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N'en déplaise à certains: la Terre semble bel et bien connaître un réchauffement général

"Le XXe siècle est probablement la période la plus chaude du millénaire", écrit le 4e rapport du Groupe d"experts intergouvernemental du climat, quasi-unanimement reconnu par les scientifiques.Les activités humaines, notamment l"utilisation de combustibles fossiles, sont très probablement responsables de ce phénomène, poursuit le GIEC.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
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La fonte des glaces au Groenland (ici le fjord de glace d'Ilulissat) est devenue un symbole du réchauffement climatique (AFP PHOTO SLIM ALLAGUI)

"Le XXe siècle est probablement la période la plus chaude du millénaire", écrit le 4e rapport du Groupe d"experts intergouvernemental du climat, quasi-unanimement reconnu par les scientifiques.

Les activités humaines, notamment l"utilisation de combustibles fossiles, sont très probablement responsables de ce phénomène, poursuit le GIEC.

La conférence de Copenhague sur le climat, qui commence le 7 décembre, devrait le réaffirmer avec force.

Pour autant, de très nombreuses incertitudes demeurent. Notamment sur l"origine et l"ampleur dudit phénomène. Par ailleurs, n"a-t-on pas déjà observé, dans le passé récent ou très lointain, d"importantes variations climatiques ? Beaucoup de questions. Et beaucoup de réponses incertaines face à un phénomène d"une extraordinaire complexité… C"est d"ailleurs ce qui ressort d"un colloque intitulé "Des climats et des hommes" qui a eu lieu du 19 au 21 novembre 2009 à la Cité des sciences à Paris. Colloque organisé par Météo France et l"Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Le réchauffement: une réalité bien réelle

Tous les scientifiques qui sont intervenus au colloque de La Villette, venus d"horizons très divers (climatologie, météorologie, physique, géochimie, géologie, géographie, histoire, archéologie…), l"ont confirmé : le réchauffement climatique est une réalité. « Toutes les études montrent que ce phénomène récent est sans précédent sur une période portant sur au moins le dernier millénaire », a ainsi expliqué l"Américain Michael Mann, qui enseigne à l"université de Pennsylvanie et est lui-même membre du GIEC.

"Il dépasse tout ce que l"on a connu durant le dernier millénaire", a déclaré de son côté Joël Guiot, directeur de recherches au CNRS. "En Méditerranée occidentale, on constate depuis les années 70, un assèchement du climat. Avant l"an 1400, le climat était chaud. Mais les extrêmes connus ces dernières années n"ont jamais été atteints, même dans les périodes les plus chaudes du Moyen Age", a-t-il poursuivi.

Que dit le passé ?

Il y a 15 millions d"années, le taux de CO2 dans l"atmosphère était aussi élevé… qu"aujourd"hui. C"est ce qu"affirme un article, publié en octobre 2009 dans la prestigieuse revue Science .A cette époque, "la température était de 5 à 10 ° Fahrenheit [grosso modo entre 2,5 à 5 ° Celsius, NDLR] plus élevée qu"aujourd"hui et le niveau de la mer plus haut de 22 à 30 mètres", peut-on notamment lire dans le papier, notamment signé par le professeur Aradhna Tripati, de l"UCLA (University California Los Angeles)! Un niveau de la mer de 22 à 30 mètres plus élevé…

"Avant la période industrielle, on constate des variations climatiques qui peuvent être importantes", a expliqué, lors du colloque de La Villette, Valérie Daux, maître de conférences à l"Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI). Les historiens montrent ainsi une alternance, au cours des siècles, d"évènements dramatiques, notamment des disettes et des famines, liés à des phénomènes climatiques. Une mauvaise météo peut être ainsi à l"origine d"une crise céréalière, entraînant en chaîne des révoltes paysannes. "Révoltes où les femmes jouent un grand rôle car ce sont elles qui achètent le pain", a observé, lors de son intervention au colloque, l"historien Emmanuel Le Roy Ladurie, professeur au Collège de France.

