Inondations en Espagne : pourquoi le nombre de disparus et le bilan des morts sont-ils encore incertains ?
En Espagne, les opérations de recherche se poursuivent. Six jours après les pluies diluviennes qui ont provoqué des inondations meurtrières dans le sud-est du pays, les autorités craignent, lundi 4 novembre, la découverte de nouvelles victimes. Selon un dernier bilan, au moins 217 personnes sont mortes : 213 dans la seule région de Valence, trois en Castille-La Manche, où le corps sans vie d'une septuagénaire a été découvert dimanche à douze kilomètres du lieu de sa disparition, et une en Andalousie.
Prudentes, les autorités martèlent que le bilan pourrait s'alourdir, sans pour autant donner le nombre de personnes toujours portées disparues. Un chiffre a pourtant circulé tout le week-end, estimant tantôt à 1 900, tantôt à 2 500 le nombre de personnes portées disparues. Alors que le ministre espagnol des Transports, Oscar Puente, a déclaré dimanche que "les zones plus accessibles" avaient été inspectées par les services de secours déployés sur le terrain, les chances de retrouver des personnes vivantes dans les zones les plus reculées s'amenuisent.
Des chiffres basés sur les appels téléphoniques
Tout est parti d'un document transmis vendredi par le quotidien El Diario, siglé du Centre de coordination des secours. Le texte mentionne 2 500 disparus et quelque 600 personnes retrouvées pour la seule journée de jeudi. Or, cette estimation issue des appels au 112 n'est pas fiable, selon le ministre de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska Gomez. Ces appels au numéro d'urgence sont survenus "alors que les communications n'avaient pas été rétablies", a-t-il expliqué. "De plus, les personnes qui retrouvent leurs proches ne le signalent pas systématiquement", a-t-il poursuivi, ajoutant que communiquer sur des approximations pouvait nuire à la confiance des citoyens vis-à-vis des autorités.
Samedi, des sources ont confirmé à El Mundo que les autorités travaillaient à partir d'une liste de 2 500 noms, liste revue à la baisse au fur et à mesure que les informations étaient recoupées. Et pour cause : le rétablissement progressif de l'électricité et des réseaux de communication a permis à des personnes considérées comme disparues de renouer le contact avec leurs proches, sans que les autorités n'en soient informées. Selon des sources gouvernementales citées par El Pais, 85% du service de téléphonie fixe avait été rétabli lundi et 62% du réseau mobile.
Il est possible que des personnes aient été signalées comme disparues par plusieurs personnes, via le 112 ou via le numéro d'appel spécial ouvert par le gouvernement régional, créant ainsi des doublons. Autant de difficultés mises en avant pour expliquer la seule communication sur les personnes retrouvées mortes. Mais là encore, la tâche est lente et difficile.
Des recherches compliquées
Plusieurs jours peuvent se passer entre le moment où un corps est retrouvé et celui où la victime est prise en compte dans le bilan communiqué par les autorités, explique El Pais. Selon le quotidien, "le processus d'identification implique le déplacement d'équipes médico-légales". Des empreintes sont prélevées mais aussi des échantillons biologiques au cas où une analyse ADN serait nécessaire à l'identification. Ces données sont ensuite "croisées avec les données fournies par les proches des personnes disparues", poursuit El Pais, pour expliquer l'impression de stagnation du bilan officiel.
Plus de 53 000 hectares ont été touchés par les inondations, dans la seule région de Valence. Selon l'observatoire européen Copernicus, quelque 190 000 personnes et 3 200 km de routes ont été affectées. Mais lundi matin, les chaînes de télévision ont braqué leurs caméras sur la ville d'Aldaia. Plus précisément sur l'entrée du parking du centre de commercial de Bonaire, installé dans cette commune de 31 000 habitants, dans la banlieue sud de Valence.
Depuis plusieurs jours, les effectifs de l'Unité militaire d'urgence (UME), qui interviennent lors de catastrophes naturelles, procèdent à des opérations de pompage pour accéder au bâtiment, toujours en partie sous les eaux. "Le centre commercial est dévasté dans sa partie supérieure. Et en bas, c'est une terrible inconnue. Nous ne sommes pas sûrs de ce que nous allons trouver", a déclaré le maire d'Aldaia sur la télévision publique TVE.
Selon des sources proches des opérations citées par la chaîne RTVE, les pompiers à l'œuvre utilisent des drones submersibles afin d'explorer les zones submergées. A la mi-journée, la chaîne a déclaré que 50 véhicules avaient été inspectés, sans permettre de retrouver des victimes. Devant un autre parking, un pompier venu de Grenade a déclaré à France 2 qu'il pourrait y avoir "encore entre 12 et 15 personnes mortes à l'intérieur". "Elles ont été vues entrant dans le parking, mais on ne les a pas vues en sortir”, a-t-il expliqué.
Six jours après la tragédie, de nombreuses rues restent obstruées par des piles de voitures, de boue et de déchets. Sur ces images diffusées lundi par la Guardia Civil, on voit un chien renifleur repérer le corps d'une victime dans un océan de boue, dans la ville de Chiva, à 35 km à l'est de Valence.
Le responsable des ressources aériennes d'Alicante s'est confié lundi matin à la RTVE sur les images transmises par les drones utilisés par les équipes de secours. "D'après ce que l'on voit, il y a beaucoup, beaucoup de désolation dans les campagnes, notamment parce que la grande quantité de boue empêche les forces de sécurité d'atteindre les zones à pied", a-t-il expliqué.
Des secteurs encore isolés
Alors que l'on s'éloigne de Valence, le paysage fait place à des communes entourées de champs et à des zones vallonnées, voire escarpées, prisées des touristes pour ses sentiers de randonnées. Comme ici près de Cheste, les services de secours doivent inspecter chacun des véhicules retrouvés, et ce alors que des miliers de carcasses de voitures sont encore inaccessibles.
Cette topographie peut encore ralentir la progression des services de secours, comme sur ces images, tournées près de Letur, dans la province d'Albacete. Ici, le corps de la femme emporté par les flots a été découvert à 12 km du lieu de sa disparition, a déclaré le délégué du gouvernement dans la région de Castille-La Manche lors d'une conférence de presse. Dans la région de Valence, des hélicoptères ont commencé à survoler les plages, cherchant à retrouver les corps de possibles victimes emportées jusqu'à la Méditerrannée.
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