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Espagne : qui est donc ce «petit Nicolas» qui s'invite partout ?

Francisco Nicolàs Gòmez Iglesias est un jeune homme espagnol de 20 ans, surnommé «le petit Nicolas». Depuis l'âge de 15 ans, il s'est introduit dans toutes les strates de la bonne société espagnole. Personne ne comprend comment il a réussi à se trouver dans tous les grands événements économico-politico-médiatiques sans se faire repérer.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Francisco Nicolàs Gòmez Iglesias, alias le petit Nicolas. (Photo Facebook)

L'Espagne suit les aventures ibériques du «pequeño Nicolas». Les Espagnols sont partagés entre hilarité, admiration et perplexité au fur et à mesure que les exploits de ce jeune homme paraissent dans les journaux. 

Depuis l'âge de 15 ans, «Fran» s'introduit au culot dans les cercles économiques et politiques. D'origine trop modeste à son goût, il n'a pas hésité à trafiquer grossièrement sa carte d'identité, en y changeant à coup de correcteur blanc et de stylo bille son adresse, pour un quartier plus huppé. Son meilleur laisser-passer étant le book, sur lequel on le voit poser en compagnie de personnalités politiques et de grands hommes d'affaires. Son bâton de maréchal étant une photo le montrant faire un baise-main au nouveau roi Felipe VI.

Il joue les intermédiaires
Par moment, il se fait passer pour un émissaire du gouvernement, un membre des services de renseignements ou de la maison royale. A force de grenouiller dans tous les couloirs, de rôder aux alentours d'événements divers, il assiste à des réunions tout à fait officielles et acquiert ainsi une certaine légitimité. Légitimité qui lui permettra d'entrer dans d'autres cercles, etc. Il se targue de pouvoir jouer les intermédiaires en intervenant auprès de ses éminentes connaissances et demande, pour ce faire, des dédommagements. 

C'est ainsi qu'il a obtenu une commission de 25.000 euros de Carlos Zapata, premier businessman à reconnaître publiquement avoir été en affaire avec «le gamin». Franscisco s'était engagé à le mettre en relation avec le gouvernement et la municipalité de Madrid pour règler des problèmes relatifs à l'exploitation d'un établissement. Interviewé par El Mundo, l'homme d'affaires ne s'estime pas lésé dans la mesure où le jeune homme a bien fait ce à quoi il s'était engagé. 

Le roi des relations publiques
Le problème réside bien là. Si le pot aux roses a été découvert, si le jeune homme a été arrêté (avant d'être relâché), les autorités semblent bien en peine de trouver des chefs d'inculpation. Il n'y a pas d'infraction caractérisée dans la mesure où il «n'a jamais trompé personne parce qu'il a toujours agi sous son propre nom», comme l'affirme l'avocat du jeune homme, Israel Paz, à la radio Onda Cero. «Le juge d'instruction ne parvient pas à comprendre comment un jeune de 20 ans, uniquement avec sa verve et apparemment sous sa propre identité a pu accéder aux conférences, lieux et cérémonies auxquels il a participé sans que sa conduite n'alerte personne», écrit la magistrate chargée du dossier. «C'était un garçon qui maniait les relations publiques comme personne. Il nous avait promis de nous ramener les meilleurs étudiants des meilleurs établissements. Et il l'a fait», a raconté à ce journal l'actuel secrétaire d'Etat au Commerce, Jaime García-Legaz.

Après avoir été arrêté, il a été expertisé par un psychiatre qui l'a déclaré sujet à «une imagination délirante de type mégalomaniaque». 

Carlos Zapata signale cependant que Francisco lui avait demandé en plus 200.000 euros, ainsi que l'exploitation de la terrasse de l'établissement concerné pendant cinq ans, sous peine d'aller au-devant d'ennuis. Trouvant la demande abusive, l'homme d'affaires n'y a pas donné suite. Très vite les ennuis sont en effet arrivés, et le restaurant a fermé. Mais là encore, Carlos Zapata estime qu'il avait été prévenu, donc qu'il n'y a pas, selon lui, tromperie. 

La classe politique prend du recul

«On s'est rencontré 10 ou 15 fois dans des réunions. Il venait de la part de la Maison royale dans le dossier de la plainte de Manos Limpias (syndicat de fonctionnaires espagnols d'extrême droite, NDLR) contre l'infante» Cristina, explique à l'AFP Miguel Bernad, porte-parole de cette organisation qui s'est portée partie civile contre la sœur du roi Felipe VI dans une enquête pour corruption visant son mari, Iñaki Urdangarin. «Il me paraissait totalement crédible, avec ses voitures, ses escortes. Tout cela n'était pas de la frime», ajoute Miguel Bernad. Ce jeune homme était là, selon lui, pour tenter d'obtenir l'abandon de cette plainte. Comment a-t-il réussi à avoir véhicules et escorte ? Comment a-t-il pu se poser en interlocuteur ?

Aujourd'hui, on constate un empressement de la classe politique à se dissocier de Francisco Nicolas, avec lequel elle a pourtant réellement noué des liens et entretenu des relations suivies. Depuis son arrestation en octobre 2014, beaucoup des plus hautes instances espagnoles, comme la mairie de Madrid, le secrétariat d'Etat au Commerce, les dirigeants du Parti Populaire (PP) d'Aznar et de Rajoy, et son émanation pour la jeunesse, et bien d'autres encore se démènent pour dénoncer les mensonges et divagations du jeune homme. A un point tel, que ces démentis peuvent presque paraître aussi suspects que le jeune homme lui-même.








                                                                  

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