Ainsi, à partir de 1432, pluies et froid entraînent des famines très importantes, bien évidemment aggravées par les combats de la Guerre de cent ans. "En un siècle, la population française va passer de 20 à 10 millions", a rapporté Emmanuel Le Roy Ladurie. En 1693 survient, dans la France de Louis XIV, une nouvelle famine liée à de mauvaises récoltes dans un contexte d"étés pluvieux et d"hivers glaciaux. Bilan : 1,3 million de morts dans un pays qui compte alors entre 20 et 21 millions d"habitants. A la même époque, et pour les mêmes raisons, la Finlande perd 25 % de sa population.

En 1719, une canicule sur l"Hexagone entraîne la mort de 400.000 personnes, "surtout des enfants", selon le représentant du Collège de France. Vingt-huit ans plus tard, une autre canicule fait 200.000 victimes. Un peu plus tôt en 1666, un gigantesque incendie a ravagé Londres. "Un été chaud et sec a créé les conditions pour l"embrasement", a souligné Valérie Daux. Embrasement facilité par la structure des villes de l"époque, souvent construites dans des matériaux très inflammables.

Ces variations climatiques ont bien évidemment des conséquences sur la nature elle-même. En 1570, la mer de Glace avance de plus d"un kilomètre. Lequel glacier aurait reculé de 400 m entre 1995 et 2009… Et en 1658, on assiste à une grande crue de la Seine "qui bat de 30 cm celle de 1910", a expliqué Emmanuel Le Roy Ladurie. Notons que la crue de 1910 a vivement marqué la mémoire collective contemporaine…

Que penser de ces quelques exemples qui montrent que l"histoire du climat, à l"instar de celle des humains est tout sauf un long fleuve tranquille ? Il est cependant difficile, à partir de là, de tirer une conclusion sur l"actuel réchauffement. Notamment de se dire qu"il ne serait qu"un avatar climatique parmi d"autres… Ces exemples n"en permettent pas moins de s"interroger sur "la force et la nature des liens qui unissent le climat à la destinée des sociétés humaines", comme l"explique le journaliste Stéphane Foucart dans un excellent article du Monde.

Comment aborder les phénomènes passés ?

Comme l"a révélé Daniel Rousseau, représentant de Météo France, au colloque de La Villette, le thermomètre n"existe que depuis… le milieu de XVIIe siècle. Les scientifiques doivent donc reconstituer les températures d"avant cette période pour mieux connaître les variations climatiques.

Ils ont à leur disposition plusieurs techniques: l"étude des anneaux de croissance des troncs d"arbres (dendrochronologie) ; les données isotopiques issues des carottes de glace prélevées dans l"Antarctique (on quantifie le CO2 présent dans les bulles de gaz enfermées dans la glace) ; les données polléniques (restes de pollens anciens ou antiques retrouvées sur un site donné) ; documents historiques (écrits, éléments iconographiques…).

Les scientifiques disposent d"autres méthodes de recherche. Ils peuvent par exemple, à partir des archives, s"intéresser aux dates de vendange d"une région donné : une vendange tardive est significative de mauvaises conditions météo alors qu"une récolte précoce révèle au contraire un été chaud et sec.

"Les dates de vendange sont révélatrices des températures de la saison de croissance", a confirmé Valérie Daux, maître de conférence à l"Université Pierre-et-Marie Curie (Paris VI), lors du colloque "Des climats et des hommes". L"universitaire, qui travaille sur la variabilité climatique, a participé à une étude portant sur 500 ans de températures estivales à travers les récoltes de raisin en Bourgogne. D"où il ressort notamment qu"en 1523, les vignerons bourguignons ont établi un record de précocité qui ne sera battu… qu"en 2003, année la plus chaude qu"ait connue la région depuis lors !

Valérie Daux a également étudié, sur la même période, "la composition isotopique de l"oxygène des chênes de Fontainebleau". Pour les plus vieux bois, des prélèvements ont été faits sur les charpentes du château de Fontainebleau. Bilan : une température qui s"élève nettement au XXe siècle (avec une incertitude de + ou – 0,73 °).

