Pourquoi l'Espagne est-elle une monarchie ?
Le dernier scandale en date touchant la famille royale explique en partie cette baisse de popularité. Problèmes de santé de Juan Carlos, affaire de sa partie de chasse en Afrique, confidences d'une supposée maîtresse, corruption de son gendre se sont succédés mettant en cause l'image royale. Mais ce n’est sans doute pas la seule raison. Il y a en effet un doute sur la légitimité de cette monarchie imposée par Franco.
Les Espagnols semblent avoir mal à leur monarchie. Ils seraient 62% à souhaiter désormais que le roi abdique et ils sont moins d’un sur deux (49,9%) à soutenir aujourd'hui ce type de régime. Mais, alors que la famille royale est dans la tourmente, pourquoi l’Espagne est elle une royauté ?
Pendant longtemps, la personnalité du roi Juan Carlos, aujourd'hui âgé de 76 ans, a fait oublier les origines douteuses du retour de la monarchie en Espagne. C’est en effet le dictateur Franco, vainqueur de la République espagnole lors de la guerre civile (1936-1939), qui a imposé le retour de la royauté. C’est en 1969 que Franco a désigné Juan Carlos de Bourbon pour lui succéder. Avec le titre de roi d’Espagne.
Franco est mort officiellement le 20 novembre 1975. Juan Carlos a été proclamé roi deux jours après la mort du dictateur. L’Espagne, République depuis 1931, est alors redevenue une monarchie.
La République instaurée en 1931
La royauté espagnole a été renversée à la suite des élections de 1931. Ces élections municipales avaient été remportées par une coalition disparate rassemblant syndicalistes, socialistes, et antimonarchistes de tout bord. C’est en août 1930, que ce «Front populaire» s’était constitué sur la base d’un programme commun, dit pacte de San Sebastian, comme alternative à la monarchie et à la dictature de Primo de Rivera, entre 1923 et 1930.
Ces élections s'étaient déroulées sur fond de violences et de révoltes dans les campagnes. Le roi, Alfonse XIII avait alors préféré quitter le pays. La République avait été proclamée le 14 avril 1931.
La période n'était pas à la stabilité. Confrontée à une succession de crises politiques, l'Espagne devait aussi affronter les conséquences de la crise économique et ses tensions sociales. L’instabilité politique puis le coup d’Etat de Franco, suivi d’une guerre civile de trois ans (36-39), mettent alors un terme à la république démocratique.
Renversé par la République, Alfonso XIII, en exil, devient un soutien affiché de Franco pendant la guerre d'Espagne. Mais, malgré ce soutien, Franco ne souhaite pas rétablir la monarchie et préfère garder le pouvoir pour lui.
Alfonso désigne comme successeur son troisième fils, Juan, en faveur duquel il «abdique» le 15 janvier 1941. C’est ce fils, Juan Carlos, qui montera sur le trône en 1975.
L’accession de Juan Carlos
Devenu roi, Juan Carlos fait un quasi sans faute en ménageant les anciennes structures du gouvernement Franco tout en s’ouvrant à l’opposition démocratique. En 1976, il nomme Adolfo Suarez qui multiplie les réformes démocratiques (légalisation des partis, amnistie d’une partie des prisonniers politiques…).
Une tentative de putsch surprend les députés le 23 février 1981, au moment du débat de l'investiture du nouveau président du gouvernement, Leopoldo Calvo-Sotelo. En investissant le Parlement aux cris de «tout le monde par terre !» et en tirant des coups de feu, quelque 200 gardes civils du lieutenant-colonel Antonio Tejero font craindre l'arrêt du processus démocratique.
Cet événement majeur a pour conséquence de consolider la monarchie et d’éloigner les militaires. C'est à ce moment que de nombreux républicains se rallient à Juan Carlos. On les appelle les «juancarlistes», selon l'expression de Jorge Semprún.
Consensus royaliste ?
Aujourd'hui, la royauté s'est imposée. Malgré les sondages, peu de forces politiques proposent un changement de régime. «Sur les 12.617 motions déposées à la Conférence politique du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), 53 seulement réclament l’abolition de la monarchie», notait le site Causeur.
Côté conservateur, le Parti populaire reste fidèle au «au roi de tous les Espagnols». Il faut aller vers la gauche de la gauche pour trouver des revendications républicaines.
Dans une Espagne, où les revendications autonomistes (voire indépendantistes) se multiplient, la royauté peut encore paraître comme un atout. Mais cela peut-il durer ?
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