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3 août 1914: l'Allemagne déclare la guerre à la France

Le 3 août 1914, exactement 36 jours après l’assassinat par un Serbe, Gavrilo Princip, de l’archiduc autrichien François-Ferdinand, héritier du trône de l’empire austro-hongrois, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Et ce deux jours après l’avoir déclarée à la Russie. En un peu plus d’un mois, le système des alliances va entraîner l’Europe dans l’abîme.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La une du «Petit Parisien» le 3 août 1914, jour où l'Allemagne déclare la guerre à la France. Même si le journal affirme le contraire ! Par ailleurs, il va un peu vite en besogne quand il affirme que le Reich «a envahi notre territoire»: les combats n'ont apparemment pas encore commencé entre Français et Allemands. Même si ces derniers s'apprêtent à entrer en Belgique, officiellement neutre. Ce qui va précipiter l'entrée de la Grande-Bretagne dans le conflit. (AFP - Photo12)

La Première guerre mondiale n’a pas commencé sur un coup de tête des gouvernements, des militaires et des diplomates. On en a eu un «avant-goût» en 1905 lors du conflit russo-japonais qui voit s’affronter des centaines de milliers d’hommes. Et les guerres balkaniques de 1912 et 1913 sont souvent considérées comme une «répétition générale» de l’incendie qui va embraser l’Europe, et au-delà. Elles ramènent la violence sur le Vieux continent, 44 ans après l’affrontement de 1870 entre la France et l’Allemagne.
 
Depuis cet affrontement, d’ailleurs, les deux pays, qui se considèrent mutuellement comme des «ennemis héréditaires», n’ont jamais vraiment cessé de se quereller. Depuis des décennies, leurs armées s’observent et s’espionnent. «Aucun fossé ne sépare en 1914 les armées allemande et française. Au contraire, elles sont tellement proches l’une de l’autre, et elles font tout pour l’être d’ailleurs», écrit le journaliste Jean-Claude Delhez dans son livre Douze mythes de l’année 1914 (éditions Economica). En s’espionnant mutuellement, par exemple.
 
En fait, chacun des grands pays européens se prépare à la guerre sans forcément le dire. Petit exemple anecdotique : en France, dans certains cas, les écoliers apprennent l’allemand pour le jour où…
 
Les alliances sont constituées. D’un côté, la Triple entente regroupe la France, la Russie et le Royaume-Uni. De l’autre, la Triple alliance : l’Allemagne, l’Empire austro-hongrois et l’Italie. Une étincelle peut suffire à embraser l’Europe…
 

L'arrestation à Sarajevo, le 28 juin 2014, de Gavrilo Princip. Ce dernier vient d'assassiner l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d'Autriche-Hongrie.  (AFP - The Picture Desk - The Art Archive)

«La plus grande catastrophe de l’histoire»
L’étincelle met le feu aux poudres le 28 juin 1914 à Sarajevo, dans un territoire, la Bosnie, récemment annexé par l’Autriche. L’assassinat, perpétré par Princip, est le fait d’un obscur groupe de fanatiques serbes. S’ensuit alors, pendant un peu plus d’un mois, «un fatal enchaînement de circonstances et d’erreurs de jugement», explique un remarquable dossier de Laurent Joffrin dans Le Nouvel Observateur du 19 décembre 2013.
 
L’enchaînement est complexe à résumer. Grosso modo, en juillet 1914, dans le mois qui précède le début des combats, l’Autriche, qui a reçu le franc soutien de l’Allemagne, envoie un ultimatum à la Serbie que soutient la Russie, étroite alliée de la France…
 
Quand l’empereur allemand Guillaume II prend connaissance de la réponse serbe à cet ultimatum (à Belgrade, on est prêt à des concessions), il commente dans son journal : «C’est un brillant résultat, un grand succès pour Vienne, il fait disparaître toute raison de guerre» (cité par Laurent Joffrin). La preuve d’une certaine inconscience alors que la machine infernale est totalement enclenchée. Inconscience de ceux que l’universitaire australien Christopher Clark, professeur d’histoire contemporaine à Cambridge, appelle «les somnambules» dans son ouvrage précisément intitulé Les Somnambules. Eté 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre (Flammarion).

«L’engrenage», pour reprendre l’expression de Joffrin, est en place. Et le 27 juillet 1914, le vieil empereur François-Joseph, celui de la Monarchie impériale et royale austro-hongroise, «pressé par ses généraux, assiégé par ses ministres, a cédé au parti belliciste. (…) Il signe le lendemain la déclaration de guerre à la Serbie.» Laquelle déclaration va conduire, en quelques jours, à la déflagration générale… Une déflagration que l’écrivain français Romain Rolland, dans son manifeste pacifiste Au-dessus de la mêlée, appelait «la plus grande catastrophe de l’histoire, depuis des siècles» 
 
Les blessés de guerre, dessin de l'artiste allemand Otto Dix (1892-1969) (AFP - The Picture Desk - Gianni Dagli Orti)

Débats de 1914 à 2014
Cent ans après, on continue à discuter sans fin sur les raisons qui ont mené à cette guerre. Le fondateur de l’URSS, Vladimir Illitch Lénine, expliquait ainsi dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916) que le conflit «a été, des deux côtés, une guerre impérialiste, une guerre pour le partage du monde, la distribution et la redistribution des colonies et des zones du capital financier».
 
De nos jours, l’ancien ministre (de Mitterrand et de Jospin), l’ex-socialiste Jean-Pierre Chevènement, dans un livre intitulé 1914-2014, l’Europe sortie de l’Histoire ? (Fayard) pense que les causes profondes du premier conflit mondial sont «à chercher dans les contradictions de la première mondialisation». En clair, celle qui a eu lieu dans la seconde moitié du XIXe sous l’égide de la Grande-Bretagne et qui a débouché sur une rivalité, notamment économique, entre Albion et une Allemagne nouvellement formée (l’unité allemande ne date que de 1871).
 
Une situation qui n’est pas sans rappeller celle prévalant de nos jours entre Chine, Japon et Corée du Sud, analyse le chercheur Alain Delissen, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), interviewé par Géopolis. Chine, Japon et Corée : trois pays qui «ont un projet national, mais aussi de puissance : ils aspirent à devenir des leaders puissants sur la scène mondiale».
 
«A tout le moins, la crise de 1914 constitue (comme l'a été pour le président Kennedy celle des missiles à Cuba en 1962) une mise en garde toujours actuelle contre le fait que la politique internationale peut à tout moment gravement déraper et que cela peut se produire très vite, avec des conséquences terribles», conclut dans Le Monde Christopher Clark. A bon entendeur… 

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