Les documents historiques sont un autre moyen pour connaître l"évolution du climat. Ils permettent, par exemple, de reconstituer les évolutions des glaciers, comme l"a démontré à La Villette le géographe suisse Heinz J. Zumbühl, professeur à l"université de Berne. Un exposé ponctué par la présentation de fort belles gravures, peintures, cartes, descriptions, photos montrant les changements intervenus sur le glacier intérieur du Grindelwald (alpes suisses) depuis le XVIIe siècle et sur la mer de Glace depuis le XVIIIe. Où l"on apprend au passage que les glaciers et leurs reliefs troublés fascinaient les peintres romantiques. A commencer par Turner qui a peint la mer de Glace en 1802.

L"universitaire helvétique a présenté des photos, prises au cours de l"été 2009, du Grindelwald. Lequel a énormément fondu au cours des dernières décennies. "Tout le paysage s"en trouve déstabilisé, notamment en raison de la chute des moraines. La situation est dramatique", a-t-il expliqué. Au-delà, une comparaison entre la courbe de la mer de Glace et celle du glacier helvétique révèle une simultanéité surprenante entre les deux "rivières" glaciaires, pourtant situés dans deux régions alpines bien distinctes. C"est bien là la preuve qu"ils sont travaillés par le même phénomène…

Les volcans influent-ils sur le climat ?

Les éruptions volcaniques ont apparemment une influence sur l"évolution du climat, parfois à l"échelle de la planète entière. Elles semblent ainsi souvent avoir pour effet d"entraîner un refroidissement pendant une période d"une à trois années suivant la colère d"un volcan, a ainsi expliqué, lors du forum de La Villette, Helena Xoplaki, météorologue et climatologue à l"université de Berne (Suisse). Autre observation : "Un à quatre jours après une éruption, on constate aussi une réduction du cycle diurne". En clair, de la durée du jour.

Mais le phénomène peut aussi se manifester différemment selon les régions. Ainsi l"ire du Pinatubo (Philippines), le 12 juin 1991, a "entraîné un réchauffement sur l"Europe et l"Afrique du Nord", selon Helena Xoplaki. En revanche, on a constaté un refroidissement sur le Moyen-Orient, avec, notamment, une chute de neige exceptionnelle à Jérusalem ! Dans le même temps, on a observé une mortalité importante des coraux de la mer Rouge.

Certains dérèglements climatiques constatés historiquement peuvent donc s"expliquer par une éruption volcanique. Exemple: celle du Karangetang, dans l"archipel indonésien, en l"an 1675. Le 28 juin de cette année-là, Madame de Sévigné écrit à sa fille, Madame de Grignan, qui séjourne en son château drômois : "Il fait un froid horrible, nous nous chauffons et vous aussi, ce qui est une bien plus grande merveille". Sous-entendu: "un fait bien plus extraordinaire" que chez elle, Madame de Sévigné, en Bretagne, où les températures sont plus rigoureuses que chez Madame de Grignan. La faute au Karangetang, à l"autre bout de la terre ?

Quels seront les impacts du réchauffement ?

L"un des tout premiers impacts du réchauffement actuel est la hausse du niveau de la mer. "Le niveau de la mer et le climat ont toujours évolué ensemble", a rappelé au cours du colloque de La Villette Anny Casenave, chercheuse au laboratoire en géophysique et océanographie spatiales du CNRS, et membre du GIEC.

Dans ce contexte, les scientifiques observent actuellement une montée des eaux océaniques de 1,8 mm par an en moyenne. Un chiffre qui varie selon les régions : ainsi, dans le Pacifique sud, le phénomène serait trois fois plus important.

Ce phénomène est provoqué aux deux tiers par la fonte des glaciers de montagne et par la disparition de la glace du Groenland et de l"Antarctique. Il l"est à un tiers par la dilatation thermique des océans liée à l"augmentation de la température de la mer. De fait, les milieux marins se sont beaucoup réchauffés pendant la seconde moitié du XXe siècle: ils stockent aujourd"hui près de 80 % de la chaleur accumulée dans le système climatique par les activités humaines au cours des 50 dernières années.

