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La bataille de la Somme, le 1er juillet 1916: le Verdun des Britanniques
Plus de 3 millions d’hommes se sont affrontés entre juillet et novembre 1916 lors de la bataille de la Somme, la plus meurtrière de la Première guerre mondiale : près de 1,2 million de soldats ont été tués, portés disparus ou blessés. Dans la mémoire collective britannique, l’offensive est restée un traumatisme, comparable à celui de Verdun pour les Français. Récit.
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1er juillet 1916, 7h30. Le temps est au beau. Des coups de sifflet ordonnent à 120.000 soldats britanniques et du Commonwealth, des volontaires essentiellement, de sortir de leurs tranchées pour avancer en direction des lignes allemandes. L’offensive, majeure, a été décidée fin 1915 par les commandants en chef français Joseph Joffre et britannique Sir Douglas Haig pour user l’ennemi et tenter de rompre le front, paralysé depuis deux ans. Mais Verdun a modifié les choses. Les Français n’ont désormais plus qu’un seul objectif : réduire la pression sur la cité meusienne.
Dans la Somme, l’attaque a été précédée pendant une semaine par une intense préparation d’artillerie : plus de 1,5 million d’obus sont tombés sur les positions ennemies. Disposés tous les 18 mètres environ, les canons doivent ravager les tranchées et les abris souterrains des Allemands, retranchés depuis deux ans. Du jamais vu jusque là.
Quelques minutes avant l’assaut, les Britanniques font exploser une vingtaine de mines creusées sous les lignes allemandes. A La Boisselle, 27 tonnes d’explosifs ont créé un cratère de 100 m de diamètre et 30 m de profondeur !
Comme à la parade
Les alliés sont persuadés de l’efficacité de leurs bombardements. A tel point que «le général en chef britannique, Sir Henry Rawlinson, soucieux d'épargner à ses hommes une fatigue inutile, leur recommande de monter à l'attaque en ordre de parade et non pas en courant!», raconte le site spécialisé herodote.net. Les Ecossais sont en kilt. Comme à la parade.
De leur côté, les Allemands sont stupéfaits. Ils voyaient leurs ennemis avancer «vers nous d’un pas lent et régulier, comme s’ils s’attendaient à nous trouver tous morts au fond des tranchées», a raconté un soldat du Kaiser, cité dans le livre Le premier jour de la bataille de la Somme (Arte Editions) et par le site France 3 Nord Pas-de-Calais.
Il faut dire qu’un tiers des obus lancés depuis une semaine n’a pas éclaté. Et le commandement allié s’est totalement trompé dans ses prévisions. Il a ainsi gravement sous-évalué les défenses allemandes, «un système sophistiqué de tranchées, de blockhaus bétonnés sur des positions très avantageuses», rapporte France 3. Dans le même temps, les abris sont enterrés à 12 mètres de profondeur…
Les militaires du Commonwealth ne peuvent franchir des barbelés qui, en théorie, auraient dû être détruits. Les soldats allemands n’ont alors plus qu’à tirer. Dès la première heure de l’offensive, les pertes, côté britannique, sont considérables : certaines estimations vont parler de 50 morts par seconde ! A Beaumont-Hamel, un bataillon de Canadiens de Terre-Neuve est anéanti en une demi-heure : sur ses 790 hommes, 68 répondent à l’appel le 2 juillet… Les pertes sont d’autant plus importantes que contrairement aux Allemands, les hommes, volontaires pour la plupart, ont peu d’expérience du combat.
Résultat : à la fin de la journée, les forces britanniques comptent 57.470 pertes, dont 19.240 morts. C’est le jour le plus sanglant de l’histoire de l’armée britannique, comme le 22 août 1914 pour les militaires français (27.000 militaires tués).
Conséquence : «Le général Rawlinson songe à un repli mais il en est empêché par son supérieur», le général Haig, raconte herodote.net.
Résultats dérisoires
De leur côté, les Français ont attaqué au sud de la Somme. Leurs effectifs constituent «un tiers des forces (alliées) contre deux tiers aux Britanniques», constate le site de la BBC. Mais plus expérimentés notamment à cause de Verdun, ils ont atteint, pendant les dix premiers jours (de la bataille), «la plupart de leurs objectifs, avançant de plusieurs kilomètres en certains points et faisant 12.000 prisonniers allemands».
Au bout du compte, les résultats de l’offensive sur la Somme sont dérisoires : entre 10 et 15 kilomètres… Les assauts vont se succéder. Mais les alliés avancent très peu. Malgré l’utilisation en septembre d’une nouvelle arme, le char d’assaut. Qui ne produira pas d’effet notable. En octobre, l’offensive se poursuit «parce que ses résultats sont trop minces pour que les responsables puissent la justifier devant l’opinion et le pouvoir» politique, estime l’historien Pierre Miquel, cité par l’AFP. Seules la boue et la pluie auront raison de l’ardeur des assaillants, épuisés. Et la bataille s’arrêtera en novembre.
Les pertes globales sont immenses : 500.000 Britanniques ou citoyens du Commonwealth morts, disparus, blessés ; autant côté allemand ; entre 150.000 et 200.000 Français.
Une «diète» médiatique et mémorielle côté français…
Dans la mémoire collective britannique, mais aussi canadienne, australienne, néo-zélandaise, ou encore sud-africaine, l’offensive sur la Somme, et le 1er juillet 1916 en particulier, sont restés un véritable traumatisme national. Alors que côté français, la place de la Somme est occupée par Verdun. «En ce jour le plus meurtrier de toute la Grande guerre (…), la fine fleur de la jeunesse britannique, issue des milieux aristocratiques autant que populaires, a perdu la vie», commente herodote.net.
Il n’y avait qu’à écouter la chaîne publique BBC World, le 1er juillet 2016, pour comprendre que ce traumatisme est encore bien vivant, 100 ans plus tard: la plupart des programmes étaient consacrés à la bataille de 1916, et à la célébration du centenaire. Et les cérémonies étaient retransmises en direct par la BBC, seule télévision à le faire.
Une «bouderie» médiatique et mémorielle qui n’est pas du goût des Britanniques. «La Somme : la bataille que les Français ont oublié», titre ainsi le site de la BBC. Lequel rappelle que François Hollande est «le premier chef d’Etat français à participer aux commémorations (…) en plus de 80 ans». Et encore, le locataire de l’Elysée ne devait initialement pas s’y rendre…
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