconversion".

Parce que la lutte contre la fraude peut progresser

Les nouvelles mesures qui entreront en vigueur au 1er juillet 2024 ont notamment mis l'accent sur la formation des diagnostiqueurs, mais "la lutte contre la fraude représente 50% de ce qui doit être encore réalisé", estime Hassad Mouheb, président de la fédération FedExperts.

Certains diagnostiqueurs travaillent sans certification, sans assurance et n'enregistrent pas leurs DPE à l'Ademe, rappelle le président de la CDI Fnaim. "Il faut pouvoir les sanctionner avec éventuellement un comité disciplinaire, préconise-t-il. Or, nous n'avons aucun organisme de contrôle." C'est pourquoi sa fédération et d'autres, comme FedExperts, proposent la création d'une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs.

"Cette carte professionnelle permettrait d'attester de la responsabilité civile professionnelle, de la mise à jour des diplômes et des certifications, pour que le consommateur soit sûr que le diagnostiqueur est en règle. C'est la moindre des choses."

Yannick Ainouche, président de la CDI Fnaim

à franceinfo

Cette carte serait renouvelée chaque année, et retirée en cas de déviance ou de défaillance, expose Yannick Ainouche. "Aujourd'hui, on demande une carte professionnelle à plein de professions, comme les chauffeurs de VTC. Pourquoi pas à des personnes qui font le diagnostic d'un bien immobilier ?", s'interroge-t-il.

Fermement opposé à cette idée, le président du Sidiane propose un "contrôle longitudinal" des diagnostiqueurs. Au lieu d'avoir un organisme de certification qui réalise un "contrôle sur ouvrage", où il est possible de "faire illusion", il s'agirait de contrôler, sur une période donnée, tous les DPE enregistrés par un professionnel dans la base de l'Ademe et d'identifier d'éventuelles anomalies. C'est possible grâce à " des algorithmes extrêmement simples qui permettent d'avoir une surveillance bien plus efficace", affirme Jean-Christophe Protais, faisant valoir de premiers tests concluants.

Il souhaite également "renforcer la neutralité du diagnostiqueur", parfois mis sous pression du propriétaire ou de l'agent immobilier lors d'une transaction, "avec un DPE réalisé régulièrement". Selon lui, un DPE ne devrait pas être effectué seulement lors d'une vente ou d'une mise en location. "Un bien doit avoir un diagnostic périodique, tous les cinq ou dix ans. Cela permet de sortir de l'urgence" et d'éviter de potentielles tentatives de corruption de la part du propriétaire ou de l'agent. "La responsabilité du diagnostiqueur est de plus en plus importante. Avant, avec le DPE, nous donnions une information qui n'avait pas d'incidence patrimoniale. Mais maintenant, elle en a une", commente Yannick Ainouche, qui compte sur l'accompagnement des pouvoirs publics. "Nous devons être un tiers de confiance d'une rectitude absolue."

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