Dans certains cas, les activités humaines peuvent avoir un impact sur la montée des eaux. "Ainsi dans l"état américain du Mississipi, l"exploitation du pétrole entraîne un affaissement des sols de 1 cm par an", a rapporté Anny Casenave.

Comment la situation va-t-elle évoluer à l'avenir ? On peut envisager un scénario catastrophe : la fonte de toutes les glaces du Groenland pourrait entraîner une élévation des océans de l"ordre de 7 m ! Un tel évènement prendrait cependant plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires…

Quoiqu"il en soit, une chose semble à peu près certaine : dans les années à venir, "le réchauffement va se poursuivre et le niveau de la mer va continuer à monter. De combien ? Là, c"est la grande inconnue", a déclaré Anny Cazenave. Selon les estimations les plus récentes, il n"est pas exclu que les eaux puissent s"élever de 1 m en moyenne d"ici la fin du siècle, avec de fortes variations d"une région à une autre. Ce qui risque de submerger nombre de régions côtières. Rappelons que 25 % de la population mondiale vit près des mers. A titre d"exemple, au Bengladesh, 15 % du territoire et 17 millions de personnes pourraient être touchés.

Impacts socio-économiques
Le réchauffement risque d"entraîner d"autres impacts en cascade, à la fois environnementaux et socio-économiques. Sans compter les risques de guerre pour le contrôle des ressources en eau par exemple…

Au niveau de la biodiversité, "une hausse des températures de plus de 4 ° pourrait faire disparaître 30 à 40 % des espèces vivantes. Les écosystèmes perdraient alors leur cohérence", a expliqué Stéphane Hallegate, chercheur en économie de l"environnement à Météo France et membre du GIEC. Les perturbations dans les milieux naturels auraient des conséquences incalculables et, dans certains cas, insoupçonnées pour l"homme. Par exemple en matière de propreté des eaux : dans les pays pauvres, celles-ci sont souvent filtrées par les écosystèmes. Le bouleversement de ces milieux pourrait donc s"avérer dramatique pour l"accès à l"eau potable des populations de ces pays.

Il faut aussi évoquer les problèmes pour l"agriculture et la sécurité alimentaire, notamment des nations du Sud. Exemple : en Ouganda, les changements climatiques pourraient entraîner une quasi-disparition de la culture du café, une des principales ressources de cet Etat africain.

Une chose est sûre : avec la modification des climats locaux, les sociétés vont avoir à s"adapter. Reste à savoir comment… Les économistes insistent aujourd"hui sur les limites de toutes les études existantes. Celles-ci s"avèrent aujourd"hui incapables de prévoir le coût futur des dérèglements du climat. "Il est difficile d"anticiper sur des risques et des impacts qu"on ne voit pas forcément physiquement", a souligné Stéphane Hallegatte.

"Il faut envisager les choses dans leur globalité", a poursuivi l"expert. Autrement dit : si l"on prend les évènements isolément, on n"arrive pas à les resituer dans leur contexte. L"économiste a ainsi cité l"exemple du volcan Kilimandjaro en Tanzanie : 85 % des glaces qui le recouvraient en 1912 avait entièrement disparu en 2007. La comparaison de photos prises à ces deux périodes est en effet spectaculaire. "Pour autant, il convient de bien relier cette affaire à un phénomène global : celui de la fonte des glaciers dans d"autres régions du monde", a insisté Stéphane Hallegatte.

Il en va de même pour la canicule de 2003 : "Elle aurait pu se produire sans changement climatique. Mais ce qui lui donne son sens, c"est qu"on a connu un évènement similaire en 2006", a commenté le représentant de Météo France. On peut alors se demander s"il n"y en aura pas d"autres dans l"avenir, significatifs des bouleversements en cours. "Dans l"état actuel des choses, la canicule de 2003 sort complètement de la normalité des mesures. Mais si l"on en croit les projections effectuées, elle pourrait, dans les années à venir, être ramenée à celle d"un été moyen", a-t-il précisé. Les habitants de la planète bleue ne sont sans doute pas au bout de leurs surprises ni de leurs peines…

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