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Tribune "Le gouvernement tourne le dos à la science" : des ONG environnementales demandent l'arrêt des forages de Total en Guyane

Dans une tribune publiée sur franceinfo, des associations de défense de l'environnement pointent les contradictions d'Emmanuel Macron en matière d'écologie, alors que Total doit commencer des opérations de forage au large de la Guyane début 2019.

Article rédigé par franceinfo
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Des militants de Greenpeace protestent contre le projet de forage de Total au large de la Guyane et d'un récif corallien découvert dans l'embouchure de l'Amazone, le 28 septembre 2017, à Rio de Janeiro (Brésil).  (PILAR OLIVARES / REUTERS)

Le navire de forage de Total est en route pour la Guyane. Il devrait arriver dans les prochains jours sur site, à 150 km des côtes guyanaises, pour une mission de quatre mois. Objectif : réaliser un puits d'exploration pétrolière pour évaluer la qualité de la roche et la présence d'hydrocarbures en quantité suffisante. Cette mission est décriée par de nombreuses associations de défense de l'environnement, qui publient une tribune contre ce projet de forage et pointent les contradictions du gouvernement en matière d'écologie. Sept d'entre elles déposent d'ailleurs un recours contre l'Etat, mercredi 12 décembre, pour contester l'autorisation de forage délivrée récemment à Total. Elles s'expriment ici librement. 


Il y a un an, le gouvernement s'enorgueillissait de la loi hydrocarbures censée mettre fin à la production d’énergies fossiles en France en 2040. Présentée comme une avancée majeure dans le monde, cette loi excluait en réalité les permis pétroliers en cours comme celui de Total au large de la Guyane. Résultat : le navire affrété par le géant français de l’industrie pétrolière s’apprête à opérer ses premiers forages en janvier. Entre-temps, le gouvernement a tout fait pour faciliter le travail à Total.

Cela a commencé en septembre 2017, lorsque le ministère de l’Environnement a accordé à Total une troisième prolongation du permis d’exploration pétrolière "Guyane Maritime", en plein débats parlementaires sur la loi hydrocarbures. Contrairement aux affirmations répétées par François de Rugy, le gouvernement n’était en rien obligé de prolonger ce permis. Cette prolongation est d’ailleurs attaquée par les associations Amis de la Terre France et Greenpeace France. Ce projet aurait dû faire l’objet d’un débat public construit et organisé par la Commission nationale du débat public. Au lieu de ça, une simple enquête publique très courte a eu lieu pendant les vacances d'été 2018. En dépit de cette enquête publique bâclée, presque 100% des personnes (PDF, page 33) ayant contribué ont manifesté leur opposition au projet. Quant aux commissaires-enquêteurs invités à rendre un avis éclairé et critique sur les travaux, ils ne sont pas des spécialistes du forage en eaux profondes. De leur propre aveu, ils n’y connaissent rien, mais qu’importe puisqu’ils ont choisi de faire confiance à Total.

En outre, le pétrolier minimise les risques de pollution des forages, sous-estime les impacts d’une marée noire sur la région et propose des mesures d’urgence insuffisantes en cas de catastrophe majeure.

Les signataires de la tribune

En bref, ce projet présente d’inquiétantes similitudes avec celui de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique [cette plate-forme pétrolière exploitée par BP a explosé en 2010, faisant 11 morts et provoquant une gigantesque marée noire]. C’est d'autant plus inacceptable que tout récemment a été découvert dans les eaux guyanaises le récif de l'Amazone, un écosystème unique qui questionne le savoir scientifique sur les formations récifales et leur capacité de résilience face au changement climatique. En accordant à Total la possibilité de forer à proximité, le gouvernement tourne le dos à la science, préférant prendre le risque de voir cet écosystème vulnérable détruit par les activités pétrolières.

Alors pourquoi tant de passe-droits ? La réponse est simple. Total a jusqu’au 1er juin 2019 pour trouver du pétrole en Guyane, faute de quoi le permis sera perdu. Il était impossible dans le temps imparti de respecter toutes les procédures. Soit le gouvernement respectait les règles de consultation du public, mais Total ne pouvait pas forer avant l’expiration de son permis ; soit le gouvernement tordait les règles pour faciliter la vie de Total.

La mangrove envahit les rives de la rivière Oyapock, dans l'embouchure de l'Amazone, le 3 avril 2017, à la frontière entre le Brésil et la Guyane française. (RICARDO MORAES / REUTERS)

C’est cette dernière option qui a été retenue, faisant de Guyane Maritime le triste symbole du déni de démocratie, de la menace pour la biodiversité guyanaise et d’une aberration climatique soutenue par le gouvernement. Le président Emmanuel Macron devrait faire preuve de cohérence et de courage politique. Le rapport du Giec est formel : pour respecter l'objectif des 1,5°C de réchauffement, 80% des ressources fossiles non exploitées doivent rester dans le sol.

Comment peut-on se présenter sur la scène internationale comme le champion du climat "et en même temps" dérouler le tapis rouge à un des plus gros pollueurs au monde ?

Les signataires de la tribune

Emmanuel Macron devrait regarder de l’autre côté de la frontière guyanaise. Au Brésil, l'administration environnementale vient de rejeter les licences qui auraient permis à Total de forer dans l’embouchure de l’Amazone à proximité du même récif, un projet présentant des risques similaires à ceux que nous dénonçons pour Guyane Maritime. La France devrait s’inspirer du sérieux du travail des techniciens brésiliens qui, dans un contexte politique difficile, ont pris une décision reposant sur des arguments techniques et scientifiques.

Ensemble, associations, collectifs et Guyanais-e-s, nous dénonçons les irrégularités et les zones d’ombre qui ont entaché la procédure de validation. Il y a urgence à agir : nous demandons à la justice de ne pas attendre et d’annuler au plus vite les autorisations de forage.

Liste des signataires

Claire Albanesi, porte-parole Stop Pétrole Offshore Guyane - Jacques Beall, vice-président de Surfrider Foundation Europe - Florent Compain, président des Amis de la Terre France - Marine Calmet, chargée de plaidoyer à Nature Rights - Clémence Dubois, porte-parole de 350.org - Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France - Rémi Girault, président de Guyane Nature Environnement - Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France - Jean-Ronan Le Pen, coprésident de ZEA

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