On vous explique pourquoi l'ouragan Milton est passé de la catégorie 5 à 1 en quelques heures

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Un bateau sur une route après le passage de l'ouragan Milton, à Punta Gorda, en Floride, le 10 octobre 2024. (JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Pour comprendre comment un ouragan perd en puissance, il faut d'abord considérer la manière dont il se renforce : en puisant son énergie dans les eaux chaudes de l'Atlantique Nord.

Après avoir traversé la Floride, Milton va poursuivre sa route et, éventuellement, mourir dans l'Atlantique. Arrivé depuis le golfe du Mexique, l'ouragan a touché terre dans la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 octobre, avant d'être rapidement rétrogradé au petit matin, de la catégorie 3 (sur les 5 que compte l'échelle de Saffir-Simpson) à la catégorie 2, puis à la catégorie 1, par le Centre américain des ouragans (NHC). Milton, qui a atteint mercredi soir la côte ouest de la Floride "près de Siesta Key, dans le comté de Sarasota", avec des vents atteignant 165 km/h, enregistrait toujours des pointes pouvant atteindre 140 km/h jeudi matin, poursuit le NHC.

Alors que son intensification express dans la journée de lundi avait laissé des météorologues sans voix, voire au bord des larmes (comme dans cette vidéo sur X), la perte de puissance des ouragans à l'approche des côtes est un phénomène normal. "Les cyclones [le même phénomène, mais dans l'océan Indien ou le sud-ouest du Pacifique] s'affaiblissent rapidement en pénétrant à l'intérieur des terres, où ils ne sont plus alimentés en eau chaude", explique Météo-France. Car, comme le rappelle l'organisme, pour qu'un cyclone se développe, "la température de l'océan doit être élevée dans les 60 premiers mètres pour permettre une évaporation intense, donc un transfert d'humidité de l'océan vers l'atmosphère".

De même qu'un ouragan gagne en puissance au fur et à mesure que les eaux se réchauffent, il faiblit logiquement à la rencontre de la terre ferme, car il est privé de son carburant.

Affaibli, mais toujours dangereux

Mais attention, "il arrive parfois qu'un phénomène cyclonique puissant puisse survivre à son passage sur l'étendue terrestre et reprenne de l'énergie au contact de l'eau" après avoir rencontré une île ou, comme ici, une péninsule, rappelle le portail gouvernemental Géorisques. Le Centre national des océans et de l'atmosphère américain (Noaa) a d'ailleurs déclaré jeudi matin sur X que Milton était toujours un ouragan après son passage sur la Floride. Arbres déracinés, toits arrachés, rues inondées... Bien qu'affaibli, il s'est montré dévastateur lors de son passage, privant notamment de courant plus de trois millions de foyers.

Et s'il s'oriente à nouveau vers l'Atlantique, avançant désormais cette fois de l'ouest vers l'est. Milton pourrait ne finalement se dissiper en tempête ou en dépression qu'une fois au contact d'eaux plus froides. 

 

De plus, une rétrogradation rapide de sa puissance sur l'échelle de Saffir-Simpson ne veut pas dire qu'un ouragan devient inoffensif. Spécialiste de ces phénomènes à l'université d'Arizona, Kim Wood note ainsi, sur X, que si "tous les ouragans sont différents", "un ouragan qui s'affaiblit ne signifie pas que son impact sera minime". En 2005, l'ouragan Katrina, l'un des plus meurtriers et destructeurs de l'histoire récente des Etats-Unis, était, lui aussi, rapidement passé de la catégorie 5 à la catégorie 3 avant de toucher la Louisiane, rappelle l'expert.

Enfin, l'échelle de Saffir-Simpson classe les phénomènes en fonction de la puissance des vents enregistrée, ce qui ne fournit pas d'information sur les précipitations attendues sur la terre ferme. "Un cyclone puissant peut occasionner des précipitations très faibles et inversement", nuance ainsi Géorisques, ajourant que "la quantité d'eau dépend de la taille et de la structure des nuages composant le système cyclonique, de sa vitesse de déplacement ainsi que de sa trajectoire".

Un danger accru par le changement climatique

Cité par l'AFP, le professeur John Marsham, spécialiste des sciences de l'atmosphère, rappelle enfin que le changement climatique, en réchauffant les mers, rend plus probable l'intensification rapide des ouragans, mais aussi le risque qu'ils soient particulièrement pluvieux : "L'air chaud retient davantage d'eau, donnant des pluies plus abondantes et davantage d'inondations", explique-t-il. Pire, dans le même temps, "l'augmentation du niveau de la mer due au changement climatique entraîne une aggravation des inondations côtières", poursuit le climatologue.

Alors que rythme de réchauffement des océans a presque doublé depuis 2005, selon une récente étude de l'observatoire européen Copernicus, les pluies et vents de l'ouragan Helene, qui a ravagé le sud-est des Etats-Unis fin septembre et fait plus de 230 morts, ont ainsi été rendus environ 10% plus intenses par le changement climatique, a démontré mercredi une étude du World Weather Attribution (WWA). La température de l'eau dans le golfe du Mexique, où Helene s'est formée, était d'environ 2°C au-dessus de la normale, soit des températures records rendues 200 à 500 fois plus probables par le changement climatique. L'un des auteurs de l'étude, le climatologue Ben Clarke, prévenait alors : "Si les humains continuent à brûler des combustibles fossiles, les Etats-Unis seront confrontés à des ouragans encore plus destructeurs." Milton, et ceux qui lui succéderont.


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