Que contient le nouveau plan Ecophyto 2030 présenté par le gouvernement ?
Le plan Ecophyto 2030, destiné à réduire l'usage des pesticides en France, a été présenté lundi 6 mai par le gouvernement. Lancé en 2008, ce plan n'a jamais rempli son objectif de réduire de 50% l'usage des pesticides de synthèse. Fin 2023, une commission d'enquête avertissait qu'en France, "sur au moins un tiers du territoire national, les pesticides et leurs métabolites [composants issus de leur dégradation] constituent une menace majeure pour la ressource en eau potable".
Mais face aux manifestations de colère et blocages de portions d'autoroutes par des agriculteurs, le gouvernement avait annoncé le 1er février la mise sur "pause" des travaux sur sa nouvelle stratégie Ecophyto 2030. Il appuie aujourd'hui de nouveau sur "lecture". Franceinfo vous résume ce que contient le texte, qui entend "lutter contre le changement climatique et préserver la biodiversité, tout en donnant à tous les agriculteurs les moyens de cette transition".
L'objectif de réduction maintenu
Cette nouvelle stratégie conserve l'objectif de réduction de 50% des produits phytosanitaires d'ici 2030. Un objectif poursuivi en vain depuis le premier plan Ecophyto de 2008. Pour y parvenir, la période de référence sera désormais la moyenne des années 2011-2013, contre 2015-2017 auparavant. Il s'agit d'une référence utilisée dans le cadre du nouvel indicateur européen, afin d'"être sûr d'avoir à terme une comparaison effective entre pays membres", a justifié le ministère. "Le changement de référence induit quelques pourcents de différence, mais le problème, c'est l'indicateur HRI1 : avec le nouveau calcul, la cible est quasiment déjà atteinte", complète Corentin Barbu, chercheur à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), auprès de franceinfo.
Un nouvel indicateur pour le suivi
La réduction des pesticides "sera mesurée par l'indicateur de Risque Harmonisé 1 (HRI1), calculé par la Commission européenne, qui permet de mesurer l'évolution de l'utilisation des substances actives en les pondérant par leurs mentions de danger", selon le nouveau plan Ecophyto. Exit le Nodu, le précédent indicateur qui servait à mesurer l'usage des produits phytosanitaires, comme le réclamaient les agriculteurs, au grand dam des associations de défense de l'environnement.
Le HRI1 est un indice obtenu en multipliant les volumes de substances actives vendues par des "coefficients" censés refléter la dangerosité des divers pesticides, qui ne tient pas compte des doses d'application. "L'important sur la question des produits phytosanitaires (...), c'est de réduire ceux dont on sait qu'ils peuvent produire une toxicité", a défendu Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture, sur franceinfo. "Le HRI1 est un extrêmement mauvais indicateur, il est vendu à tort comme un indicateur de risques", objecte Corentin Barbu, auteur d'une pré-publication scientifique sur le sujet.
Pour les ONG, un "changement de thermomètre" ne fait pas baisser la fièvre. Générations Futures dénonce ainsi la baisse "trompeuse" des pesticides affichée par le HRI1. De son côté, le gouvernement défend ce changement au nom de la "cohérence" européenne. "Je ne dis pas que le HRI1 est parfait, mais il a le mérite d'exister", explique Agnès Pannier-Runacher, la ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture, dans La Tribune dimanche, confirmant avoir "demandé à l'Inrae de travailler avec ses homologues européens pour faire des propositions afin d'améliorer le cas échéant le HRI1". Un premier bilan sera fait "d'ici à la fin de l'année", d'après elle.
Une enveloppe dédiée au changement
Le plan Ecophyto ambitionne de "ne laisser aucun agriculteur sans solution". Le gouvernement reprend donc à son compte le mantra de la FNSEA, le syndicat majoritaire, en affirmant travailler "dans le respect du principe 'pas d'interdiction sans solution'". Le document "acte un changement de méthode", en fixant "des objectifs de réduction des risques et des usages de produits phytopharmaceutiques", "tout en donnant à tous les agriculteurs les moyens de cette transition". Dans ce cadre, 250 millions d'euros sont notamment dédiés à la recherche de solutions alternatives et à l'accompagnement des agriculteurs dans le changement de leurs pratiques. Dans le détail, il s'agit de "150 millions sur la recherche et 50 millions d'euros pour financer du matériel", avait détaillé Marc Fesneau dans Le Parisien.
Une surveillance accrue des eaux
La nouvelle stratégie prévoit également d'actualiser "la liste des captages prioritaires et sensibles", pour mieux surveiller les risques de pollution des eaux, soulignant que "des produits phytopharmaceutiques ont été trouvés au moins une fois dans 80% des points de mesure du réseau de surveillance des eaux souterraines". Le ministère veut ainsi "cibler" les lieux "où l'on se rapproche des seuils où l'eau n'est plus de la qualité attendue" et "accompagner les agriculteurs pour pouvoir renverser la balance".
"Cela coûte moins cher d'être dans la prévention que d'être dans la réparation, et revenir sur une qualité de l'eau qui s'améliore", fait valoir le ministère auprès de journalistes. Entre 1980 et 2019, 4 300 captages d'eau potable ont été fermés pour cause de pollution, "principalement aux nitrates et aux pesticides", selon le rapport de la commission d'enquête parlementaire, alors même que la ressource en eau est menacée par le changement climatique.
Un outil pour connaître son exposition
Le nouveau plan Ecophyto évoque également un "outil d'information sur l'exposition aux produits phytosanitaires", afin de "protéger les populations (riverains, personnes vulnérables) y compris dans les lieux accueillant du public", peut-on lire dans le document. L'étude d'exposition, d'après le ministère, est "en cours" et les premiers résultats sont "attendus en 2025-2026".
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