Reportage "On sent bien qu'il y a une pression de l'extrême droite" : à Kehl, les frontaliers partagés sur le retour des contrôles aux frontières allemandes

Les contrôles ont débuté lundi et doivent durer six mois. Berlin souhaite ainsi lutter contre l'immigration illégale. Les riverains, voyageurs et autres travailleurs frontaliers sont divisés sur ce rétablissement des contrôles à l'ensemble des frontières allemandes.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des policiers allemands effectuent des contrôles aux abords d'un Flixbus à Kehl (Allemagne), près de la frontière avec la France, le 16 septembre 2024. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Depuis lundi 16 septembre, l'Allemagne a rétabli des contrôles à l'ensemble de ses frontières. Le dispositif, qui doit durer au moins six mois, doit permettre de lutter contre l'immigration illégale. Comme annoncé, les contrôles ont débuté dès 7h, notamment à Kehl, en Allemagne, sur le pont de l'Europe qui enjambe le Rhin et marque la frontière avec la France.

Tôt dans la journée, c'est un Flixbus qui assure la liaison Strasbourg-Budapest qui a été contrôlé. Comme la quinzaine de personnes à bord, Yolande présente son passeport à la police. "Je trouve cela très important, estime-t-elle. Actuellement, on entend que de l'insécurité, il faut quelque chose comme ça parce que les bandits sont partout. C'est pour notre sécurité aussi."

Gilet jaune fluo marqué "Polizei" sur le dos, des agents patrouillent aussi sur les quais de la gare de Kehl et à l'arrêt de tram qui arrive de Strasbourg. 50 000 Français, Alsaciens et Mosellans travaillent chaque jour en Allemagne, et tous n'apprécient pas le retour des contrôles.

"On est habitués à circuler librement depuis assez longtemps et c'est plutôt positif. Dans l'esprit européen, ce n'est pas une bonne nouvelle."

Eugénie, une riveraine à Kehl

à franceinfo

"Remettre une frontière entre deux pays qui font tout pour se rapprocher, avec un tram, avec des lignes de bus, c'est choquant", estime cet habitant. "Cela fait suite aux derniers résultats des élections en Allemagne, on sent bien qu'il y a une pression de l'extrême droite qui réclame des mesures. Et on a l'impression qu'ils sont en train de céder parce que l'opinion est là et guette", raconte un autre.

Des contrôles "intelligents et ciblés"

À la frontière, la circulation reste fluide depuis lundi matin. Dieter Hutt, le porte-parole de la police de Kehl, promet des contrôles "intelligents et ciblés". "Nous savons par où passe l'immigration illégale. Le plus souvent, ce sont sur les trajets longue distance, dans les bus, dans les trains et dans le tramway. C'est donc là que nous concentrons les contrôles. Le trafic des frontaliers doit s'effectuer normalement, tout comme le transport international de marchandises."

En octobre dernier, Berlin avait déjà rétabli des contrôles avec la Pologne, la République tchèque, l'Autriche et la Suisse. Depuis lundi matin, ce sont désormais les 3 700 km de frontière que l'Allemagne partage avec neuf pays qui sont sous surveillance. L'objectif affiché des autorités allemandes est de mettre un coup d'arrêt à l'immigration illégale. C'est un revirement par rapport à la culture d'accueil de l'Allemagne, d'Angela Merkel, pendant la crise des réfugiés de 2015-2016.

Les structures d'accueil débordées

La situation n'est plus maîtrisable, selon la ministre de l'Intérieur, l'Allemagne n'a plus les moyens d'accueillir de réfugiés. Les hébergements, les écoles, les structures de soin sont saturées. Sur les sept premiers mois de l'année, l'Allemagne a enregistré 50 000 entrées illégales. Et puis, il y a eu plusieurs attaques parfois meurtrières, ces dernières semaines, à Solingen, à Munich, commises par des personnes radicalisées. L'extrême droite profite de ce contexte délicat, avec un débat relancé sur l'immigration, pour obtenir des résultats records comme lors des deux élections régionales, en Saxe et Thuringe.

Pour la coalition d'Olaf Scholz, il s'agit donc de tenter de reprendre la main face à l'extrême droite et à une opinion publique parfois très inquiète.

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