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Ouverture d'une gigantesque mine de lignite en Allemagne

En Allemagne, la fin du nucléaire et les besoins en énergie ne riment pas forcément avec l’idée d’environnement et de développement des énergies renouvelables. En témoigne ce reportage de l’AFP qui raconte comment le producteur d’électricité RWE agrandit une gigantesque mine de lignite dans la Ruhr, obligeant les habitants à déménager.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Production de lignite dans la mine à ciel ouvert de Garzweiler, à l'ouest de Cologne, en Allemagne. (PATRIK STOLLARZ / AFP)

Le cimetière est à moitié vide, tous les magasins abandonnés, la rue principale, déserte, bordée de maisons aux volets clos: le village-fantôme allemand d'Immerath doit faire place aux excavatrices de lignite.
              
Dans cette zone rurale coincée entre la conurbation de la Ruhr et les  Pays-Bas, Immerath et les communes alentours vont être rayées de la carte pour  permettre au géant de l'énergie RWE d'agrandir l'immense mine à ciel ouvert de Garzweiler.
              
Produire au charbon est redevenu très lucratif en ces temps de marché atone  des certificats de CO2. Le lignite extrait à Garzweiler alimente directement les centrales de RWE, qui crachent leur fumée blanche en bordure de la mine.
              
Le site de Garzweiler I, exploité depuis 1983, a fait son temps. Il est comblé au fur et à mesure qu'est creusé Garzweiler II, la nouvelle mine contiguë d'une surface de 48 kilomètres carrés, autant que la ville de Lyon.
              
Quelque 7600 habitants et tout leur environnement doivent être déplacés. Les 900 habitants d'Immerath, dont environ 100 seulement sont encore là, s'installent à à Immerath-Neu (Nouveau Immerath), un village sorti de terre dans la même commune d'Erkelenz. Ils y retrouveront leurs morts, l'école et le jardin d'enfants, mais pas l'église, qui sera déconsacrée après un dernier office en octobre, et rasée comme le reste.
             
«Cela me brise le cœur», dit Hans-Willi Peters, qui habite lui aussi un village des environs et devra décider sous peu s'il se laisse transplanter  comme ses voisins - ou s'il commence une nouvelle vie ailleurs. «Ma femme et moi, nous changeons d'avis tous les jours», raconte ce pré-retraité, qui siège dans un des «comités citoyens» chargés d'accompagner le processus.
 

Des panneaux «entrée interdite» sur une maison abandonnée à Immigrath, dans l'ouest de l'Allemagne. (PATRIK STOLLARZ / AFP)
                    
Le charbon a la cote    
RWE finance toute l'opération, sans vouloir en révéler le coût. Une chose est sûre: alors que le prix des droits de polluer s'est effondré sur le marché  européen, et que l'Allemagne renonce à ses centrales nucléaires, le lignite extrait à Garzweiler a de beaux jours devant lui.
              
Effet secondaire de la «transition énergétique» allemande, le charbon polluant représente 40% de la production électrique du pays, contre 25% en  moyenne en Europe. Le permis accordé à RWE prévoit l'extraction de 1,3 milliard de tonnes de lignite d'ici 2045 sur le site.
              
Même ici, où le paysage est défiguré et où le bruit et la poussière rejetée par la mine sont le lot quotidien, «les gens ont compris que sans le charbon,  nous aurions un problème» pour produire l'électricité dont a besoin l'Allemagne, affirme Hans-Heiner Gotzen, premier adjoint à la mairie d'Erkelenz.
 
             
Depuis début juin la Cour constitutionnelle allemande, plus haute juridiction du pays, se penche sur la légalité des déplacements de population à Garzweiler, suite à la plainte d'un résident d'Immerath et d'une association écologiste.
             
Selon eux, l'exploitation du charbon n'est pas une nécessité impérieuse dans l'intérêt général, seul motif qui justifierait l'évacuation des villages. Ils veulent faire valoir que l'exploitation de charbon en Allemagne n'est pas indispensable pour assurer l'approvisionnement énergétique du pays, une conclusion à laquelle est également arrivée un rapport récent de l'institut de recherche économique DIW.
              
Mais les juges sont peu susceptibles de prendre position sur cette épineuse question, dans leur décision attendue à l'automne. «Le tribunal va insister sur le respect des intérêts privés» mais pas revenir sur le permis accordé à RWE, prédit M. Gotzen.
              
Force est de reconnaître que l’entreprise «fait les choses bien, de manière professionnelle et structurée», avec une forte implication des intéressés, reconnaît Jürgen Schobel, chargé des déplacements de villages pour le compte de la mairie.
              
Il a accueilli il y a quelques temps un groupe de Chinois, venus voir la  façon dont les Allemands géraient ces évacuation de villages, chose courante en Chine et à nettement plus grande échelle. «Ils ouvraient de grands yeux» tant RWE prend soin des villageois, se souvient M. Schobel.
(Reportage de Mathilde Richter)

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