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Catalogne: les pays de l'Union européenne rejetteraient une demande d’adhésion
Après leur victoire électorale, les indépendantistes catalans estiment avoir un mandat pour engager le processus d’indépendance. Leurs leaders entendent bien rester dans l’UE et demander leur adhésion en tant qu’Etat indépendant. Mais il semble difficile d’imaginer la Catalogne devenir le 29e Etat membre, pense Thierry Chopin, directeur des études à la Fondation Robert Schuman.
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Quelle est la position de l’Union européenne par rapport au vote catalan de ce week-end?
La Commission européenne a refusé de commenter la victoire en sièges des indépendantistes catalans aux élections régionales au motif qu’il s’agit d’une question concernant la politique intérieure espagnole.
Sur le plan juridique, cette position s’appuie sur l’article 4.2 du traité sur l’Union européenne qui dispose que «l’Union respecte l’égalité des Etats membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale». Par ailleurs, l’UE «respecte les fonctions essentielles de l’Etat, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale».
Sur un plan plus directement politique, une éventuelle indépendance de la Catalogne vis-à-vis de l’Espagne aurait des conséquences pour l’UE. De ce point de vue, le degré d’interdépendance politique entre les Etats membres et Bruxelles doit conduire les institutions européennes à combiner la «neutralité diplomatique» habituelle à l’égard des questions intérieures avec une information claire sur les conséquences d’une sécession.
S’agissant des relations d’un hypothétique Etat nouveau avec l’Union européenne : une région sécessionniste se transformerait en un nouvel Etat qui ne serait pas membre de l’UE.
En cas de sécession, peut-on imaginer qu’un nouvel Etat, en l’occurrence la Catalogne, devienne membre de l’UE?
Là aussi, il faut distinguer les registres juridique et politique. Du point de vue du droit, il y a deux cas de figures possibles : ou bien telle ou telle entité déclare unilatéralement son indépendance en violation de la Constitution de l’Etat dont elle fait partie et la reconnaissance par l’UE et ses Etats membres ne pourrait être possible puisque cela conduirait à une violation de l’Etat de droit, valeur fondamentale de l’UE. Ou bien l’indépendance est organisée en conformité avec le droit et les Etats membres pourraient reconnaître le nouvel Etat mais qui ne serait pas membre de l’UE.
Sur le plan politique, il est possible d’imaginer assez facilement la position qui serait celle des autres Etats membres concernés par des risques de sécessionnisme : le Royaume-Uni avec l’Ecosse, la Belgique et la Flandre par exemple. Il est clair que la Belgique rejetterait l’éventuelle demande d’adhésion d’une région sécessionniste comme la Catalogne compte tenu de l’impact de cette question sur la situation nationale de l’Espagne. Or l’adhésion d’un Etat à l’UE suppose l’accord unanime de ses membres, tant pour signer un traité d’adhésion que pour le ratifier.
Quel(s) message(s) ce vote et l’idée d’une possible sécession envoie(ent-ils) aux autres régions pro-indépendantistes en Europe?
D’abord, il faut souligner que les indépendantistes catalans ont certes obtenu la majorité absolue des sièges au Parlement régional mais pas la majorité absolue des voix (48%). Ce qui montre que les Catalans sont divisés sur la question de l’indépendance sans compter que le camp «indépendantiste» est loin d’être uni.
Par ailleurs, il faut aussi insister sur le fait que l’indépendantisme paraît être en recul en Europe au profit de revendications autonomistes. Les Ecossais ont ainsi voté par référendum il y a un an pour rester au sein du Royaume-Uni et ont négocié la dévolution de compétences élargies en matière fiscale et politique.
Cela étant dit, une éventuelle sécession créerait un précédent et les risques d’«effet domino», sans être forcément probables, seraient possibles et pourraient redynamiser les autres mouvements indépendantistes en Europe.
Ces évolutions sont inquiétantes, au moins pour trois raisons. D’abord les dynamiques séparatistes peuvent favoriser la fragmentation de l’UE et mettre en question l’objectif historique du projet européen qui est de surmonter les divisions du continent et de progresser vers une «union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe». Ensuite, sur un plan socioéconomique, de telles dynamiques sont nourries par ce qu’on a pu appeler un «nationalisme de nantis» qui s’oppose à l’idéal européen de solidarité. Enfin, sur un plan externe, compte tenu des défis économiques et stratégiques lancés aux Européens, nous aurions tout à gagner à développer des dynamiques d’union plutôt que de division.
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