Eruption du volcan japonais Ontake : "Nous pourrions être confrontés à une situation similaire en Guadeloupe"
Après cette catastrophe, qui a fait 48 morts et plusieurs dizaines de blessés samedi, francetv info a interrogé le volcanologue Florent Brenguier.
L'éruption a été aussi soudaine que mortelle. Le volcan Ontake, situé au centre du Japon, est entré en activité, samedi 27 septembre, et a fait au moins 48 victimes et plusieurs dizaines de blessés, selon un dernier bilan communiqué mercredi 1er octobre. Peu coutumier des éruptions - la dernière datait de 1979 - ce volcan, situé à 200 km à l'ouest de Tokyo, est régulièrement visité par les randonneurs. Ils étaient près de 300 le jour du drame.
Avec ses 110 volcans en activité et plus d'une quarantaine sous surveillance, le Japon dispose des meilleurs instruments au monde pour mesurer l'activité de ces sites à risque. Comment une telle catastrophe a-t-elle pu se produire dans un pays aussi surveillé ? Francetv info a interrogé Florent Brenguier, sismologue et volcanologue.
Francetv info: Quelle est la particularité de cette éruption volcanique ?
Florent Brenguier : Elle est très particulière car il s'agit d'une éruption phréatique, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de magma frais qui sort comme dans les éruptions classiques. Le magma présent en profondeur réchauffe l'eau qui entre en ébullition. Elle finit par se transformer en vapeur et se retrouve rapidement mise sous pression car elle prend beaucoup plus de volume sous cette forme. Un peu comme avec une cocotte-minute. La décompression donne lieu à une explosion très soudaine qui reste superficielle. C'est-à-dire qu'elle se concentre sur le sommet du volcan mais ne provient pas des profondeurs.
La dernière explosion de ce type remonte à 1979. Depuis, selon les informations de mes collègues japonais, il y a eu quelques légères éruptions, en 1991 et en 2007. Mais on ne constate aucune trace d'éruption magmatique sur ce volcan depuis des milliers d'années, soit presque aussi longtemps que les volcans d'Auvergne. En France, il aurait pu être considéré comme quasimment éteint.
Le Japon est-il habitué à ce type d'éruption ?
Le Japon est l'un des pays où il y a le plus d'activité volcanique au monde. Cela s'explique par la présence à proximité d'une zone où deux plaques tectoniques passent l'une sous l'autre. Cela implique de nombreux séismes, comme celui qui a entraîné la catastrophe de Fukushima en 2011.
Il existe une grande diversité de volcans au Jaopn. On y trouve des basaltiques relativement dangereux, avec de petites explosions et des coulées de lave lentes. Mais ce ne sont pas les plus courants. On trouve surtout des stratovolcans, du même type que celui du mont Ontake ou du mont Fuji. Ils sont explosifs et donc beaucoup plus dangereux. Certains entrent très régulièrement en éruption, comme le Sakurajima, situé dans le sud de l'île Kyūshū et dont l'accès est interdit en permanence. Les Japonais sont habitués à vivre avec un risque extrêmement élevé d'éruptions.
Comment expliquer alors que les spécialistes japonais n’aient pas réussi à anticiper l’éruption du mont Ontake ?
Les Japonais sont les mieux équipés au monde, mais leurs moyens de surveillance ne sont pas adaptés à ce type d'éruptions. Elles ne sont pas encore très bien connues et ne sont annoncées que par peu de signes précurseurs comparées aux éruptions magmatiques. Dans ce cas-là, le magma remonte tranquillement à la surface, on peut donc surveiller ses mouvements avec des capteurs disposés sur et autour du volcan.
Dans le cas des éruptions phréatiques, les signes précurseurs sont très localisés au niveau du sommet. Pour les détecter, il faudrait y étendre un réseau très dense de capteurs. Mais cela a un coût. Et comme en 1979, l'éruption du mont Ontake avait fait peu de dégâts, les politiques ont fait la balance entre le coût et le risque.
Quels sont les signes précurseurs d’une telle éruption ?
Généralement, on perçoit de petites secousses sismiques anormales. La roche se met à craquer de manière inhabituelle, avec des gonflements très localisés, qui indique que la pression est en train de monter. Mais il est impossible de déterminer si s'agit d'une activité anormale si on ne dispose pas de suffisamment de capteurs.
Sur le mont Ontake, il y a eu des signes avant-coureurs, car des séismes ont été ressentis les 10 et 11 septembre. Mais ils correspondaient à un niveau normal d’activité. Si on se basait uniquement sur ces données pour lancer des alertes, on en ferait tous les six mois.
Cette éruption intervient après celles du Bardarbunga en Islande ou du Tavurvur en Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'activité volcanique est-elle plus forte en ce moment ?
Non. Il n'existe pas d’augmentation de l’activité volcanique à l’échelle mondiale. C'est une perception liée aux répercussions médiatiques. Des volcans entrent en éruption tous les jours, mais on n'en parle pas parce qu'ils se trouvent dans des zones isolées et qu'il n'y a pas de dégâts. S'il n'y avait pas eu de victimes dans l'éruption d'Ontake, on n'en aurait sûrement pas parlé.
Quelles leçons peut-on tirer après le drame d'Ontake ?
On ne peut pas faire comme s'il ne s'était rien passé. C’est une très bonne expérience pour la volcanologie. Cela doit nous permettre d’améliorer nos systèmes de surveillance. D'autant plus que nous pourrions être confrontés à une situation similaire avec la Soufrière en Guadeloupe. Ce volcan se trouve au-dessus de Basse-Terre, où vivent plus de 35 000 personnes, et la dernière éruption phréatique remonte à 1976, alors que celle du mont Ontake datait de 1979.
Sur place se trouve l'Observatoire volcanologique de la Soufrière. En France, nous bénéficions d'un très bon système de surveillance mais, malgré tout, on agit comme les Japonais avant l'éruption : on surveille mollement le volcan sans trop se focaliser sur la densité des capteurs localisés, qui permettraient de prévenir ce type d'éruption. L'expérience d'Ontake doit nous servir de leçon.
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