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Attentats de Paris: la Belgique base avancée de Daech en Europe

La porosité des frontières et les accords de Schengen facilitent les déplacements de Belgique vers la France. Mais la présence de cellules terroristes dans le pays n’est pas uniquement liée à ces facilités de déplacement. Attachée à la liberté de culte, et glissant de plus en plus dans le communautarisme, la Belgique est le territoire rêvé pour les terroristes.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La commune de Molenbeek en Belgique, d'où sont originaires certains terroristes belges. L'un d'eux, Ibrahim Abdeslam tenait le café «Les Beguines». (AFP/Emmanuel Dunant)
(Article publié le 17 novembre 2015)

La cellule terroriste de Verviers
Le 15 janvier 2015, la police fédérale fait irruption dans une habitation de la rue de la Colline à Verviers (ville de Wallonie proche de liège) en vue d'y démanteler une cellule terroriste. Composée de combattants revenus de Syrie, la cellule était soupçonnée de préparer des attentats contre des services de police belges. Deux suspects, qui ouvrent le feu sur les agents, perdent la vie lors de l'assaut. 

L’attentat du musée juif de Bruxelles
Le 24 mai 2014, un individu tire à l’extérieur puis à l’intérieur du musée juif de Bruxelles. Quatre personnes dont un couple de touristes israéliens trouvent la mort. Le tueur présumé est arrêté un peu par hasard lors d’un contrôle de routine à Marseille. Mehdi Nemmouche est un franco-algérien né en 1985 à Roubaix. Radicalisé en prison, il est suspecté d’avoir séjourné un an en Syrie au sein de Daech.
Il était revenu depuis au moins deux mois en Belgique, louant une chambre dans la commune de Molenbeek, à Bruxelles.
 
L’attentat manqué contre le Thalys
Ayoub al-Khazzani aurait pu commettre un carnage ce 21 août 2015 dans un Thalys entre Amsterdam et Paris. Mais son arme s’enraye et le sang froid de voyageurs fait le reste. Le Marocain de 25 ans est maîtrisé.
L’homme a beaucoup voyagé. Installé en Espagne avec ses parents, il passe en France en 2014. Puis on le repère en Syrie, en Allemagne et… en Belgique. Lui aussi a séjourné à Molenbeek, chez sa sœur puis chez un ami. Du reste, les enquêteurs pensent que c’est là qu’on lui a remis les armes. Al-Khazzani de son côté ne cesse de répéter qu’il a trouvé les armes dans un parc de Bruxelles et qu’il espérait pouvoir faire un braquage.

L’arsenal des frères Kouachi
Les deux frères attaquent le journal Charlie-Hebdo le 7 janvier 2015 en possession de plusieurs armes dont le Figaro énumère la composition. Deux fusils d’assaut, un pistolet, des grenades, des gilets et même un… lance-roquettes. Coulibaly de son côté est aussi suréquipé.
Or, ces armes ont été en partie fournies par un Turc installé en Belgique. Un trafiquant notoire spécialisé dans les redoutables pistolets russes Tokarev et les munitions de kalachnikovs. Un fusil d’assaut et le lance-roquettes utilisés par les Kouachi avaient été achetés par Coulibaly aux alentours de la gare du Midi à Bruxelles, le tout pour moins de 5000 euros. Selon le webnews Bruxelles2, «la Belgique était un lieu courant pour la bande Coulibaly-Kouachi»

Les attaques de Paris
Dans le commando qui opère à Paris ce vendredi 13 novembre 2015 apparaissent deux frères, Salah et Ibrahim Abdelsam. Le second s’est fait sauter avec sa ceinture d’explosifs, Salah lui est en fuite. Une fois encore, il faut parler de filière belge. En effet, les frères sont nés à Bruxelles et ont vécu dans le quartier de Molenbeek jusqu'aux attentats et la famille y vit encore. Brahim, celui qui est mort à Paris, a séjourné en Syrie.
 
Alors, comme une évidence, on découvre que le cerveau présumé des attentats est Belge. Abdelhamid Abaaoud, sans doute chef du réseau de Verviers, serait en Syrie (lien payant), d’où il aurait supervisé les attentats. Lui aussi est originaire de Molenbeek, et sa réputation est terrifiante. Sous le pseudonyme d’Abou Omar Soussi, il est connu pour être un bourreau de Daech en Syrie. Sur l’activité de l’homme, le journal Le Monde est sans-appel: «Le parcours d’Abdelhamid Abaaoud est une preuve édifiante des ratés des services de renseignement belges.»

Abdelhamid Abaaoud, originaire de Molenbeek en Belgique, serait le commanditaire des attentats parisiens. (AFP/HO/DABIQ)
 
La Belgique, pays divisé
La situation en Belgique tient peut-être dans le vivre ensemble. Il semble que le pays est de plus en plus fracturé entre communautés qui ne se parlent plus ou presque. Selon Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères de la coalition au pouvoir, cité par la Libre Belgique, il faut travailler à une meilleure intégration pour lutter contre le radicalisme. Il faut faire en sorte que «les gens puissent vivre ensemble, c'est-à-dire partager les mêmes valeurs…»
 
Une police morcelée
Les nationalistes flamands vont bien plus loin. Bart De Wever, le chef de file du N-VA et également bourgmestre d’Anvers, critique l’organisation de la police bruxelloise, aux services trop éparpillés. «C'est évident que toutes ces zones de police différentes doivent fusionner.»
En effet, à Bruxelles il y a six zones de police distinctes regroupant chacune de deux à six communes. Mais dans une étude parue en 2011, le bourgmestre de Schaerbeek, Bernard Clerfayt, réfute toute faiblesse de la police à Bruxelles, renvoyant les Flamands à leurs études...
 
Un système politique peu centralisé
Etat fédéral, la Belgique est divisée à la fois en trois régions et trois communautés. Deux organisations qui se superposent. Chaque région possède son parlement et son gouvernement, et des prérogatives sur lesquelles le gouvernement fédéral n’a aucune prise. Mais le système ne s’adapte pas à une gestion transversale des dossiers et crée des conflits d’intérêts qu’aucune instance d’arbitrage ne peut régler. Difficile de mener une politique d’intégration dans ce contexte.
 
Le salafisme très protégé
Alain Destexhe, sénateur belge libéral, livre une analyse sans concession dans une tribune au Figaro publiée après l’attentat du Thalys. Pour lui, la présence de terroristes tient d’abord au nombre important de musulmans vivant en Belgique, second pays en proportion après la France. A Bruxelles, ils constituent le tiers de la population. Un vivier de recrutement, insiste le sénateur qui reconnaît tout de même que l’immense majorité d’entre eux vit en paix.
 
«Malgré tout, l'univers salafiste est particulièrement bien organisé à Bruxelles avec des mosquées, des centres de formation et des librairies.» Le sénateur poursuit: «Pendant trop longtemps, au nom de la liberté religieuse et du multiculturalisme, les autorités belges ont laissé des groupes radicaux se développer, et certains de leurs membres ont désormais rejoint des réseaux terroristes.»
 
Le mot de la fin revient à Charles Michel, Premier ministre lui-même: «Il y a eu une forme de laxisme, de laisser faire. On paie la facture de ce qui n’a pas été fait par le passé.»

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