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20 ans après, la Révolution roumaine garde ses secrets

Le 22 décembre 1989, le dictateur roumain Nicolae Ceausescu et sa femme s'échappent du palais présidentiel en hélicoptère. Rattrapés par des manifestants, ils sont exécutés le jour de Noël, après un semblant de procès. Mais vingt ans après, il est toujours difficile de lire entre les lignes de cette révolution, la première de l'Histoire à avoir été suivie en direct par la télévision.
Article rédigé par franceinfo
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Pour parler de la "révolution roumaine", mieux vaut utiliser les guillemets. Si la chute du dictateur Ceaucescu est un fait avéré, les circonstances dans lesquelles celle-ci a lieu lieu sont toujours troubles.

  • Première zone d'ombre, la fuite de Nicolae Ceausescu. Le dictateur communiste est au pouvoir depuis 1965, mais il fait face depuis plusieurs mois à une montée des contestations. Le 22 décembre, il s'adresse à la foule (plusieurs centaines de milliers de personnes), pensant remettre en ordre le pays. Conspué, il choisit la fuite: il quitte son gigantesque palais présidentiel en hélicoptère avec sa femme.

    Que s'est-t-il passé exactement par la suite? Difficile de savoir. Certains avancent qu'il aurait menacé le pilote avec un pistolet, et que celui-ci aurait feint une panne pour se poser peu après en pleine campagne. De là, les époux Ceausescu auraient trouvé refuge dans une grange avant de s'enfuir à bord d'une voiture, puis d'être rattrapés par des villageois. Une autre version, plus sobre, indique que les fugitifs auraient été arrêtés par l'armée.

  • Le procès de Ceausescu et de sa femme, qui s'est déroulé à Targoviste à 50 km au Sud de Bucarest, était une mascarade. Il a duré moins d'une heure et a abouti à l'exécution quasi immédiate du couple. Le soir même, le journal d'Antenne 2 publiait les images filmées par la télévision roumaine. Mais des doutes persistent: les condamnés à mort ont-ils été torturés avant d'être exécutés?

  • Autre zone d'ombre: l'emplacement des corps des Ceausescu. Leur tombe, qui ne porte aucune inscription, se trouve dans un cimetière de Bucarest, celui de Ghencea. Les époux auraient été enterrés le 25 au soir, en pleine nuit, juste après avoir été fusillés. Certains pensent que leurs corps ne s'y trouvent pas, mais leur tombe n'a jamais été ouverte pour le vérifier.

    Des "terroristes" mystérieux qui tirent sur la foule

    La plus grande question concerne la nature de l'insurrection. S'agissait-il d'une révolution populaire, d'un coup d'Etat interne ou d'un renversement du régime avec l'aide des services secrets étrangers?

  • Après la mort des Ceausescu, des manifestants continuent de mourir. On pense alors qu'il existe des "terroristes", des hommes dont on ne sait pas de quel côté ils se situent et qui tirent sur les cortèges insurrectionnels. Militaires? Miliciens? Agents de la "Securitate", les services secrets? Viorel Oancea, le premier officier à s'être adressé aux manifestants anti-communistes de Timisoara, s'interroge: " Nous ne savons pas qui a tiré avant la fuite de Ceausescu, et surtout après ". Mais pour lui, pas de doute, « c'était bien une révolution, car cela a abouti à un changement de régime ».

Selon le procureur Dan Voinea toutefois, qui avait rédigé l'acte d'accusation contre les Ceausescu et avait par la suite été chargé du dossier du soulèvement, ces meurtriers étaient "tous des militaires". Selon lui, les légendes tissées autour de ces "terroristes" n'étaient qu'une "diversion" émanant de l'armée. Le but? "Défendre l'administration communiste".

  • Quel rôle ont joué les étrangers lors de ces événements? Un ancien opposant à Ceausescu, Radu Filipescu, est formel: « Il y avait une implication des services secrets étrangers». Une information impossible à vérifier, mais là aussi, peu importe, sa conclusion est la même: " On ne peut pas parler de 'simulacre' de révolution puisqu'il y a eu des morts ".

  • Cependant, dans son ouvrage "La mort des Ceausescu, La vérité sur un coup d'Etat communiste", Catherine Durandin, historienne à l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), soutient la thèse inverse. Selon elle, le rôle joué par les dignitaires du Parti communiste, téléguidés depuis Moscou, enlève toute spontanéité au mouvement populaire et donc la possibilité de parler d'une "révolution" en tant que telle.

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