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Allemagne : après guerre, un système judiciaire gangréné par les anciens nazis
Pendant des décennies, la justice de la RFA (République fédérale allemande, Allemagne de l'Ouest) a employé un nombre record d’ex-nazis. C’est ce qui ressort d’un rapport du gouvernement rendu public le 10 octobre 2016.
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En 1957, 77% des hauts fonctionnaires du ministère étaient d’anciens membres de la NSDAP, le parti nazi, rapporte le Dossier Rosenburg (du nom du bâtiment qui a abrité le ministère de la Justice à Bonn, alors la capitale de la RFA, de 1950 à 1991). Soit beaucoup plus ce que pensaient les chercheurs. «Nous ne nous attendions pas à ce que le chiffre soit aussi élevé», explique, dans une interview à la Süddeutsche Zeitung, le juriste Christoph Safferling, l’un des auteurs de l’enquête. La proportion est beaucoup plus importante qu’aux ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur où des travaux similaires ont déjà été menés.
Pourtant, ces éléments étaient connus. Notamment de la part des frères ennemis de l’Allemagne de l’Est communiste. Lesquels, en 1963, avaient édité une brochure de propagande dans laquelle on lit notamment : «Les experts de la terreur judiciaire fasciste (comprenez : nazie) sont ceux-là même qui ont conçu la ‘‘réforme pénale’’ en Allemagne de l’Ouest. La bureaucratie judiciaire de Bonn est un repère de vrais nazis et de criminels de guerre»…
«Nous avons empêché le pire»
Les personnes concernées ont-elles au moins eu des remords? «On ne trouve nulle part des mots de regrets, seulement des justifications», répond Christoph Safferling. Avec des propos du genre: «Nous avons appliqué les règles de droit en vigueur. En restant à notre poste, nous avons empêché le pire.»
Au bout du compte, pourquoi les instances judiciaires ont-elles conservé à leurs postes les anciens nazis? Après guerre, la nécessité de reconstruire un pays en ruines pour faire face au bloc communiste a rapidement pris le dessus. Ce qui passa par le recours à des fonctionnaires déjà formés, quitte à ce qu'ils aient travaillé au sein de l'appareil d'Etat hitlérien. «On n’aurait sans doute pas pu se passer» d’eux, pense Christoph Safferling. Pour autant, «on n’a pas cherché activement de nouvelles compétences. On aurait pu, sans aucun doute, les trouver chez certains émigrés partis en exil (…). On aurait également pu recruter de jeunes juristes diplômés après la chute de la dictature».
Résultat : les anciens nazis restés à leurs postes ont cherché à protéger leurs anciens camarades. On comprend alors d’autant mieux le peu de zèle, dans les années 50 et 60, des autorités judiciaires ouest-allemandes pour rechercher et faire condamner les criminels de guerre… Une attitude qu’illustrent parfaitement les films Le Labyrinthe du silence ou Fritz Bauer, un héros allemand sur l’homme qui fit arrêter Eichmann, l’inspirateur de la «solution finale». Lequel fut jugé en Israël. Et c’est seulement dans les années 60 qu’a eu lieu, en Allemagne de l’Ouest, le premier procès des crimes nazis.
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