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Reportage Près de 80 ans après la fin de la guerre, l'Allemagne rend hommage à des victimes oubliées du régime nazi à Sachsenhausen

En Allemagne, le travail de mémoire progresse et le pays rend désormais hommage à des victimes oubliées de la répression nazie et en particulier ceux qu'ils appelaient les asociaux. Ils ont été 11 000 à être déportés au camp de concentration de Sachsenhausen.
Article rédigé par franceinfo - David Philippot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
L'entrée de l'ancien camp de concentration nazie de Sachsenhausen, en Allemagne, devenu un mémorial en hommage aux victimes. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

Ce n'est qu'en 2020 que le Bundestag a reconnu la persécution de ces "réfractaires au travail", comme les nazis les catégorisaient, après les juifs, les opposants politiques, les homosexuels, les Sinti et Roma. À Sachsenhausen, l'ancien camp de concentration où ils ont été déportés, est devenu un mémorial. Face à l’ancienne place d’honneur de la Kommandantur SS, sont disposées dans un parc une cinquantaine de stèles en hommage aux déportés. À quelques mètres de la grille d’entrée du camp sur laquelle est inscrite la devise nazie "Le travail rend libre", il y a une tige en acier de deux mètres plantée au milieu des pins.

Un monument très modeste, comme le décrit Astrid Ley, directrice adjointe du mémorial. "Il y a un triangle noir dessus. C’était le signe distinctif qui était cousu sur les uniformes rayés des asociaux. C’est-à-dire des prostituées, des musiciens de rue, les chômeurs ou ceux dont le mode de vie ne convenait simplement pas aux nazis."

Les victimes n'osaient pas parler 

C’est à partir de 1938, une fois les opposants politiques éliminés, que s’intensifie cette guerre contre les pauvres, auxquels la société, presque 80 ans après la fin de la guerre, est désormais prête à rendre hommage selon Astrid Ley. “Pendant des décennies, les victimes n’ont pas pu en parler. On leur disait 'tu n’avais qu’à travailler, c’est de ta faute'. La douleur s’est prolongée après 1945 et quand nous avons inauguré ce monument c’était très émouvant avec leurs familles.”

Au premier rang de la cérémonie se trouvait Mascha Krink, cofondatrice de l’association des groupes de victimes oubliées.

"Je n’ai jamais eu de grands-parents. Il n’y avait rien. Mon père a grandi à l’orphelinat et il a toujours été un homme brisé"

Mascha Krink, cofondatrice de l’association des groupes de victimes oubliées

à franceinfo

Pendant 20 ans, elle a fait des recherches sur son histoire familiale dont elle a fait un podcast. "Mon grand-père était charpentier mais sans emploi après la crise des années 30 et sa famille a vécu de la charité. Il a commencé à boire et il a fini en prison parce qu’il mendiait. Mais de toute façon, il n’y avait pas de bon motif pour être envoyé dans un camp de concentration."

Aujourd’hui encore, "asocial" reste une insulte très répandue dans la société allemande, en particulier dans les milieux d’extrême-droite. Selon un rapport de l’association antiraciste Antonio Amadeu, sur les quelque 200 personnes tuées par des néonazis allemands depuis la réunification, 29 étaient des sans-abris.

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